Comment va la forme? Des conseils santé à apporter sur la route.

Chaque année, l’American Transportation Research Institute (ATRI) dresse un palmarès des principales préoccupations de l’industrie du camionnage, en s’appuyant sur les réponses de plus de 1 500 transporteurs routiers et de chauffeurs commerciaux. En 2018, c’est la pénurie de chauffeurs qui se retrouve en tête du palmarès, et ce, pour une deuxième année consécutive.

Mais qu’en est-il de la santé et du bien-être des chauffeurs? L’an dernier, cette préoccupation occupait la dixième et dernière position du palmarès de l’ATRI, et elle n’y figurait même pas en 2016. Pourtant, les problèmes de santé des chauffeurs peuvent avoir d’importantes répercussions sur leur vie personnelle et pour les flottes qui les emploient.

Andrea Morley, dont le père conduisait des camions avant de posséder sa propre compagnie de transport, est aujourd’hui nutritionniste et coach de santé pour le site Healthy Trucker. «J’ai vu que c’était une industrie en mauvaise santé», explique-t-elle. «J’ai vu les répercussions sur lui, sur ses chauffeurs et sur ses amis, et j’ai toujours voulu faire quelque chose pour aider cette population en particulier», confie-t-elle.

En 2016 elle écrivait, dans son texte The Future of Health in Trucking: «Les flottes continueront de payer le prix des chauffeurs malheureux et en mauvaise santé, alors que les employés prennent davantage de journées de maladie et risquent de perdre leur permis. Les familles des chauffeurs continueront de souffrir émotionnellement et financièrement alors que leurs proches tombent malades, perdent des revenus et perdent la vie prématurément». Elle précise que parfois, un chauffeur nécessitant une chirurgie à l’épaule, par exemple, ne peut subir l’intervention en raison de sa mauvaise santé générale.

La situation s’est-elle améliorée depuis? «Oui, elle s’améliore constamment même si c’est encore difficile à mesurer», répond Mme Morley, ajoutant que Healthy Trucker a aidé des centaines de chauffeurs et d’employés de bureau à perdre des milliers de kilos au cours des cinq dernières années. «Nous continuons de voir des flottes s’efforcer d’éduquer leurs chauffeurs sur la santé en organisant des rencontres et en proposant des ressources et des programmes axés sur la santé.»

De plus, certaines entreprises remboursent en partie ou en totalité les frais d’abonnement au gymnase, alors que d’autres disposent d’installations de conditionnement physique sur place. Et l’offre d’options santé dans les relais routiers, même si elle reste marginale, va en s’améliorant. «Nous avons atteint un point où tout le monde en parle», poursuit-elle. «Cette année en particulier, les médias ont passé à la vitesse supérieure en discutant de santé et de bien-être, ce que nous adorons voir compte tenu de notre objectif en matière de santé des chauffeurs.»

Ainsi, Mme Morley a dressé un top 5 des bonnes pratiques à adopter pour les chauffeurs. Bien que la plupart de ces conseils semblent aller de soi, ils sont vraisemblablement ignorés par bon nombre de routiers professionnels.

1) Préparez et emportez vos repas aussi souvent que possible afin de réduire la consommation d’aliments transformés et mauvais pour la santé. Pour les longs trajets, essayez de mettre la main sur du matériel de cuisson comme un mélangeur, un cuiseur à riz, un brûleur à induction et un grill portable.

2) Échangez les boissons gazeuses et les boissons énergisantes – souvent utilisées pour aider à maintenir l’état de veille – contre de l’eau. Plus vous buvez d’eau et moins vous buvez de ces boissons, mieux vous vous porterez.

3) Mangez davantage de fruits et légumes. Ceux-ci devraient constituer l’épine dorsale de l’alimentation, offrant des vitamines et des minéraux, des propriétés anti-maladies et anti-virus ainsi qu’une capacité inégalée à nous maintenir en santé.

4) Travaillez sur le contrôle des portions. À cause de leur emploi du temps, les chauffeurs ont tendance à prendre de gros repas et à manger des aliments mauvais pour la santé. Le risque pour la santé est donc deux fois plus grand, puisque la nourriture superflue entraîne une prise de poids, et la nourriture malsaine entraîne des problèmes de santé. Mangez lentement et habituez votre corps à des portions normales.

5) Bougez! De simples étirements et exercices permettent de : diminuer le risque de blessures, augmenter l’amplitude des mouvements, relaxer, améliorer l’humeur, augmenter la vigilance intellectuelle, améliorer la posture, réduire la tension musculaire, augmenter la flexibilité, améliorer la circulation, augmenter la masse musculaire et la densité osseuse, améliorer la pression artérielle et le cholestérol.

En revanche, les chauffeurs professionnels de camions devraient éviter les aliments transformés que l’on retrouve en abondance dans les relais routiers, et prendre le temps de vérifier quelles sont les options santé qui s’offrent à eux. Ils devraient aussi éviter de commencer à conduire immédiatement en se levant le matin, et s’abstenir d’aller dormir dès qu’ils ont terminé leur journée. «Il faut incorporer des mouvements entre la conduite, le sommeil et les repas», de poursuivre Andrea Morley. «Éliminez les pensées reçues selon lesquelles la situation ne peut être améliorée.»

