Contraventions, paye et recrutement

En partant travailler ce matin, vous est-il venu à l’esprit qu’une contravention pourrait venir engloutir votre paye de presque toute la semaine? Non? Alors vous n’êtes pas camionneur.

Cette menace qui plane au-dessus de la tête des camionneurs est peut-être la raison la moins évoquée quand on parle des motifs qui éloignent des candidats du métier. Un routier professionnel et formateur d’expérience m’a fait part de ses inquiétudes en ce sens récemment.

Un camionneur qui gagne 650 $ net par semaine et qui se fait remettre, par exemple, une contravention de 458 $ pour une erreur – une erreur, pas une tricherie, il n’est pas question ici de défendre la délinquance – pour une erreur donc sur une fiche journalière, vient de se faire amputer d’un coup 70 pour cent de son salaire de la semaine. Ouch!

Imaginez un employé de bureau qui se fait enlever trois ou quatre jours de salaire net pour une erreur de date sur un formulaire…

Les gens sont informés et entendent parler de cette situation particulière à l’industrie du camionnage. Le routier-formateur à qui j’ai parlé est convaincu qu’elle suffit largement à marquer l’imaginaire de candidats qui préfèrent, par exemple, aller conduire un chariot élévateur dans un entrepôt où aucune contravention ne peut venir lui manger sa paye. «Ces amendes, ça se parle, et ça peut décourager», m’a-t-il dit.

Une publication sur notre page Facebook m’a fourni en quelques minutes plusieurs cas d’amendes que des camionneurs ont dû payer de leur poche pour des infractions commises dans le cadre de leur travail.

  • 325 $ pour un no truck dans une rue secondaire où il fallait passer pour aller livrer;
  • 2 700 $ pour une surcharge. L’employeur a payé, mais le camionneur a été suspendu pendant sept jours et son bonus annuel lui a été enlevé;
  • 475 $ pour une fiche journalière jugée en infraction;
  • 900 $ pour une surcharge.

Beaucoup de responsabilités incombent au chauffeur et le prix à payer est élevé lorsqu’il y a infraction. Encore une fois, il n’est pas question de cautionner le non-respect des lois, mais il faut se demander à quel point la sévérité parfois disproportionnée des amendes a un effet sur le recrutement des chauffeurs.

Le conducteur est-il toujours en mesure de connaître la charge dans sa remorque? Je pense entre autres à ce camionneur qui se demandait comment il pouvait savoir la charge que l’on mettait dans sa remorque basculante non pourvue de balance embarquée, le poids étant déterminé au nombre de «buckets» de terre que la pelle chargeuse déversait dedans, peu importe que cette terre soit sèche ou gorgée d’eau. Sept buckets, sept buckets et demi, ça devait faire l’affaire…

Il faut se demander combien coûte aux camionneurs le zèle que déploient certains contrôleurs routiers. L’arrivée des logs électroniques partout au pays aura entre autres avantages d’éviter des frais importants aux camionneurs, justement pour des erreurs involontaires sur les fiches journalières.

Il faut se demander aussi si les amendes imposées sont proportionnelles à la faute commise.

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.