Hydrogène : du nouveau sous le soleil
Parmi les approches d’électrification qui s’offrent au transport routier des marchandises, l’hydrogène a été supplanté par la propulsion tout électrique ces derniers mois.
La grande vedette du camionnage hydrogéné, Nikola Motors et son controversé ex-président, Trevor Milton, ont pris beaucoup de place sous les projecteurs à un certain moment, M. Milton devenant le premier milliardaire de l’hydrogène sans avoir vendu un seul camion. Oui, c’est possible dans le monde d’aujourd’hui grâce aux investisseurs et à la valorisation boursière.
Le 21 septembre dernier, coup de théâtre : Trevor Milton démissionne de son poste de président exécutif et de membre du conseil d’administration après qu’une société de vente à découvert l’ait accusé de mentir sur le potentiel des véhicules électriques Nikola. Les actions ont plongé (de 93,99 $ en juin 2020 à 19,46 $ trois mois plus tard). Quelques semaines après, deux femmes l’ont accusé de harcèlement sexuel. Il ne reste depuis plus de trace de Trevor Milton sur les réseaux sociaux, lui qui était plutôt hyperactif sur Twitter notamment.
C’est Stephen Girsky, membre du conseil d’administration et ancien vice-président de General Motors, qui a remplacé Trevor Milton à la tête de Nikola Motors. Peu auparavant, GM avait pris une participation de 11 % dans Nikola, après avoir signé un partenariat stratégique pour concevoir et fabriquer la camionnette Nikola Badger, un projet de Milton.
Le 30 novembre 2020, Nikola a conclu un protocole d’entente non contraignant avec General Motors selon lequel le système de pile à combustible Hydrotec de GM sera intégré dans les camions commerciaux des classes 7 et 8 de Nikola. Nikola devait commencer à tester les prototypes d’ici la fin de 2021, et les prototypes bêta devaient être mis en circulation au cours du premier semestre de 2022. GM et Nikola devaient également étudier la possibilité d’utiliser le système de batterie Ultium de GM.
GM revient dans l’actualité du camionnage alors que la société s’est associée à Navistar et OneH2 pour déployer des camions fonctionnant avec des piles à hydrogène, et même fournir le réseau de ravitaillement pour les soutenir.
JB Hunt Transport prendra part à un projet pilote qui commencera à la fin de 2022 et qui impliquera des camions International RH alimentés par des blocs d’alimentation à pile à combustible et des systèmes de gestion de l’alimentation GM Hydrotec, alors que OneH2 produira et stockera l’hydrogène requis et soutiendra les activités de ravitaillement en carburant.
La production des camions, qui devraient offrir une autonomie de plus de 800 km (500 milles), devrait débuter avec l’année modèle 2024. Bien que plus lourds que les camions diesel, ils devraient être plus légers que les camions électriques à batterie.
«Les piles à combustible à hydrogène sont très prometteuses pour les poids lourds dans les applications nécessitant une densité d’énergie plus élevée, un ravitaillement rapide et une autonomie supplémentaire», a expliqué Persio Lisboa, président-directeur général de Navistar. «Mais les questions sur l’infrastructure de ravitaillement disponible ont dominé les discussions avec de nombreuses flottes.»
Navistar a également annoncé un projet de camion de classe 8 à pile à combustible, financé en partie par le Département américain de l’énergie, avec Cummins et Werner.
Navistar reste également déterminé à produire des véhicules électriques à batterie dans le cadre de sa stratégie zéro émission. Les camions à batterie devraient sortir de la chaîne de montage Navistar dans un an, et certaines unités doivent être mises en service commercial dès juillet prochain.
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Le Québec en pôle position
Le Québec est dans une position exceptionnelle en matière d’électrification du transport des marchandises, qu’il soit électrique à batterie ou à pile à combustible. Hydro-Québec souhaite contribuer à la création d’une filière québécoise de l’hydrogène vert.
L’hydrogène vert est produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable plutôt que par reformage du méthane, ce dernier procédé étant fortement émetteur de GES.
«L’hydrogène vert peut alimenter les véhicules électriques à pile à combustible (VEPC) qui pourraient remplacer les camions lourds au diesel, voire les trains, pour le transport des marchandises», indique la société d’État dans un communiqué.
«L’hydrogène suscite un engouement considérable à l’échelle mondiale. Cet engouement offre au Québec l’occasion de se positionner dans la filière internationale de la production d’hydrogène vert», poursuit Hydro-Québec. «Le Québec bénéficie de nombreux atouts favorables à la production d’hydrogène vert. Au premier chef, nous pouvons compter sur de l’électricité renouvelable à prix compétitif et sur d’importantes réserves d’énergie disponibles en tout temps grâce aux capacités de stockage de nos grands réservoirs hydroélectriques.»
En décembre dernier, Hydro-Québec a annoncé qu’elle construira et exploitera, à Varennes, une usine d’électrolyse d’une capacité de 88 mégawatts (MW), ce qui en fera l’un des électrolyseurs les plus puissants du monde pour la production d’hydrogène vert.
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Hydrogène solaire
Je n’ai jamais été très fort en sciences, alors je n’élaborerai pas trop ici, mais quelque chose d’autre de très intéressant se passe au Québec du côté de l’hydrogène. Plus particulièrement à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
L’équipe de recherche du professeur My Ali El Khakani, de l’INRS, a joint ses efforts à une équipe de l’Institut de chimie et procédés pour l’énergie, l’environnement et la santé (ICPEES) de l’Université de Strasbourg, pour produire de l’hydrogène à partir de la lumière du Soleil.
Selon le professeur My Ali El Khakani, le Québec pourrait se positionner stratégiquement dans le développement de l’hydrogène. «Grâce à des nanomatériaux performants, nous pouvons améliorer l’efficacité de dissociation de l’eau pour produire de l’hydrogène. Ce carburant “propre” occupe une part croissante dans le secteur du transport intensif et lourd, pour le camionnage et le transport public par exemple. Ainsi, des autobus qui utilisent l’hydrogène comme combustible sont déjà en circulation dans plusieurs pays européens et en Chine. Ces autobus rejettent de l’eau au lieu des gaz à effet de serre», soutient le physicien et spécialiste des nanomatériaux.
Les équipes de l’INRS et de l’ICPEES ont développé des électrodes possédant une ingénierie et une structure particulières qui, sous le rayonnement du Soleil, dissocient la molécule d’eau (processus de photocatalyse). Elles ont sélectionné un matériau très abondant et très stable chimiquement : le dioxyde de titane (TiO2).
«Le TiO2 est un semiconducteur connu pour sa photosensibilité aux rayons ultraviolets, qui n’occupent que 5 % du spectre solaire. Les chercheuses et les chercheurs ont mis à profit leur expertise dans le domaine pour d’abord changer la composition atomique du TiO2 et étendre sa photosensibilité à la lumière visible. Ils ont ainsi réussi à produire des électrodes pouvant absorber jusqu’à 50 % de la lumière émise par le Soleil. Un gain significatif dès le départ!», indique l’INRS.
Je ne comprends pas tout ce que ça implique, mais si on peut produire à partir des rayons du Soleil une énergie propre capable de propulser des camions, ça m’apparait très prometteur. Une histoire à suivre, probablement à long terme.
Steve Bouchard
Rédacteur en chef, transportroutier.ca