Apnée du sommeil

Jusqu’à 28 pour cent des camionneurs pourraient souffrir d’apnée du sommeil – léger, modéré ou sévère – comparativement à 10 pour cent de la population en général, selon une étude menée aux États-Unis. Bien que ce type de donnée ne soit pas disponible pour le Québec, les différents facteurs (âge des camionneurs, prévalence de l’obésité, etc.) démontrent que ce sont des marchés comparables.

L’apnée du sommeil est causée, lors de l’endormissement, par un relâchement des tissus des voies respiratoires supérieures, notamment la luette, le palais mou et les amygdales. Cela peut causer une obstruction partielle ou complète de l’entrée d’air. Une plus petite quantité d’air est donc acheminée aux poumons, ce qui entraîne alors une diminution d’oxygène, une accélération de la fréquence cardiaque ainsi que des micro-réveils pouvant survenir 30, 60 ou même 100 fois par l’heure.

«Il n’y a pas une cause précise déclenchant l’apnée du sommeil, mais plutôt plusieurs circonstances», d’expliquer Sophie Poulin, inhalothérapeute et directrice adjointe des soins du sommeil chez Biron Groupe Santé, citant la morphologie et l’hygiène de vie, comme l’alimentation, le tabagisme, l’activité physique et les habitudes de sommeil, à titre d’exemples.

L’apnée du sommeil peut entraîner des maux de tête, de la fatigue/somnolence, des troubles de la concentration, de l’irritabilité et des sautes d’humeur. Il y aurait même un lien entre l’apnée du sommeil et la dépression, selon Mme Poulin, alors que 50 pour cent des gens qui ont des symptômes de dépression pourraient souffrir d’apnée du sommeil.

«Les gens attendent vraiment longtemps avant le diagnostic, car ils ont tendance à attendre d’avoir plusieurs symptômes avant de consulter», déplore-t-elle, ajoutant qu’il s’écoule en moyenne sept ans entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic. «Il faut absolument en discuter avec un médecin pour que des tests à la maison ou en laboratoire soient faits le plus tôt possible.»

L’apnée du sommeil non détectée est donc particulièrement problématique chez les camionneurs et les opérateurs de machinerie lourde, dont le sommeil n’est peut-être pas aussi réparateur qu’ils pourraient le croire.
D’ailleurs, des recommandations faites par la Federal Motor Carrier Safety Administration, en 2011, servent de guide aux juridictions locales en ce qui a trait au dépistage de l’apnée du sommeil aux États-Unis. Selon ces recommandations, les chauffeurs de véhicules commerciaux ayant un indice de masse corporelle supérieur ou égal à 35 devraient être évalués par des médecins légistes à l’aide d’un test objectif.

Traitement

Très rarement, l’apnée du sommeil peut s’en aller complètement si le surpoids en était la cause principale. Mais dans la grande majorité des cas, les gens qui souffrent d’apnée du sommeil seront aux prises avec ce syndrome tout au long de leur vie. Ils peuvent cependant espérer en diminuer la sévérité. Plusieurs traitements existent, notamment les orthèses d’avancement mandibulaires, l’uvulopalatopharyngoplastie (UPPP) – une procédure chirurgicale développée pour traiter le ronflement – et les ceintures de positionnement.

Mais le traitement le plus efficace et le plus répandu reste l’utilisation de l’appareil à pression positive continue (PPC). Il s’agit d’un dispositif permettant de maintenir les voies respiratoires dégagées pendant le sommeil. Bien que les versions traditionnelles soient assez contraignantes, il existe aujourd’hui des modèles de voyage et même adaptés à la cabine d’un camion. On parle notamment du DreamGo ou encore du Airsense, un dispositif équipé d’une connectivité sans fil intégrée.

«Et l’appareil pourra être ajusté si on perd du poids, si on arrête de fumer ou si on fait plus d’activité physique», précise Sophie Poulin. «Autant que possible, on recommande de toujours se coucher à la même heure pour aider à maintenir une bonne hygiène du sommeil, car la fatigue est un facteur aggravant.»
Il est à noter que très souvent, les tests diagnostiques et les traitements sont couverts par les régimes d’assurance.

«La somnolence au volant, par exemple les paupières lourdes, des bâillements répétés et des pertes de mémoire, est associée à un sommeil pas assez récupérateur», de conclure Mme Poulin. «Voici une petite astuce pour régler temporairement la situation : Il faut absolument s’arrêter, boire du café si possible, et faire une sieste d’une vingtaine de minutes», précisant que la caféine peut prendre jusqu’à 30 minutes avant d’agir. «Ensuite on marche quelques minutes, histoire de prendre l’air et réactiver nos sens, avant de reprendre la route.»

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.