Chambres froides

Rien ne gâche une journée plus vite qu’une cargaison qui se détériore, mais c’est exactement ce qui se passe si les températures de la remorque frigorifique dépassent une plage acceptable. Et cela risque d’entraîner des querelles au quai du destinataire, des réclamations d’assurance et des relations d’affaires tendues.

Les défis peuvent également commencer bien avant que les températures ne soient réglées ou que les roues ne commencent à tourner.

Ne cherchez pas plus loin que la valeur isolante de la remorque lors de la première spécification. Les remorques qui ont un numéro UA plus bas, par exemple, sont plus à même de maintenir des températures internes stables. Des facteurs comme l’épaisseur de l’isolant des côtés de la remorque, du toit, du plancher, du mur avant et des portes feront une différence ici, tout comme les méthodes d’application destinées à assurer une étanchéité parfaite.

Rien ne dure éternellement, cependant. Cette valeur isolante se dégrade au fil du temps, en particulier lorsque les doublures ou les garnitures de remorque sont endommagées par des opérateurs de chariot élévateur imprudents, créant des passages non désirés pour l’humidité. Et un simple pied cube d’eau pèse 62 livres. En deux ou trois ans, cela peut ajouter 1000 à 2 000 livres au poids d’une remorque, simplement à cause d’activités régulières comme le lavage sous pression.

«Par temps froid, les molécules d’eau vont geler et fissurer les petites cellules de mousse», de dire Craig Bennett, premier vice-président – ventes et marketing chez Utility Trailer. «Ensuite, la remorque se rend en Floride et la glace fond, et vous vous retrouvez avec de l’humidité.»

Le choix des doublures et autres barrières de protection fera la différence. «Les doublures standard ne scellent pas complètement l’isolant, ce qui crée un effet de dégazage au fur et à mesure que la remorque vieillit», explique Chris Lee, vice-président – ingénierie chez Great Dane Trailers. «Éventuellement, l’isolant se dégradera tellement que le groupe frigorifique ne pourra plus maintenir la température ou n’aura plus assez de capacité de refroidissement pour faire le travail.»

Les cycles de travail détermineront l’importance d’avoir une couche de protection supplémentaire. Alors que le transport longue distance pourrait nécessiter seulement une ou deux ouvertures de porte par semaine, une remorque frigorifique peut être chargée deux à trois fois par jour dans l’industrie alimentaire.

Lorsque les chargements et les déchargements sont fréquents, il peut s’avérer intéressant d’opter pour des bandes d’usure, des murs et des planchers renforcés. Des garnitures de première qualité peuvent être jusqu’à 40 pour cent plus épaisses. «Vous pouvez doubler l’épaisseur. Certaines entreprises de location font ça», poursuit Craig Bennett. «Certaines chaînes d’épicerie le font parce que les chariots élévateurs heurtent les murs assez fort.»

D’autres procédures de chargement doivent également être prises en considération. Une flotte qui transporte des rouleaux de papier lors des voyages de retour pourrait décider d’opter pour un plancher pouvant supporter 20 000 livres, au lieu des 16 000 livres habituelles, poursuit M. Bennet. Quant à celles qui transportent des marchandises en vrac, elles peuvent compter sur des rails logistiques pour tout maintenir en place, et la marchandise palettisée dictera s’il faut un plancher plat. Si la cargaison repose à plat au fond de la remorque, un plancher canalisé peut être essentiel pour le retour d’air.

Les joints autour des ouvertures individuelles sont un autre facteur à considérer.

«Les joints de porte se déchirent ou s’abiment, et parfois ils gèlent sur le cadre de la porte arrière – en particulier lorsque vous passez d’un environnement froid à un environnement chaud et humide», ajoute-t-il. C’est pourquoi Utility fait appel à du vinyle au lieu du caoutchouc.

Le choix des matériaux d’un fabricant peut affecter les valeurs isolantes d’autres manières. Certains poteaux latéraux, arcs de toit et seuils de planchers conduisent la chaleur plus que d’autres, et chaque rail d’arrimage, porte de ventilation, porte latérale ou traverse supplémentaire doit être prise en considération, de poursuivre Chris Lee. M. Bennet souligne en outre que les parois pré-enduites d’aluminium blanc sont populaires pour une raison. Elles reflètent mieux le soleil que l’acier inoxydable.

Émergence du composite

Dans le monde des remorques frigorifiques comme ailleurs, la technologie évolue et on voit apparaître des matériaux modernes, performants et légers. La remorque frigorifique régionale Polair City dévoilée par Fourgons Leclair au dernier salon ExpoCam fait appel à des matériaux composites et des panneaux d’uréthane à haute densité. «Il n’y a pas de métal dans les murs en composite, et le métal agit comme un pont thermique», explique Marc Leclair, président. «On reconnaît une remorque frigorifique bien bâtie par son efficacité et son rapport thermique, et par la réduction des ponts thermiques qui créent des liens entre l’intérieur et l’extérieur. Il faut éviter la condensation, car c’est ça qui produit de l’humidité.»

