Sentiment d’exclusion

Oui, le Guide de vérification mécanique des véhicules routiers comporte une nouvelle norme sur la dimension des pare-soleil extérieurs des camions. Mais, non, le rassemblement qui aurait réuni quelque 580 camionneurs autour de l’Assemblée nationale à Québec, le 19 novembre dernier, n’est surtout pas qu’une histoire de «sunvisor». C’est du moins ce qu’assure avec conviction Lyne Gilbert, celle dont la vidéo virale a enflammé les médias sociaux et mené à la manifestation tenue la veille de la mise en vigueur de la nouvelle réglementation, qui transformait la vérification avant départ en ronde de sécurité.

Dans sa vidéo, Mme Gilbert déplore les «aberrations» entourant les «lois qui entreront en vigueur le 20 novembre, émises par la Société de l’assurance automobile (SAAQ), en rapport avec la ronde de sécurité ainsi que le guide de vérification mécanique pour les mandataires certifiés PEP».

Dans un communiqué arborant un logo sur lequel est écrit Ensemble pour la cause, assez c’est assez, dont nous avons obtenu copie, on demandait notamment :

«Que la période d’adaptation de six mois pour cette nouvelle ronde de sécurité débute à partir du 20 novembre 2016, afin de permettre aux personnes n’ayant pas été rejointes par les associations diverses, puisque n’en faisant pas partie, aient le temps de trouver tous les documents et donner la formation à leur personnel, le tout tel que l’ex-ministre Daoust l’avait annoncé durant son mandat;

«Que lorsqu’une nouvelle loi, règlement et/ou modification à ceux-ci, la SAAQ ainsi que tous les autres départements concernés soient prêts administrativement lors de l’annonce du changement. Puisqu’il est clair que ce n’était pas le cas (certains documents étaient disponibles à la mi-juin, d’autres au début août, rupture de stock pour les commandes de volume sur le site de la SAAQ);

«Que la formation soit donnée aux contrôleurs routiers avant l’annonce de cette modification ou nouveauté, afin que ceux-ci soient en mesure de répondre aux questions des camionneurs qui ont le désir de se conformer et ont besoin d’explication pour s’éviter des contraventions.»

Lors d’une entrevue téléphonique avec <it>Transport Routier</it>, Mme Gilbert a précisé qu’elle est ni la tête dirigeante, ni la porte-parole d’aucun regroupement ou association de camionneurs. «Je ne représente personne. J’ai mentionné qu’il y avait des lacunes, et les gens sont d’accord avec moi. Il faut juste se réveiller maintenant», a-t-elle confié.

On reproche notamment à la SAAQ de ne pas bien communiquer avec ceux qui ne font pas partie des associations de camionnage. «Ils ne sont pas rejoints, c’est normal aussi, ils ne payent pas pour avoir les informations de ces associations. Mais tous les autres à côté qui payent des immatriculations, c’est important qu’ils soient informés.»

Ce regroupement spontané, qui a pris naissance sur les médias sociaux, réclame principalement le report de l’application de la nouvelle ronde de sécurité, une meilleure communication entre la SAAQ et les petites entreprises et camionneurs qui ne font pas partie d’une association, la mise en place d’une pétition pour faire reconnaître le métier, et le regroupement des petites entreprises qui ne veulent pas être membres de l’ACQ ou ne peuvent en être membres.

La Coalition Avenir Québec est intervenue au dossier en demandant au gouvernement Couillard de reporter de trois à six mois l’entrée en vigueur de son règlement touchant la ronde de sécurité, «pour donner à l’industrie du camionnage une chance de s’adapter aux futures restrictions».

Nous avons obtenu copie d’un deuxième communiqué dans lequel le regroupement déplore que le nouveau règlement concernant la ronde de sécurité n’ait fait l’objet d’aucune campagne télévisuelle ou radiophonique. «Était-ce dans le but de passer le tout incognito et pénaliser les entreprises ne faisant pas partie des associations, et s’assurer ainsi un revenu dans le coffre du ministre des Transports?», s’interroge-t-on dans le communiqué.

«Nous aimerions spécifier que les contrôleurs routiers du Québec ont débuté à remettre des feuillets d’information uniquement au cours des 15 derniers jours et après que les gens se soient rassemblés suite à une vidéo virale informant les gens des nouvelles règles à venir ainsi que les incohérences notées», peut-on également y lire.

Le communiqué reproche également des incohérences dans la réglementation, par exemple, «au début de la liste 1 pour les camionneurs nous avons «l’attelage», lequel se retrouve au point numéro 3 sur la liste des vérifications du guide mécanique et au point 4 pour la norme 13!»

Lyne Gilbert est d’avis que les médias sociaux auraient bien servi à la diffusion de l’information sur la nouvelle ronde de sécurité et que les gens se la seraient partagée, comme ils l’on fait avec sa vidéo.
«Lors du rassemblement du 19 novembre, on a demandé aux chauffeurs de prendre les mesures pour être reconnus comme professionnels et d’adhérer à l’Association des routiers professionnels du Québec (ARPQ) pour avoir une place à la table de concertation. Ils ont déjà une porte, ils sont déjà constitués, on croit que les camionneurs, les indépendants et les petites entreprises devraient se tourner vers eux.»

L’ARPQ accueillerait évidemment ces nouveaux membres à bras ouverts. «Nous avons déjà des membres dans cette catégorie (chauffeurs, un à quatre camions et voituriers-remorqueurs», souligne Charles Englehart, directeur général de l’ARPQ. «Les gens veulent que les choses changent, alors il est important qu’ils participent au changement. Pour le moment, une bonne majorité d’entre eux ne sont membres nulle part. Le portail est ouvert : on doit l’utiliser si on veut être informé et se donner les moyens de faire partie du changement.»

Jusqu’à ce jour, l’association paritaire en prévention santé sécurité et sécurité routière, VIA Prévention, a donné 70 séances d’information de deux heures sur la ronde de sécurité à près de 1 500 participants de toutes les régions du Québec. Selon Jean-Christophe Minguez, agent de communications pour Via Prévention, «ça continue et nos conseillers sont débordés de demandes».

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.