Une sélection naturelle s’opère dans l’industrie

Les beaux jours nous attendent peut-être dans le détour. Du moins, ceux qui survivront assez longtemps pour s’y rendre.

Aux États-Unis, plus particulièrement, on voit une croissance stable des volumes dans certains corridors de charges complètes –principalement les segments du transport frigorifique et par remorques plateaux – relâchant la pression sur les taux et permettant de réduire le kilométrage à vide.
 
Toutefois, ce sont les transporteurs de plus grande taille et dont l’offre est diversifiée qui profitent le plus des premiers balbutiements de ce présumé redressement alors que les transporteurs généraux de petite et moyenne taille et ceux qui oeuvrent dans des secteurs souvent difficiles comme celui de l’automobile continuent à se noyer dans une mer de frais d’exploitation : diesel, main-d’œuvre et autres. La consolidation nord-américaine réduit en outre la capacité et le manque de chauffeurs qualifiés revient lentement dans les préoccupations.
 
Un analyste de l’American Trucking Associations (ATA) a dévoilé récemment qu’à l’échelle des États-Unis, il y a eu plus de 900 faillites de compagnies de camionnage (représentant plus de 40 000 unités) dans le premier trimestre de 2008 uniquement – une hausse de plus de 150% par rapport à l’année dernière, alors que le marché était à peu près aussi faible. Cela pourrait fort bien indiquer que l’abcès est crevé.
 
Ici, l’Alliance canadienne du camionnage (ACC) ne collige pas de données brutes sur les faillites d’entreprises mais, sans base scientifique, on peut dire qu’on observe à peu près le même phénomène ici, au moins dans l’est et le centre du pays.
 
On peut penser à une poignée de flottes du sud de l’Ontario, du Québec et du Manitoba. Winnipeg Motor Express est présentement sous la loi de la protection contre les créanciers avec une fraction de sa flotte et de sa clientèle. En outre, Al’s Cartage, une compagnie familiale de plus de 80 ans d’existence, a fermé ses portes en juillet.
 
«Nous avons tout simplement manqué de liquidités, alors ils nous ont coupé le diesel. On ne peut pas faire rouler un camion sans diesel, donc ça été la fin», de dire le président Norm Frohlich en entrevue avec notre publication-sœur Today’s Trucking le matin de la fermeture.
 
Le transporteur n’a simplement pas encaissé la combinaison de coups assénés par la flambée du prix du carburant en Amérique du Nord et le déclin de l’industrie automobile nord-américaine, a expliqué M. Frohlich. Au milieu d’un dollar canadien élevé et d’un faible appétit des États-Unis pour les autres produits d’exportation, la fin était inévitable.
 
Il a admis que la compagnie a fait une énorme erreur en se lançant dans le marché de l’automobile il y a quelques années. Il a fallu peu de temps avant que Al’s se fasse «sortir» de ce secteur coupe-gorge. «Nous avons payé beaucoup plus cher que cela valait», regrette M. Frohlich.
 
Al’s a tenté de revenir à ses sources, mais c’était trop peu, trop tard. «Nous étions bien positionnés dans notre ancien secteur, mais nous n’avons simplement pas été en mesure de regagner notre volume assez rapidement», de dire Norm Frohlich, qui dirigeait la compagnie avec son fils Randy. «Les dépenses étaient là, mais pas les volumes.» Ça vous dit quelque chose?
 
Le président de l’Alliance canadienne du camionnage et de l’Ontario Trucking Association, David Bradley, se dit désolé de voir la fin d’un pionnier de son association, mais cette fermeture et d’autres semblables sont une indication que le marché se corrige de lui-même. «La fermeture d’une telle compagnie reflète sûrement, du moins en partie, les temps difficiles que l’industrie connaît présentement», a-t-il déclaré. «Toutefois, il est clair qu’une restructuration est en train d’avoir lieu au Canada et aux États-Unis. Comme je l’ai déjà dit auparavant, la capacité s’ajustera d’une façon ou d’une autre.»
 
Il y a aussi le cas de Highland Transport, une importante division de transport de charges complètes de TransForce située à Toronto. Présentement, nul ne peut présumer de ce que l’avenir lui réserve.
 
Au moment d’aller sous presse, la compagnie avait accepté de ne pas faire de mises à pied chez ses voituriers-remorqueurs, attendant le résultat d’un second vote devant être tenu le 27 août 2008. Le local 1976 des Métallos qui représente les voituriers-remorqueurs a demandé à ses membres d’accepter à l’unanimité les termes révisés de l’entente finale du transporteur. Le syndicat a dit croire que les menaces de la compagnie de fermer la flotte en entier se concrétiseront si les chauffeurs rejettent la nouvelle offre. Highland, qui a remercié son ancien président, Norm Sneyd, plus tôt cette année, était prête à envoyer de 25 à 50 avis de congédiement initiaux (en plus d’autres à suivre) après que les voituriers-remorqueurs aient rejeté une offre précédente en juillet et que le syndicat l’ait informé qu’il déposerait un grief pour «pratique déloyale de travail».
 
Les chauffeurs se plaignaient que la compagnie changeait illégalement le présent contrat de travail à mi-chemin. Les clauses du contrat n’expirent pas avant décembre 2008.
 
Après une rencontre avec les chefs syndicaux plus tôt le mois dernier, la direction de Highland a fait d’importants amendements à sa proposition initiale, laquelle prévoyait l’annulation du prix plafond négocié à 48 cents pour le carburant et son remplacement par un régime qui prévoyait le paiement d’une modeste surcharge après que les camionneurs aient payé le plein prix à la pompe.
 
Le syndicat a aussi déclaré que la compagnie a demandé à ses voituriers-remorqueurs de maintenir une moyenne de 8,5 milles au gallon pour être en mesure de se qualifier pour la surcharge et qu’elle voulait imposer une réduction générale de 2,5 cents le mille pour la majorité des corridors et les milles à vide, entre autres choses.
 
Nous avons communiqué avec Alain Bédard, le président de TransForce, qui s’est refusé à tout commentaire sur la situation chez Highland. Dorothy Sanderson, représentante en santé et sécurité pour les voituriers-remorqueurs, garde espoir que les deux parties en viendront à une entente.
 

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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