Des tests effectués chez des clients de Fourgons Leclair ont démontré que l’absence de ponts thermiques et l’utilisation de bons isolants ont permis de réduire de 50 pour cent la consommation de carburant du groupe frigorifique (la Polair City est admissible au programme Écocamionnage). «L’utilisation d’un éclairage à DEL procure non seulement une lumière plus vive et une plus longue durée de vie des ampoules, mais elle réduit aussi la consommation d’énergie», ajoute Marc Leclair.

«L’arrivée des technologies composites permet d’offrir une qualité d’isolation inégalée pour une température maîtrisée, et ce, sur le temps», indique Hélène Villa, coordonnatrice marketing pour Transforcool. «La conception de nos semi-remorques assure des propriétés thermiques inchangées pendant au moins 12 ans, car il n’y a aucune infiltration d’eau. Demain, le composite sera la norme, nous en sommes convaincus. Il n’est pas normal de voir des boites de semi prendre 1000 à 2 000 livres d’eau en deux ou trois ans.»

Pierre Labelle, président de Pierquip, distributeur canadien des remorques Hyundai, constate que la qualité de l’isolation, ainsi que les procédés assurant l’uniformité de l’isolation, ont beaucoup évolué au cours des dernières années. De plus, beaucoup utilisent maintenant des traverses en composite au lieu de traverses en bois qui perdent de leur efficacité à la longue. «Les traverses en composite gardent leur rigidité, procurant un plancher plus durable. Les composantes utilisées pour la fabrication de murs ont, elles aussi, été améliorées afin d’accroître la résistance aux impacts», indique M. Labelle. «L’ajout de bandes anti-frottement extérieures fait en sorte qu’il n’y a plus de frottement directement sur les murs, donc l’isolation reste intacte.»

«Lors de la spécification d’une remorque frigorifique, le plus important est de savoir à quelle température le client veut transporter ses aliments», indique M. Labelle. «On doit aussi considérer le type de porte («roll-up» ou battantes), si la remorque est multi-températures et s’il y a des portes latérales. Il faut enfin s’assurer de commander toutes les options nécessaires dès le départ, afin d’éviter les ajouts qui peuvent changer le pont thermique de la remorque.»

Le poids est un facteur important que les transporteurs tentent de minimiser, principalement pour des raisons de productivité et d’efficacité énergétique. «Plusieurs facteurs peuvent influencer le poids d’une remorque, mais les plus importants, ce sont les composantes installées lors de la fabrication», indique Pierre Labelle, ajoutant qu’une bonne analyse des besoins des clients permet de déterminer quelles options sont réellement nécessaires. Choisir des composantes en aluminium réduit également le poids. «Les remorques sont monocoques, donc aucun renforcement n’est requis.»

Changements de structure

Les principales différences se situent du côté du plancher et de l’isolation des murs. «Les remorques frigorifiques possèdent toujours un plancher en aluminium, alors que celui des remorques fourgons standard est en bois», souligne Rodrick Lévesque, directeur, processus de développement de produit pour Manac. «Mais c’est l’isolation dans les murs qui fait vraiment la différence. Les joints de portes, l’isolation du toit, du plancher et des portes ainsi que toute la carrosserie sont différents, même si ça semble être la même chose vu de l’extérieur», poursuit-il.

Le facteur R, soit le niveau d’isolation, est un élément de plus en plus considéré lors de la spécification des remorques frigorifiques. «On peut avoir un isolant d’un pouce, un pouce et demi ou deux pouces, selon l’espace intérieur et la capacité de réfrigération dont les clients ont besoin», indique Guy Veilleux, coordinateur à l’ingénierie pour Manac. «Le but ultime, c’est d’avoir le mur le plus mince possible et le facteur d’isolation le plus élevé. Il faut travailler avec ce compromis. C’est notre combat de tous les jours!»

Présentement, le facteur R d’un matériau est théorique dans le monde de la remorque frigorifique et ne tient pas compte des joints et des pertes de chaleur mais, éventuellement, le marché va demander un facteur R réel reflétant le rendement global de la remorque, croient les deux spécialistes de Manac. Et dans l’avenir, les matériaux isolants feront aussi office d’élément structurel du véhicule.

«Le polyuréthane et le polystyrène sont des matériaux connus depuis des années. Le défi, c’est de découvrir comment on pourra travailler avec la géométrie des microbulles à l’intérieur pour obtenir la même performance avec des parois plus minces, et aussi d’en arriver à une composante mécanique structurelle n’ayant pas seulement une fonction d’isolant», analyse M. Lévesque.

La remorque intelligente contribuera aussi à atteindre des niveaux de rendement sans précédent, prévoient MM. Lévesque et Veilleux. «Avec des capteurs, on peut mesurer une foule de variables, comme les temps d’ouverture de porte. Ces informations peuvent être lues par le chauffeur ou même être intégrées dans le nuage, permettant au gestionnaire de flotte de savoir en temps réel si, par exemple, la porte de la remorque est ouverte. Le client peut aussi surveiller s’il y a un bris dans la chaine de froid.»

Dans le monde des remorques frigorifiques, les prochaines avancées technologiques se trouveront du côté de la télématique, prédisent la plupart des experts.

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.