Le report de la réglementation sur les DCE occasionne frustration ou soulagement

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Nous sommes en juin 2022, le mois au cours duquel la réglementation obligeant l’utilisation des dispositifs de consignation électronique (DCE) au Canada, attendue depuis un an déjà, devait entrer en vigueur. Mais un autre report de la mise en application – jusqu’en janvier 2023 – a été accueilli avec autant d’exaspération que de soulagement.

Parmi les personnes frustrées figure l’Alliance canadienne du camionnage (ACC), qui fait pression en faveur d’une réglementation sur les DCE depuis plus de dix ans. Certains fournisseurs de DCE – y compris certains pas encore certifiés – étaient également opposés au délai de mise en application, tandis que d’autres fournisseurs estimaient qu’il était nécessaire.

L’Association canadienne du camionnage d’entreprise est l’une des organisations qui ont le plus ouvertement soutenu le report de la mise en application. Elle a invoqué la nécessité de disposer d’un plus grand nombre d’appareils approuvés – 22 appareils de 15 fournisseurs de DCE avaient été certifiés lorsque le dernier report a été annoncé en mars. (La liste était passée à une cinquantaine de dispositifs en mai 2022).

Les fournisseurs ne sont pas à blâmer

Jacques DeLarochellière, cofondateur et PDG d’Isaac Instruments, tient à ce que l’industrie sache que ce retard ne reflète en aucun cas un manquement de la part des fournisseurs. Il s’inscrit en faux contre l’idée qu’il n’y a pas assez de fournisseurs certifiés pour procéder à l’application de la loi, citant des données internes sur les parts de marché qui indiquent que trois fournisseurs de DCE – Isaac, Omnitracs et Trimble – qui ont tous des appareils certifiés, couvrent plus de 75 % du marché canadien des flottes de camions.

«J’aurais été d’accord avec cette affirmation il y a un an», dit-il, à propos des arguments selon lesquels il n’y avait pas suffisamment d’appareils certifiés pour commencer à appliquer la loi. «Maintenant, c’est loin d’être vrai. La couverture est bonne.»

Selon lui, les huit principaux fournisseurs couvrent environ 90 % du marché canadien des flottes de camions, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter des dizaines d’appareils approuvés pour assurer la conformité.

«Il est indéniable que l’industrie est aujourd’hui suffisamment appuyée par un groupe de fabricants de DCE sérieux et dévoués. Nous ne pouvons pas être tenus responsables pour cette perpétuelle remise en question et ces délais incessants», corrobore Jean-François Maheux, président d’INGtech.

«Malgré les coûts et les efforts élevés nécessaires à l’obtention de la certification canadienne, les fournisseurs ont tout de même fait preuve de patience, de persévérance et de dévouement lors de ce processus parfois douloureux et exaspérant», poursuit M. Maheux. «Maintenant, l’industrie est en mesure de voir que ce sont les juridictions qui sont la cause des reports interminables de la date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.»

Les experts recommandent de tenir compte de ce que votre DCE peut faire pour votre flotte au-delà de la conformité aux normes sur les heures de service. (Photo : Isaac Instruments)

Mais certains fournisseurs de DCE disent que le processus a pris plus de temps que prévu et que plus de temps était nécessaire pour des raisons indépendantes de leur volonté. «Je pense qu’il y a beaucoup de fournisseurs qui doivent encore être certifiés», soutient Anthony Mainville, président d’AttriX, partenaire Geotab. «Il y a eu un énorme retard, d’abord dans l’approbation des parties tierces de certification supplémentaires. Et au moment où elles ont été annoncées, je pense que cela a retardé un grand nombre de fournisseurs de DCE. Il y a eu un retard de six mois auquel nous ne nous attendions pas.»

Il prévoit que jusqu’à deux douzaines de DCE pourraient encore être bloqués dans le processus de certification. «Il ne s’agit pas seulement de certifier un dispositif télématique. Il faut également certifier les anciens dispositifs pour s’assurer que les clients actuels ne sont pas coincés avec un dispositif incompatible», explique M. Mainville.

Orbcomm est l’un des fournisseurs pris dans le processus de certification plus longtemps que prévu. Il a d’abord rencontré des retards avec le premier organisme de certification autorisé, puis en a choisi un autre lorsque d’autres ont été approuvés.

«Quand ils ont ajouté un deuxième [organisme de certification], nous sommes repartis de zéro avec eux», explique Lina Paerez, vice-présidente du marketing d’Orbcomm. «Nous pensons que nous sommes littéralement maintenant sur le point [d’obtenir la certification]. Sur le plan technique, nous prenons déjà en charge toutes les fonctionnalités requises pour la conformité. Nous avons juste besoin de ce cachet officiel d’approbation.»

Les organismes d’application de la loi et certains gouvernements provinciaux ont également eu besoin de plus de temps pour se préparer. La norme technique sur les DCE détaille la manière dont les données sont transmises de l’appareil au contrôleur routier, mais la partie réceptrice de l’équation n’a pas encore été résolue techniquement. Cela frustre M. DeLarochellière.

