Gérer les mises à pied et les réembauches de chauffeurs

Pour une foule de raisons différentes, un grand nombre d’entreprises de transport par camion ont dû procéder à des réductions d’effectifs en raison des répercussions économiques de la pandémie de COVID-19.

Et bien que plusieurs signes encourageants commencent à apparaître, la stabilité financière des flottes est loin d’être acquise à long terme, pas plus qu’il est possible d’écarter hors de tout doute l’arrivée d’une deuxième vague d’infections après une période d’accalmie.

Cela signifie que les gestionnaires de flottes doivent redoubler d’habileté lorsqu’ils sont contraints de se séparer de certains chauffeurs s’ils veulent que ces derniers leur soient fidèles lorsque les affaires reprendront et qu’ils auront à nouveau besoin de leurs services.

Selon Angela Splinter, présidente-directrice générale de Ressources humaines camionnage Canada (RHCC), la première étape vers la fidélisation d’un chauffeur est la manière dont on procède à la séparation.

Si les finances le permettent, on peut opter pour une formule de congé sans solde plutôt qu’une mise à pied. Bien sûr, l’employeur doit continuer à assumer certaines charges sociales, mais le lien d’emploi demeure, ce qui n’est pas à négliger. « C’est un congé temporaire, dû à des circonstances extraordinaires, ce qui est exactement le cas en ce moment », dit-elle au sujet de la situation de pandémie.

Et si des mises à pied sont nécessaires, insistez sur leur caractère temporaire, ajoute Mme Splinter, selon qui la formule des bonis de retour au travail mise de l’avant par certaines flottes pour maximiser les chances de revoir leurs chauffeurs peut être une solution convenant à certaines entreprises.

Communiquer une nouvelle de mise à pied

Mais la qualité et l’authenticité des relations humaines entre patrons et employés demeurent la clé d’une séparation temporaire réussie, estime Mme Splinter. « C’est difficile de le faire face à face, mais la manière dont c’est communiqué est très importante. Il n’y a pas de moment idéal pour mettre quelqu’un à pied. Je dirais simplement de le faire avec empathie et sollicitude, en étant aussi ouvert et transparent que possible dans votre communication avec vos employés », conseille-t-elle aux dirigeants d’entreprises de camionnage, disant savoir à quel point il est crève-cœur pour nombre d’entre eux d’avoir à se séparer de certains de leurs effectifs.

Cette transparence pourrait s’exprimer simplement par l’explication que la perte de tel contrat du client « x » affecte telle division de l’entreprise. Ou encore en présentant quel est votre plan de réembauche.

« Je crois que ça trouve un écho lorsque les employés savent que vous êtes honnête avec eux », indique la dirigeante de RH Camionnage Canada.

Elle croit d’autre part que les employeurs peuvent fidéliser ces employés mis à pied temporairement en les accompagnant et en les appuyant dès le début du processus et en assurant un suivi.

« Dirigez vos employés vers toute mesure d’aide à laquelle ils ont accès », suggère Mme Splinter. Pour maintenir leur sentiment d’appartenance à votre flotte, continuez de leur faire parvenir votre bulletin ou infolettre d’entreprise.

Et, pourquoi pas, communiquez avec eux directement. « Simplement leur téléphoner, leur faire signe, ça démontre qu’ils comptent à vos yeux. Le fait de garder les lignes de communication ouvertes, c’est quelque chose dont les employés se souviendront », dit-elle.

La lutte pour les chauffeurs n’est pas terminée

Réembaucher un chauffeur mis à pied coûte beaucoup moins cher que de recommencer le processus d’embauche en entier avec un candidat venu de l’extérieur. Selon Mme Splinter, cette dernière option représente des dépenses pouvant aller de 7 500 $ à 15 000 $, selon l’ampleur du processus d’accueil et de mentorat mis en place par différentes flottes.

La hantise de voir des chauffeurs mis à pied être embauchés par un autre transporteur pour qui la reprise a été plus précoce demeure bien réelle. « Pour l’instant, tout va bien mais lorsque et si la demande des consommateurs commencera à remonter, je prédis que nous retournerons à l’éternelle pénurie de chauffeurs », déclare la spécialistes des ressources humaines.

La pénurie de personnel pourrait même avoir être aggravée par le fait qu’un certain nombre de chauffeurs, après avoir été mis à pied, quittent l’industrie pour de bon. « Une préoccupation que nous avons concerne les chauffeurs plus âgés. Ils quittent et ne reviendront pas », dit-elle. « Pour certains, ça [la pandémie] a été la goutte qui a fait déborder le vase. Ils ne voulaient simplement pas se mettre dans une situation de risque élevé ou mettre leur famille à risque. »

Mme Splinter affirme que chaque gestionnaire de flotte à qui elle parle vit quelques-uns de ces cas en entreprise.

Il semble par ailleurs que le regain de popularité de l’industrie du camionnage auprès du grand public, si bienvenu soit-il, ne mettra pas fin aux difficultés de recrutement ou de re-recrutement.

Un webinaire organisé hier et faisant état des résultats d’un sondage mené à la mi-mai par la firme d’analystes Abacus Data pour le compte de RH Camionnage Canada indique en effet que 29% des Canadiens ont une opinion plus positive de l’industrie qu’avant la pandémie, 72% des répondants qualifiant même le camionnage d’essentiel.

De là à en joindre les rangs, il y a un pas que beaucoup de gens ne sont pas prêts à franchir. Selon les groupes d’âge, à peine 32% à 35% des gens seraient prêts à envisager une carrière dans l’industrie du camionnage. La perception d’un mauvais équilibre travail-famille, de frais de formation élevés et d’un manque de respect à l’égard des professions du camionnage continuent d’être des freins majeurs.

Pour Mme Splinter, il s’agit d’un dur retour à la réalité pour certains gestionnaires de flottes qui croyaient l’industrie être soudainement devenue « sexy et populaire »

Au sujet de l’image de l’industrie au sein du grand public, Mme Splinter a ce commentaire : « Elle s’est améliorée un peu, mais nous faisons toujours face à des obstacles. Nous ne sommes toujours pas le premier choix des jeunes à la recherche d’une profession de type col bleu », dit-elle.

Mme Splinter estime que l’industrie devra tirer des leçons de l’épisode de pandémie en matière de ressources humaines. Même la façon de présenter les offres d’emplois devra changer.

« Vous devez tenir compte des implications de la COVID-19 », dit-elle pour illustrer l’importance d’un environnement de travail sécuritaire aux yeux de candidats potentiels. Par exemple, les employeurs pourraient mettre l’accent sur cet environnement sécuritaire, sur le fait qu’ils procurent l’équipement de protection personnelle adéquat. « Ce sont de nouveaux facteurs sur lesquels il faut maintenant se concentrer », ajoute Mme Splinter.

Et cela s’applique tout aussi bien à l’intérieur du terminal. « J’ai entendu parler de certains bureaux où du ruban adhésif a littéralement été apposé sur le plancher pour éviter que les gens se croisent dans certains espaces », dit-elle.

C’est le genre de pratiques de sécurité et de protection des ressources humaines qu’il ne faut pas hésiter à faire connaître lorsqu’on recrute en contexte de pandémie.

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