Le gaz naturel renouvelable comme élément clé de la décarbonisation
«Le gaz naturel renouvelable (GNR) est un élément clé de la décarbonisation», a souligné d’entrée de jeu Sophie Brochu, présidente d’Énergir et animatrice du forum «Innovation et collaboration : vision durable de la mobilité», présenté dans le cadre du sommet mondial de la mobilité durable Movin’On.
Le GNR est un gaz naturel de source 100 pour cent renouvelable et carboneutre qui s’obtient par la digestion aérobie (décomposition) des résidus organiques. On pense par exemple aux déchets de table, mais aussi à ceux de la biomasse agricole animale et végétale. Le GNR peut être injecté dans le réseau gazier ou être utilisé directement pour chauffer des bâtiments ou comme carburant.
Le GNR est dit carboneutre, car il est produit à partir de matières organiques qui absorbent le dioxyde de carbone et, donc, n’ajoutent aucun C02 dans l’atmosphère.
Sophie Brochu a cité la Ville de Saint-Hyacinthe comme exemple de municipalité transformant ses résidus ménagers en gaz naturel renouvelable. «Il y a un peu de yogourt dans le gaz naturel du Québec» a-t-elle lancé à la blague, faisant référence à la faible présence de lactose que l’on y retrouve.
À Movin’On, on pouvait lire sur un camion de C.A.T. Inc qu’il rouait au GNR. En fait, on ne versera pas dans les réservoirs que du gaz naturel provenant de la biomasse, et C.AT. ne fera pas installer dans sa cour une pompe à GNR reliée au site de production de biométhane de Saint-Hyacinthe. Le principe est un peu plus compliqué que cela, mais disons que C.A.T. va acheter un volume de GNR équivalent à ce que ce camion consommera. Depuis 2014, CAT exploite 110 camions au gaz naturel, permettant de réduire de 3 500 tonnes ses émissions de GES, soit l’équivalent de retirer 22 camions de la route, indique Énergir. C.A.T. se donne comme objectif ultime d’exploiter un parc de véhicules carboneutres.
Le GNR retient beaucoup l’attention en Californie et en France, notamment.
Maryam Brown, présidente de la Southern California Gas Company (SoCalGas), a rappelé que la Californie fait figure de pionnière en matière de gaz naturel et a indiqué que le GNR constitue la prochaine étape dans sa progression vers des carburants plus propres. La biomasse agricole jouera un rôle important dans la production de GNR. «La Californie est le plus grand producteur laitier du pays, alors il est logique de donner sa place au GNR», a indiqué Mme Brown. La Californie veut que son réseau d’approvisionnement compte 20 pour cent de stations de GNR d’ici 2030.
En France, le GNR procure des revenus supplémentaires aux agriculteurs grâce à l’économie circulaire, a indiqué Édouard Sauvage, directeur général de Gaz Réseau Distribution de France. Les agriculteurs peuvent utiliser une partie du GNR qu’ils produisent pour leurs propres besoins et vendre l’excédent.
Les conditions du succès reposent sur trois éléments, a partagé Pierre Duvieusart, directeur général adjoint du transporteur européen de gaz naturel GRT Gaz : la réglementation, les clients et les stations, le plus sensible étant les clients. En France, les marchés traditionnels pour le gaz naturel sont les autobus et les bennes à ordures, et le nouveau marché c’est les poids lourds.»
Sophie Brochu a reconnu que de lancer une nouvelle énergie renouvelable met de la pression sur les prix, mais toutes les parties doivent s’assurer que les coûts sont «absorbables» par tout le monde. «Nous devons être extrêmement sensibles à cela, à notre niveau, au niveau des juridictions et au niveau réglementaire, et nous devons pouvoir répondre autant à ceux qui ont peur de la fin du monde qu’à ceux qui ont peur de la fin du mois.»
Certains pourront voir une compétitivité entre le gaz naturel et l’électricité. «Au Québec, nous sommes choyés avec l’hydro-électricité; nous ne nous battons pas contre l’électricité, nous combattons les changements climatiques», de dire Sophie Brochu.
L’expression «power to gas» est revenue à quelques reprises durant la conversation. Elle fait référence à la conversion d’électricité en gaz pouvant être emmagasiné et utilisé, par exemple lors des pics importants de consommation d’électricité en hiver.
«Le power to gas, c’est d’utiliser l’électricité et en faire de l’hydrogène par un procédé d’électrolyse», nous a expliqué Etienne Champagne, vice-président, Projets majeurs et développement chez Énergir. «On pourrait utiliser les réseaux gaziers comme batteries pour emmagasiner cet hydrogène, ou le combiner avec du CO2 pour en faire du méthane. Ces réseaux sont déjà existants; on pourrait établir des stations à différents points au Québec et utiliser ces surplus énergétiques temporairement en les injectant dans le réseau à faible prix.»
Le GNR est adopté par de grandes corporations soucieuses de leur image environnementale. Par exemple, les usines montréalaises de L’Oréal Canada sont carboneutres, car elles ont acheté en GNR l’équivalent de leur consommation énergétique annuelle.
Le secteur du camionnage, reconnu comme l’un des plus grands émetteurs de GES, pourrait aussi améliorer son image avec l’utilisation de GNR.
«Je me rappelle une image qu’avait donnée la responsable du syndicat des routiers en France», a partagé Pierre Duvieusart. «Elle disait « on nous voit comme des pollueurs qui encombrent les routes, mais pourtant, tout ce qui est autour de nous est passé par un camion ». Le GNR peut nous aider à faire ce pas pour que nous soyons également plus acceptés.»
Un auditeur dans la salle a fait remarquer que les manufacturiers de camions devaient en faire davantage pour favoriser l’utilisation du gaz naturel, soulignant l’offre restreinte de moteurs, et ce, à l’échelle mondiale.
Ce sur quoi Sophie Brochu a conclu : «Le mot le plus important dans ‘gaz naturel pour véhicule’, c’est le véhicule. Les fabricants doivent en être conscients et ils doivent embarquer dans l’aventure.»