8 façons d’allonger la vie des pneus d’un tracteur de route

« Il ne faut pas faire l’erreur de limiter les vérifications aux seuls pneus. Pour le mécanicien, il est important de regarder tout ce qui est autour et qui peut influencer leur usure prématurée. »

– Yves Thibert, enseignant en mécanique de véhicules lourds et spécialiste dans l’alignement de roues.

Sans les pneus, rien n’est possible en camionnage. Leur importance est évidemment incontournable. Ils sont le socle sur lequel reposent la sécurité du chauffeur, la livraison des marchandises et la protection des actifs de l’entreprise. Pour allonger leur vie utile et réduire les coûts qui sont associés, le mécanicien de véhicules lourds doit non seulement évaluer les pneus eux-mêmes, mais également tout ce qui peut, autour, en affecter une détérioration prématurée.

Afin de mieux saisir la complexité des interactions qui existent entre certains composants névralgiques et les pneumatiques, nous avons fait appel à un spécialiste dans l’alignement de roues : Yves Thibert. Enseignant la mécanique de véhicules lourds à l’École des métiers de l’équipement motorisé de Montréal (EMEMM) depuis une vingtaine d’années, M. Thibert a antérieurement oeuvré à titre de mécanicien au sein de garages liés à l’industrie.

Le pneu directeur, dont la semelle est moins épaisse que le pneu de traction, peut rouler quelque 300 000km s’il est bien entretenu et utilisé soigneusement par le chauffeur. Photo : Christian Bolduc

Redoutable pédagogue, il a accepté de partager quelques unes de ses vastes connaissances avec les lecteurs de Transport routier. Voici donc un condensé de ses recommandations afin de prolonger, au maximum, la vie des pneus d’un tracteur de route opérant sur de longues distances.

1- Lorsqu’un camion entre dans le garage pour un alignement de roues, le mécanicien a, en amont, plusieurs points à vérifier:

1.1. La pression des pneus aux dix roues;

1.2. L’état général de la semelle de chaque pneu. Des indices d’une usure anormale peuvent apparaître;

1.3. La suspension arrière;

1.4. La hauteur de la suspension;

1.5. La direction avant;

1.6. Le roulement des roues;

1.7. À l’aide de capteurs et autres cadrans, l’alignement des ponts arrière et l’alignement avant.

2- La direction

Qui dit direction pense forcément au boîtier, à la colonne, au système de servo-direction et aux axes de pivot. En fait, tous les composants qui permettent au véhicule de tourner de gauche à droite.

Pour que le pneu use normalement, il faut un alignement droit sur les longerons du châssis. Mal aligné, le pneu prend la trajectoire qui lui été donnée: soit vers le fossé, soit vers le centre de la route. Il a alors tendance à chauffer et à se dégrader plus vite. Une résistance accrue qui fait des encoches en forme d’oreille sur un côté ou l’autre du pneu.

Le meilleur moyen pour éviter d’avoir un camion mal aligné est encore de procéder à un entretien préventif ponctuel. Obligatoire à tous les trois mois pour les participants au programme PEP ou aux quatre mois lorsqu’elle est effectuée chez un mandataire, cette inspection est encore le plus sûr moyen de prévenir plutôt que de guérir.

3- La suspension

Si le chauffeur sent une vibration dans le plancher sous ses pieds, les risques que la suspension soit mal ajustée sont assez élevés. Une situation qui survient habituellement lorsque la hauteur de la suspension est mal ajustée. Les vibrations se déplacent alors jusqu’au bout des composants qui y sont liés. Dans le cas qui nous occupe, c’est jusque dans l’engrenage et les roulements de roues (behrings) que les dégâts peuvent être causés.

La multiplication des vibrations provoque éventuellement un relâchement de la pression dans les roulements. La roue a alors tendance à se déplacer de gauche à droite (lousse) de façon anormale. M. Thibert affirme que des roulements de roues « lousses » sont une cause importante de l’usure prématurée des pneus.

4- Les amortisseurs

Utilisés pour calibrer l’oscillation de la suspension, et ce en fonction de la charge transportée, les amortisseurs empêchent l’essieu de « varloper » librement de haut en bas. Un stabilisateur pour l’essieu, en fait, qui permet aux roues de rester bien au sol lorsque le camion doit négocier des secousses sur les routes.

Lorsqu’il y a une fuite d’huile interne par exemple, l’amortisseur a plus de difficulté à jouer son rôle. Le liquide, qui passe généralement d’une chambre à l’autre par des soupapes qui sont calibrées en conséquence, se déplace alors plus difficilement et entraine une résistance et des difficultés lorsque l’amortisseur doit se comprimer ou s’étirer pour stabiliser la charge.

Incapable de stabiliser la suspension, l’amortisseur défectueux laisse l’essieu du camion balloter librement de bas en haut. Les frottements successifs et saccadés font sautiller les pneus, lesquels créent éventuellement des creux dans les encoches de la semelle. M. Thibert les compare à des ronds de la taille d’une pièce de un et deux dollars.

