Regarde, sans les mains!

La direction active est en train de prendre sa place comme prochaine technologie d’assistance au chauffeur.

Avant que la direction assistée hydraulique ne devienne monnaie courante, dans les années 1980, les chauffeurs devaient se planter fermement les pieds sur le plancher et se battre avec un grand volant de 24 pouces pour se faufiler vers les étroits quais de chargement. La direction assistée était optionnelle à l’époque, et de nombreuses flottes estimaient que les chauffeurs étaient assez faciles à trouver, alors et elles n’avaient pas besoin de dépenser de l’argent pour leur offrir du luxe.

Dans quelques années, des camions se dirigeront eux-mêmes sur les autoroutes et, dans certains cas, jusqu’aux quais de chargement. En ajoutant un servomoteur électrique à la pompe de direction assistée hydraulique de base, les fabricants de camions pourront contrôler directement la direction et moduler l’effort nécessaire pour faire tourner les roues avant, rendant la direction agréable et ferme sur l’autoroute, et particulièrement facile à vitesse de manœuvre. Relié à une multitude de capteurs, le système de direction sera bientôt capable de s’autocorriger en présence de couronnements de route et de vents latéraux, et il pourra même se centrer lui-même après un virage. D’autres choses sont aussi à prévoir.

J’ai eu ma première expérience d’un tel système de direction au salon Mid-America Trucking Show en 2015, lorsque TRW a fait une démonstration de sa direction assistée électrique/hydraulique Reax. Depuis, TRW Automotive a été acquis par ZF Friedrichshafen et le développement de la Reax s’est poursuivi.

«Dans les systèmes hydrauliques conventionnels avec lesquels nous vivons depuis 40 ans, il existe un compromis constant entre l’effort de direction à haute vitesse, la stabilité sur l’autoroute et la maniabilité à basse vitesse», a expliqué Kevin Tilton, ingénieur en chef, Développement de nouveaux produits chez ZF. «C’est toujours un compromis quand on ne peut régler qu’une seule sensation de direction. La priorité est donnée à la stabilité à haute vitesse et à une sensation acceptable sur l’autoroute. Ensuite, vous réduisez autant que possible l’effort de stationnement tout en donnant une bonne sensation à la direction, toujours en la rendant suffisamment robuste pour survivre 10 ans dans un environnement comme celui des véhicules commerciaux.»

La direction à assistance électrique de ZF évolue depuis 2006 dans les autobus de transport en commun et les véhicules récréatifs motorisés. Elle dispose désormais de programmes sur plusieurs continents et sera lancée dans les camions lourds d’ici 2020.

Le marché de la direction à assistance électrique est en fait assez bondé. TRW, un fournisseur traditionnel de systèmes de direction assistée du secteur des véhicules commerciaux, appartient maintenant à ZF. RH Sheppard, un autre fournisseur de longue date de l’industrie, appartient à Wabco, et ce groupe développe activement ses propres systèmes. Volvo et Daimler ont tous deux des divisions chargées de développer leurs propres technologies exclusives en collaboration avec d’autres fournisseurs de niveau 1.

Bendix Commercial Vehicle Systems est le nouveau joueur dans ce marché. En octobre, l’entreprise a signé accord définitif pour acquérir les activités ProSteering de JM Engineered Products, un fabricant de systèmes de direction assistée toutes marques pour véhicules commerciaux situé à Lebanon, dans le Tennessee. L’acquisition offre à Bendix CVS une plate-forme sur laquelle développer une technologie de direction qui soutiendra sa suite existante de systèmes avancés d’assistance au conducteur tels que Wingman Fusion.

«Cela correspond parfaitement à tous les autres aspects sur lesquels nous travaillons aujourd’hui en termes de perfectionnement de l’assistance au conducteur», a déclaré Fred Andersky, directeur des solutions clients, Groupe de contrôle chez Bendix CVS. «Nous contrôlons déjà l’accélération et le freinage. L’ajout de la direction nous donne une nouvelle dimension avec laquelle travailler dans les technologies d’assistance au conducteur.»

En route vers l’autonomie

Alors que certains de ces systèmes de direction avancés sont présentement testés par des flottes, aucun n’a encore été officiellement mis sur le marché. On verra le premier sur la nouvelle génération du nouveau Cascadia de Freightliner, qui offrira un soutien à la direction plus tard cette année.

Mais les premières moutures de la technologie se trouveront sur des systèmes d’assistance au chauffeur, et non sur des systèmes de conduite autonome.

