J’ai conduit le camion autonome!

Mon expérience au volant du Freightliner Inspiration sur la route à Las Vegas. Impressionnant!

Parfois, les journalistes de camionnage comme moi sont appelés à faire des choses amusantes. Comme passer un test pour obtenir une certification permettant de conduire un camion dont la principale caractéristique consiste à se conduire pas mal de lui-même.

Daimler Trucks North America (DTNA) a invité une poignée de journalistes de camionnage à Las Vegas, le mois dernier, afin qu’ils puissent conduire le très impressionnant camion autonome Freightliner Inspiration, dévoilé en mai au barrage Hoover au Nevada.

Comme condition préalable pour s’asseoir derrière le volant «autodirecteur» de l’Inspiration et espérer obtenir la certification, il fallait d’abord être titulaire d’un permis de classe 1. Je me félicite d’avoir eu l’idée de suivre une formation pour en décrocher un il y a une douzaine d’années, sinon, j’aurais manqué ce qui m’attendait au Motor Speedway de Las Vegas.

Il y avait là les deux seuls exemplaires existants du Freightliner Inspiration. Jim Martin, l’un des quelques ingénieurs de Freightliner certifiés pour conduire le camion autonome, était là pour aider six journalistes de camionnage à tenter d’obtenir leur certification, prenant bien soin de leur dire que «personne auparavant n’avait réussi le test», pour la raison évidente que «personne n’avait jamais subi le test auparavant»! 

L’État du Nevada, la seule juridiction à en avoir autorisé la circulation, a attribué au Freightliner Inspiration un niveau d’autonomie de 3 sur 4 (4 étant l’autonomie complète). Parce que le camion peut rouler plusieurs kilomètres sans que le chauffeur n’ait à toucher au volant ou aux pédales, les autorités de l’État exigent de DTNA qu’elle explique quels systèmes équipent l’Inspiration, et comment fonctionnent ces systèmes, avant de délivrer la certification requise par le Nevada pour conduire le camion autonome sur ses autoroutes.

J’aimerais pouvoir vous dire qu’il a été terriblement difficile d’obtenir la certification, mais ce n’est pas le cas.

Jim Martin a d’abord pris le volant de l’Inspiration pour compléter une première fois le parcours composé d’une boucle d’une vingtaine de kilomètres, comprenant un bon tronçon sur l’autoroute 15 à proximité du Motor Speedway, et nous a tout expliqué ce que nous devions savoir avant de prendre le volant, ou le siège si vous préférez, de l’Inspiration. Le but étant de former les chauffeurs pour qu’ils sachent comment le véhicule fonctionne en mode normal et en mode autonome.

Comme un super régulateur

Si vous savez comment faire fonctionner un régulateur de vitesse et êtes capable d’être attentif sur la route, vous êtes pour ainsi dire prêt à conduire le camion autonome de DTNA. Il fait appel à une combinaison de technologies déjà disponibles commercialement afin de faire son chemin entre les lignes de la chaussée et y rester.

Le système Highway Pilot est ce qui permet au Freightliner Inspiration d’être autonome. Il fait appel à des systèmes de régulation adaptative de la vitesse et de suivi de voie que l’on trouve avec la solution de sécurité Detroit Assurance de DTNA. Il fait aussi appel à la commande automatisée de la direction, à un radar pleine portée (offrant une vision à 180 degrés sur 820 pieds) et à un radar de courte portée (130 degrés, 230 pieds), à une caméra avant stéréo (laquelle n’est pas offerte sur le marché) et à deux super rétroviseurs, qui sont en fait des caméras panoramiques placées dans la cabine et qui vont même jusqu’à suivre le mouvement de la remorque en virage, éliminant pratiquement tous les angles morts.

Il faut atteindre une certaine vitesse et le frein moteur doit être désengagé avant que le système Highway Pilot ne puisse être activé. Puis, lorsque l’affichage du tableau de bord m’a clairement indiqué que le Highway Pilot était disponible, j’ai appuyé sur le bouton «resume» placé sur le volant, tout comme on le fait pour le régulateur de vitesse, puis le camion a maintenu sa vitesse préprogrammée à 55 milles à l’heure. Lorsque j’ai lu sur l’affichage que le système Higway Pilot était actif, j’ai simplement enlevé mes mains du volant et mes pieds des pédales.

Puis les cinq secondes suivantes ont été très étranges. Cinq secondes de non-confiance en la machine, ce qui, je suppose, est normal quand vous laissez un camion de classe 8 se conduire tout seul.

Puis votre cerveau réalise que le système fonctionne et que le véhicule reste exactement entre les lignes de la chaussée, à 3,5 secondes derrière tout véhicule pouvant se trouver devant, exactement à la vitesse à laquelle vous l’avez programmé.

Jim Martin m’a posé quelques questions sur la façon d’activer et de désactiver le mode autonome – je devais passer le test afin d’obtenir ma certification, vous vous rappelez?

Vraiment, c’est facile et c’est comme utiliser un régulateur de vitesse : vous activez le système en appuyant sur le bouton «set» ou «resume» sur le volant, accélérez en utilisant le bouton «set» et appuyez sur le bouton «off» ou sur la pédale de frein pour désactiver le système autonome.

Les ingénieurs de DTNA avaient préprogrammé le système de manière à ce que je doive intervenir et prendre les commandes du camion à un certain moment, pour montrer ce qui arriverait si, pour une quelconque raison (usure de la peinture ou présence de neige) les caméras n’arrivaient plus à guider le camion en détectant les lignes sur la chaussée. Un décompte de 10 secondes est apparu sur le tableau d’affichage pour m’indiquer qu’il était temps pour moi de prendre les commandes.

Il y avait un bon vent ce jour-là à Las Vegas et je pouvais facilement voir le système combattre les vents latéraux afin de garder le véhicule au milieu de la voie. Je n’avais rien à faire, sinon regarder devant. C’est le genre d’avantages que peut apporter un camion autonome : moins de fatigue pour le chauffeur.

Chauffeurs, restez calmes!

Ce que je peux dire aux chauffeurs qui craignent que les camions autonomes ne prennent leur emploi c’est : gardez votre calme et continuez à conduire. Le chauffeur doit prendre les commandes du camion autonome pour entrer et sortir de l’autoroute, prendre les virages aux intersections, pour circuler en ville et pour intervenir en cas de besoin.

Les gens de DTNA ont été très clairs : le camion autonome a besoin d’un chauffeur. Un chauffeur qui est à l’affût de ce qui se passe sur la route et qui est en charge du véhicule.

Diane Hames, directrice générale du marketing et de la stratégie chez DTNA, insiste pour dire que la technologie n’est pas là pour se débarrasser des chauffeurs. «Absolument pas», dit-elle. «La technologie peut réduire la fatigue. Avec le temps, se concentrer sur la route est une activité qui amène de la fatigue.»

Avec le camion autonome, «le chauffeur doit être sur le siège du conducteur et il doit être en mesure de prendre les commandes du camion, mais le niveau de concentration requis n’est pas le même», dit Mme Hames. «Le camion ne se fatigue jamais, et il peut réagir plus rapidement dans certaines situations.»

L’autonomie rapporte des dividendes. Des études menées en Allemagne par Daimler ont montré que le camion autonome peut réduire la fatigue de 25 pour cent, de dire Mary Aufdemberg, directrice du marketing des produits pour Freightliner Trucks.

Conduire le Freightliner Inspiration pendent 30 courtes minutes ne me permet pas de prouver cela scientifiquement, mais ce chiffre m’apparaît tout à fait sensé. 

Par Steve Bouchard

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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