Un politicien veut faire dérailler les grands trains routiers
Si les grands trains routiers circulent depuis un bon moment au Québec – selon certaines conditions – on ne peut pas dire que leur acceptation se fasse facilement chez nos voisins de l’Ontario, du moins dans les bureaux de certains politiciens.
Bien qu’il y ait eu quelques plaintes de résidents du secteur Beaches dans le courrier des lecteurs du Toronto Star, on n’a pas constaté d’opposition majeure contre l’utilisation des grands trains routiers (que le ministère des Transports de l’Ontario appelle «véhicules articulés allongés») depuis qu’ils ont commencé à circuler dans la province il y a 18 mois, dans le cadre d’une projet pilote.
Mais ce n’était qu’une question de temps avant qu’un simple député ne découvre qu’il pouvait s’attirer la lumière des projecteurs en manifestant son opposition. C’est le cas de Dean Del Mastro, député conservateur de Peterborough qui, en dépit de son manque apparent de compréhension du programme, semble déterminé à mettre des bâtons dans les roues des grands trains routiers en Ontario.
En novembre, celui qui se décrit comme un défenseur du transport ferroviaire, a lancé une campagne de «sensibilisation publique» appelée Trains Belong on Tracks (littéralement : les trains vont sur les voies ferrées). Cette campagne implique des pressions pour que les grands trains routiers ne soient pas autorisés sur les routes de l’Ontario. Il est rare de voir les Conservateurs s’allier aux syndicats, mais M. Del Mastro se rallie derrière les Teamsters dans ce dossier. Soulignons que les Teamsters s’opposent eux aussi aux grands trains routiers.
M. Del Mastro, qui a des racines dans l’industrie ferroviaire et qui se dit publiquement très en faveur de ce mode de transport, a affirmé que «l’opinion publique» n’est pas en faveur des grands trains routiers et, en voulant instaurer ce programme, l’Association du camionnage de l’Ontario s’attire le mépris du public (Incidemment, il y a peu de signes de «mépris du public» un an et demi après le lancement du projet pilote.).
«Les gens ne sont pas à l’aise de conduire leurs voitures à côté de ces très longs véhicules. Plusieurs ont été complètement étonnés par l’annonce», d’affirmer M. Del Mastro, ajoutant : «Je ne crois pas que mes électeurs souhaitent partager la route avec des camions de 130 pieds de long».
Toutefois, comme on le sait bien ici, les trains routiers ne sont pas nouveaux. Des tracteurs tirant deux remorques circulent depuis 40 ans au Québec, mais aussi en Alberta et dans plusieurs États américains. On ne leur attribue aucune répercussion négative sur la sécurité et, dans la plupart des cas, on constate une amélioration vérifiable sur le taux d’accidents.
Même si on lui a expliqué les avantages économiques et environnementaux éprouvés des grands trains routiers, M. Del Mastro semble déterminé à propager des arguments erronés aux médias, dont : les grands trains routiers sont dommageables pour l’environnement parce qu’ils enlèvent des cargaisons aux trains, «plus verts», et ils endommagent les routes.
Cela a incité le chef de l’Alliance canadienne du camionnage, David Bradley, à inviter le député à s’asseoir et à discuter des faits entourant la «productivité», la sécurité et les avantages gouvernementaux des grands trains routiers et leurs répercussions sur le transport ferroviaire.
Dean Del Mastro ne semble toutefois pas très intéressé à participer à un «sommet sur le camionnage», mais M. Bradley a tout de même tenu à l’éclairer.
Dans une lettre qu’il a envoyée au député, M. Bradley a indiqué comprendre que le parti pris de M. Del Mastro pour le transport ferroviaire puisse découler d’une «longue et fructueuse relation familiale avec l’industrie ferroviaire» ainsi que de son rôle de président du Conseil du «caucus ferroviaire» au Parlement.
«Toutefois, remarque David Bradley, je ne croyais pas que ce caucus avait pour but de s’immiscer dans la concurrence entre les modes de transport ou de dénigrer les autres modes.»
«La décision quant au mode qui devrait être utilisé pour toute expédition revient strictement à l’expéditeur – aux manufacturiers, détaillants et autres groupes qui dépendent du transport pour faire entrer leurs produits sur le marché.»
M. Bradley a fait remarquer que, dans les faits, le camionnage et le transport ferroviaire se concurrencent dans seulement 10 % des expéditions, le rail dominant dans le transport de marchandises lourdes en vrac sur les longues distances et le camionnage étant largement devant dans la plupart des corridors de livraisons ponctuelles.
«Non seulement le chemin de fer ne pourrait-il pas transporter nos marchandises (en raison d’un manque de capacité), mais je ne crois pas qu’il veuille de ces marchandises. Ce qu’il tente vraiment et réussit à faire par le biais de politiques publiques, c’est de faire augmenter les coûts du camionnage afin de créer un plafond tarifaire plus haut», d’expliquer David Bradley.
(La version intégrale dans le numéro de décembre de Transport Routier.)
Donnez votre avis
Vos données ne seront ni publiées, ni partagées.