DCE : mission impossible?

La mise en vigueur de la réglementation canadienne sur les dispositifs de consignation électronique (DCE) arrive dans moins de six mois (le 12 juin 2021) mais, en date de la semaine dernière, aucun dispositif n’avait été soumis pour certification, nous apprend mon collègue James Menzies, sur trucknews.com.

C’est le message que Mike Millian, président de l’Association canadienne du camionnage d’entreprise, a transmis à ses membres lors d’un webinaire tenu le 19 janvier. Il demande à Transports Canada de reporter l’application de la réglementation de six à 12 mois.

La certification par une tierce partie est requise pour assurer aux flottes que le log électronique qu’elles choisiront et implanteront sera conforme à la réglementation canadienne.

Il reste six mois aux flottes qui n’utilisent pas encore de DCE pour choisir et implanter une solution DCE. L’échéance était déjà serrée il y a six mois pour faire cela; elle l’est encore beaucoup plus aujourd’hui.

La réglementation a été publiée dans la Gazette du Canada, partie 2 en juin 2019, ce qui donnait deux ans pour s’organiser. Cependant, 19 mois plus tard, il n’y a toujours pas d’appareils certifiés parmi lesquels choisir. M. Millian a indiqué qu’il faudrait de quatre à six semaines pour que chaque appareil soit évalué une fois soumis à FPInnovations pour certification.

FPInnovations est le seul organisme de certification nommé à ce jour, et il n’a obtenu l’autorisation qu’en octobre 2020. Les flottes auront-elles assez de temps pour s’assurer que le DCE qu’elles utilisent sera conforme au Canada et pour changer de fournisseur si nécessaire, se demande mon collègue Menzies.

«Pour respecter la date limite du 12 juin, vous devrez avoir installé un DCE certifié par un tiers et affiché sur une liste de Transports Canada comme étant un appareil certifié», a expliqué M. Millian. «S’il n’est pas répertorié, vous serez dans l’illégalité : c’est là que nous arrivons au cœur du problème.»

Il met le blâme sur Transports Canada.

«Il nous reste cinq mois pour nous conformer. Cela fait 19 mois que la réglementation a été publiée dans la Gazette du Canada, partie 2 et, à partir de maintenant, il faut choisir dans une liste qui ne contient aucun appareil», a-t-il déploré. «Pour le moment, il n’y a aucun appareil parmi lesquels choisir qui soit certifié, et nous avons cinq mois [pour nous conformer].»

Et d’autres obstacles risquent de venir s’ajouter. Comme l’interprétation des critères requis pour la certification et une prise de position claire de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Jean-François Maheux est président d’INGtech, firme de Laval qui est «dans le dernier droit dans son processus interne de développement», et qui est tout près de confier son DCE à la certification.

Une des choses qui l’inquiètent le plus, c’est le fait que la SAAQ ne donne pas sa position sur certaines dispositions qui influenceront la mise en place des DCE pour les transporteurs.

«Les modifications qui sont demandées pour le côté canadien, quoiqu’en apparence banales, sont importantes pour ceux qui sont au cœur du dossier», indique M. Maheux. Il croit que certaines révisions qui ont été apportées dans la nouvelle mouture de la réglementation sur les DCE sont sujettes à interprétation.

«Certains tests requièrent que le système fasse telle ou telle chose. On prend une décision technique pour répondre à cette exigence mais, plus tard, un test complémentaire vient en opposition à ce qu’on nous demandait avant. Alors, soit on répond à une norme, soit on répond à l’autre. Déjà là, il y a place à l’interprétation et c’est ce qui ralentit le cycle de développement», de dire le président d’INGtech.

«L’incertitude qui entoure certains points de la réglementation ralentit des développeurs comme nous. Nous visons à fournir le DCE le plus complet possible aux gens de FPinnovations à partir d’une prise de décision réfléchie, surtout pour les zones grises: c’est ce qui prend du temps!», s’exclame Jean-François Maheux. «Pour l’industrie et nos clients, l’implantation des DCE serait bien plus facile et rassurante si la SAAQ prenait dès maintenant une position légale ferme et faisait part de ses intentions face à ce qui se passera réellement en juin prochain.»

«Il manque une grosse pièce du puzzle pour les développeurs et les clients. Les flottes doivent être convaincues d’avoir en mains un produit certifié, sans savoir vraiment ce qui sera appliqué ou pas pour chaque province, et avoir assez de temps pour une saine implantation. Ça laisse peu de temps malheureusement aux transporteurs. C’est là que la SAAQ doit éclairer l’horizon.»

Et si les zones grises sont clarifiées, les fournisseurs achemineront leurs produits plus vite vers la certification, car la non-conformité a un coût élevé pour eux aussi.

Steve Bouchard

Rédacteur en chef, transportroutier.ca

-Ceci est une version modifiée d’un bulletin publié antérieurement.

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.