DCE : un compromis inévitable

Plusieurs se demandaient si l’échéance de mise en vigueur de la réglementation sur les dispositifs de consignation électronique (DCE), le 12 juin prochain, allait être reportée, étant donné qu’aucune solution n’apparaît encore dans la liste des DCE certifiés. On a eu la réponse : oui et non.

La semaine dernière, la Société de l’assurance automobile du Québec a lancé une petite bombe en annonçant que l’utilisation des DCE ne sera pas obligatoire à partir du 12 juin 2021 au Québec. La SAAQ a imputé cette décision au fait que les travaux visant à harmoniser la réglementation à celle du gouvernement fédéral sont toujours en cours et que des modifications sont requises au Code de la sécurité routière et au Règlement sur les heures de conduite et de repos des conducteurs de véhicules lourds pour rendre obligatoire l’utilisation du DCE au Québec.

En gros, la nouvelle réglementation fédérale entrera en vigueur le 12 juin, mais il n’y aura personne pour la mettre en application au Québec.

Le Règlement sur les heures de conduite et de repos est défini par la Norme 9 du Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers (CCATM). Certains s’étonnent que l’harmonisation ne soit pas complétée, considérant que l’échéance du 12 juin est connue depuis près de 24 mois.

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L’annonce n’a pas plu à tout le monde. Notamment à des transporteurs qui utilisent les DCE depuis des années et qui s’impatientent que tous jouent selon les mêmes règles.

«C’est un œil au beurre noir pour l’industrie. Cela fait des années qu’on en parle et le gouvernement retarde la mise en application de la réglementation. Les entreprises qui ont investi dans les DCE depuis le début pour bien gérer les heures de service continueront de se faire concurrencer par des compagnies qui trichent», fulmine Éric Gignac, PDG du Groupe Guilbault.

Jean-François Maheux, président d’INGTech, avait fait part à Transport Routier de ses inquiétudes quant au fait que la SAAQ ne donnait pas sa position sur certaines dispositions qui influenceront la mise en place des DCE pour les transporteurs.

«Nous nous réjouissons que la SAAQ prenne position publiquement face à l’obligation de l’utilisation du DCE et qu’elle ait partagé la date d’échéance maximale de son implantation», a-t-il affirmé par communiqué. «Enfin, les exploitants de véhicules lourds circulant au Québec savent maintenant à quoi s’attendre en juin prochain. L’objectif de la SAAQ est de rendre le DCE obligatoire au plus tard en juin 2022. Bien que la société d’État ait répondu à quelques questions via une foire aux questions, plusieurs interrogations restent en suspens et demeureront ainsi jusqu’à la prochaine révision du règlement sur les heures de conduite et de repos des conducteurs de véhicules lourds. Aucune date de relâche de cette révision importante n’est avancée par la SAAQ, mais parions que le tout sera dans le béton d’ici juin 2021. Du moins, espérons-le!», poursuit M. Maheux.

Hier, le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a réitéré l’engagement du Canada à respecter l’échéancier du 12 juin 2021. Mais l’application de la réglementation sera progressive. Ce n’est pas vraiment étonnant, car il est rare qu’une nouvelle réglementation ne bénéficie pas d’une période de grâce en début d’application.

«Avec le soutien des provinces et des territoires, et en consultation avec l’industrie, nous travaillerons ensemble à la mise en œuvre réussie et efficace d’une période d’application progressive», dit le ministre par communiqué.

L’Alliance canadienne du camionnage (ACC) a félicité le ministre Alghabra pour son leadership dans ce dossier. Au début de l’année, l’ACC a proposé au Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière l’élaboration d’une stratégie d’application progressive du règlement sur les DCE sur une période de 12 mois, commençant en juin 2021 et se terminant en juin 2022 par l’application complète de la loi. 

«La stratégie reflète les réalités d’une transition vers des DCE certifiés par tierce partie et assure une transition en douceur, sur 12 mois, des fiches journalières papier vers des DCE pour les vendeurs, les transporteurs et les chauffeurs», a déclaré Jean-Claude Fortin, président du Conseil de l’ACC.

L’ACC a également reçu cette semaine la confirmation écrite du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé qu’un comité a été formé pour élaborer la stratégie d’application progressive et que l’industrie sera invitée à la table des négociations.

Si vous vous rappelez, c’est le Canada qui devait adopter les DCE en premier, mais c’est les États-Unis qui les obligent depuis plus de deux ans. Toutefois, nous avons appris de leurs erreurs et de leurs appareils auto-certifiés. Le gouvernement fédéral aurait pu être vraiment plus proactif dans ce dossier et sa procrastination a fait perdre beaucoup de temps. Mais la certification est nécessaire, quitte à avoir une application progressive.

Steve Bouchard, rédacteur en chef, transportroutier.ca

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.