«Nous avons eu amplement de temps», dit-il. «En 2015, nous savions que cela arrivait aux Etats-Unis. C’était il y a six ou sept ans, alors pourquoi ne sommes-nous pas prêts? J’ai l’impression que les fournisseurs ont fait leur part.»

«Se faire dire que la réglementation sera en vigueur lorsque les transporteurs seront en majeure partie équipés, c’est le monde à l’envers», s’exclame Guillaume Lessard, directeur des ventes d’INGtech. «Nous savons tous que le gouvernement du Québec listera des exemptions et qu’il modifiera certains éléments de la réglementation proposée par le fédéral. C’est aussi cela qui ralentit le déploiement des DCE dans l’industrie. Plusieurs de nos clients se demandent d’abord et avant tout s’ils seront exemptés avant de s’équiper.»

Il craint que des processus gouvernementaux interminables, comme les appels d’offres visant à sélectionner un système permettant le transfert des données vers les organismes de réglementation, ne retardent encore les choses. Lorsqu’on lui a demandé s’il était convaincu qu’il n’y aurait pas d’autres retards dans l’application de la loi, M. DeLarochellière a répondu sans ambages : non.

Le fait que quatre provinces – la Colombie-Britannique, le Québec, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve – n’ont pas encore adopté les règlements ou les lois nécessaires pour rendre les DCE obligatoires ne fait qu’augmenter la probabilité de nouveaux retards. L’ACC souhaite que les provinces qui se sont engagées à respecter la réglementation aillent de l’avant, avec ou sans les quatre autres, d’ici l’échéance de mise en application de janvier 2023.

«Il ne devrait plus y avoir de reports ni de retards. Il est plus que temps de mettre enfin en place cette importante mesure de sécurité», a déclaré Stephen Laskowski, président de l’ACC, dans un communiqué publié à l’annonce du dernier report.

Une cinquantaine de systèmes avaient été approuvés par Transports Canada en mai 2022. (Photo: Geotab)

Jean-François Maheux apporte une nuance quant à la situation qui prévaut dans la Belle province. «Au Québec, nous ne semblons pas vouloir l’avouer, mais il est maintenant évident qu’il est impossible que la réglementation n’entre en vigueur d’ici janvier prochain. Avec les élections à venir en automne, le gouvernement, étant lui-même exploitant et propriétaire de plusieurs flottes de véhicules lourds, ne pourra certainement pas être conforme à la nouvelle règle d’ici là, puisque aucun appel d’offres n’a été lancé à ce jour afin d’équiper ses propres véhicules.»

Alors, que faire maintenant?

Comme le note M. DeLarochellière d’Isaac Instruments, la plupart des flottes de camions canadiennes utilisent déjà un DCE certifié, ou bientôt certifié. Pour ces flottes, la période de grâce pour l’application de la loi ne signifie pas grand-chose. Pour les flottes qui utilisent une plateforme qui n’est pas encore certifiée, il n’est pas exagéré de demander aux fournisseurs une mise à jour de statut.

«Si vous n’avez pas encore choisi un fournisseur, assurez-vous qu’il est certifié ou qu’il va l’être», recommande Mike Soricelli, chef de produit d’ERoad. «Vérifiez également s’ils sont 3G ou 4G. Assurez-vous que vous ferez affaire avec un fournisseur qui travaille avec un appareil 4G, au minimum, afin que vous ne soyez pas obligé de changer de matériel dans les mois à venir.»

Pour ceux qui utilisent encore des fiches papier, M. DeLarochellière dit qu’ils gaspillent inutilement de l’argent tout en retardant l’inévitable.

«Si vous travaillez avec du papier, vous ne savez pas combien d’argent vous perdez», dit-il. «L’utilisation du papier est une dépense, pas une économie.»

Le temps presse pour l’application de la réglementation canadienne sur les DCE. (Photo:INGtech)

Marc Moncion, vice-président de la conformité et des affaires réglementaires chez Fleet Complete, dit que les flottes à la recherche d’un dispositif devraient également demander aux fournisseurs comment ils gèrent les défis de la chaîne d’approvisionnement. De nombreux fournisseurs de DCE connaissent des retards liés aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale qui pourraient rendre irréaliste un déploiement en six mois.

Selon M. DeLarochellière, il faut environ six mois à une flotte moyenne pour déployer même un appareil facilement disponible et former le personnel à son fonctionnement. Par conséquent, celle qui n’ont pas encore installé le matériel auront déjà du mal à respecter la date d’application de janvier.

Les flottes devraient également examiner ce que leur DCE peut faire pour elles au-delà de la simple conformité aux heures de service, ajoute Anthony Mainville. «Concentrez-vous sur la façon dont vous pouvez profiter de l’occasion pour revoir les processus en interne – vos itinéraires, la façon dont vous gérez vos tarifs.»

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