5 – Les roulements de roues

Présents à l’intérieur et à l’extérieur de la roue pour réduire la résistance et les frottements, les roulements de roues performants ont normalement moins de cinq millièmes de jeu axial dans le sens de la fusée. En excédant cette limite, la roue peut avoir tendance à balloter librement de l’intérieur vers l’extérieur et affecter la bande de roulement des pneus. Idéalement, pour le mécanicien, est de consulter et d’appliquer les spécifications du fabricant quant au jeu maximal permis.

Le chauffeur, en faisant sa ronde de sécurité journalière, peut aisément vérifier s’il y a de l’huile dans le chapeau du moyeu avant. Visible à travers une petite vitre, le précieux liquide, s’il est grisâtre, est moins visqueux, donc plus contaminé. Il risque, si l’huile n’est pas changée, d’endommager les roulements, provoquer un jeu excessif et accélérer l’usure des pneus. S’il est couleur sirop d’érable, alors tout va bien. Pour s’assurer que la vitre est visible, le chauffeur doit éviter de mettre un « hub cap » chromé par-dessus.

6 – La charge et la pression des pneus

Conçus pour rouler sous un camion chargé, les pneus ont une pression maximale recommandée par le manufacturier (90psi, 100psi, etc.). Si le camion roule allège trop souvent, ce qui n’est pas très bon pour les affaires, le chauffeur devra réduire la pression dans ses pneus. Pourquoi ? La remorque, qui est aussi conçue pour transporter des charges, aura plus de difficulté à rester stable sur la route. Le ballon de l’amortisseur, dont la pression sera maximale, n’arrivera pas à stabiliser le camion dont la charge transportée est nulle ou largement insuffisante.

Si, au contraire, elle est chargée au-delà de ses capacités, la remorque aura tendance à surchauffer les pneus de chaque côté. Même résultat si la sellette d’attelage est installée un peu trop vers l’avant.

7- Équilibrage des roues

Traditionnellement, un alignement de roues peut se faire périodiquement, si le chauffeur sent une vibration irrégulière sur son volant ou si le camion tend anormalement vers un côté de la route. Pour parer à un déséquilibre au quotidien, il existe une solution parmi plusieurs sur le marché que M. Thibert considère très utile: le stabilisateur de roues Centramatic.

Rondelle trouée (voir photo plus bas) qui s’installe en retirant complètement la roue, le Centramatic, que la compagnie nomme un balancer en anglais, est équipé de petites boules et de lubrifiant dans un tube sur le contour extérieur afin de rééquilibrer l’axe de la roue. En corrigeant ou neutralisant le déséquilibre, la durée de vie du pneu peut augmenter de 25% à 50%, dit le manufacturier.

En plus de réduire, de l’ordre de 8% à 10%, la chaleur générée par un mauvais alignement des roues, donc la scarification ou la cratérisation du pneu, ce stabilisateur est suffisamment robuste pour passer à travers le froid de l’hiver, réduit, de 37%, les vibrations et peut, dans les conditions idéales de conduite, faire économiser jusqu’à 2% de carburant à son propriétaire.

Un stabilisateur de roues Centramatic. On peut voir, sur le contour extérieur, un tube dans lequel se trouvent les petites boules ainsi que le lubrifiant qui stabilisent le roulement de la roue. Photo : Centramatic.

8 – La conduite du chauffeur

Depuis le 1er janvier 2009, les camions circulant au Québec (et assemblés après le 31 décembre 1994) doivent légalement être « barrés » à 105km/h. Destinée à bonifier la sécurité routière, cette mesure a aussi des effet collatéraux importants sur la pérennité des pneus. Alors qu’à 115km/h et plus, les pneus tendent à surchauffer et à dégrader la gomme de la semelle, le maintien d’une vitesse sous la barre du 105km/h permet d’optimiser la chaleur des pneus et de réduire, par le fait même, leur sollicitation excessive par le chauffeur.

Même constat concernant l’utilisation des freins. Tout en permettant un freinage sécuritaire, prévisible et tout en douceur, la limite de vitesse à 105km/h évite un effritement excessif et accéléré des semelles de pneus.


Il sera possible, avec ces quelques conseils, d’espérer atteindre, pour le chauffeur longue distance, les 300 000km parcourus pour les pneus directeur et 500 000km pour les pneus de traction.

Rédacteur professionnel depuis plus de 15 ans, Christian possède une expérience considérable à titre de journaliste spécialisé en transport, notamment à titre de directeur de la rédaction de L'Écho du transport, magazine aujourd'hui disparu, et de Transport durable magazine.

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  • faudrais tenir compte que au conseil de certazin poseur de pneu beaucoup ne font balancer le pneu de traction et de remorque alors pour ce qui est de degonfler les pneu et regonfler vous repasserez