Nous nous souvenons tous du fiasco découlant de la technologie de direction «pilote automatique» de Tesla, qui porte plutôt mal son nom. Il s’agit d’un système d’assistance au conducteur, mais puisqu’il dirige le véhicule, certains utilisateurs ont mis le système à l’épreuve avec des résultats spectaculaires et des accidents. Les systèmes que nous verrons bientôt dans les camions auront éventuellement une capacité de conduite autonome, mais ils ne sont pas destinés à laisser le chauffeur céder le contrôle du véhicule.

Les fabricants de camions adopteront cette technologie avec une approche progressive, plutôt que de viser directement l’autonomie de niveau 4.

«Nous pensons que non seulement la technologie devra faire ses preuves à chaque niveau, mais elle doit également être confortable pour les chauffeurs dans le véhicule et les autres chauffeurs sur la route», de dire M. Andersky. «Les gens pensent que la technologie peut faire plus que ce qu’elle est réellement capable de faire, car ils entendent tellement de choses à propos de cela dans les médias.»

«Nous avons la capacité de détecter les mains sur le volant et de désactiver certaines fonctionnalités si nous constatons que les chauffeurs n’utilisent pas les véhicules convenablement», ajoute Dustin Carpenter, directeur de produit pour la direction chez Bendix CVS. «Nous prendrons des mesures pour nous assurer que les chauffeurs et les flottes sont protégés contre certaines hypothèses sur les utilisations, et que les routes sont prêtes pour la technologie.»

Qu’est-ce qui vient?

Le système Volvo Dynamic Steering (VDS) est déjà sur le marché européen avec les tracteurs Volvo FH. Il s’agit d’un système de direction assistée électrique qui s’ajoute au circuit hydraulique, et qui fait appel à un ensemble de capteurs et de caméras pour contrôler les angles de lacet et les angles d’arbre de direction du véhicule. Johan Agebrand, directeur du marketing produit chez Volvo Trucks North America, soutient que le VDS offrait des avantages considérables, même dans les premières étapes de son évolution.

«En plus du maintien de voie, où nous donnons un petit coup sur le volant pour alerter le chauffeur s’il dévie de sa voie, le VDS est en mesure de contrebraquer avec précision en situation de mise en portefeuille, et de maintenir la position dans la voie par forts vents latéraux ou même en cas de crevaison d’un pneu avant», a-t-il dit. «Les systèmes peuvent réagir beaucoup plus rapidement et sans l’élément de surprise [parfois incapacitant] pour le chauffeur.»

Volvo North America n’a pas précisé quand nous pourrions voir le système VDS ici, mais a déclaré que l’ingénierie est en cours.

Avec toutes les discussions sur l’automatisation et le contrôle électronique, la conversation devrait également porter sur le besoin de redondance (la multiplication des systèmes qui permet de prévenir la défaillance de l’un d’entre eux). Les organismes de réglementation auront-ils besoin de systèmes redondants? Sont-ils nécessaires avec les systèmes de direction assistée par le chauffeur? Vont-ils nuire au chauffeur en essayant de manœuvrer?

La réponse à toutes ces questions est fondamentalement non.

«Nous avons conçu le système de manière à ce que, lorsqu’un chauffeur prend le contrôle pendant un événement de conduite active, le système reconnaît l’apport du chauffeur et l’apport du chauffeur a priorité sur le système de direction active», a expliqué Jon Morrison, président des Amériques chez Wabco. «Il s’agit d’une fonction d’assistance au chauffeur. Le chauffeur est en contrôle à tout moment et peut passer outre l’assistance quand il le souhaite.»

Ces systèmes d’assistance à la direction ressemblent un peu aux systèmes de freinage antiblocage, en ce sens qu’ils s’ajoutent à un système existant éprouvé. Si la fonction ABS tombe en panne, les freins continueront de fonctionner normalement, sans l’avantage de la fonction ABS. En cas de défaillance de l’assistance électrique, le système de direction reviendrait à une direction hydraulique normale, sans l’avantage de l’assistance.

«Le système de direction hydraulique de base ne change pas», indique Ulrich Bildingmaier, responsable de l’ingénierie des applications pour véhicules commerciaux chez Bosch. «Le matériel électrique comprend un moteur électrique de 12 ou 24 volts, une unité de commande électronique, des capteurs de lacet, de couple et d’angle de braquage, ainsi qu’un engrenage à vis sans fin pour amplifier le couple de sortie du mécanisme de direction. En cas de défaillance de l’un ou l’autre de ces composants, le système redevient entièrement hydraulique. D’autre part, le système électrique peut intervenir en cas de défaillance du système hydraulique, permettant au chauffeur d’utiliser le mode dépannage.»

Les règlements n’ont pas encore été écrits pour de tels systèmes sur les camions lourds, bien qu’on parle de réglementation pour les voitures de tourisme. Dans les voitures de tourisme, le système hydraulique standard est souvent remplacé par un moteur de direction électrique, ce qui pourrait nécessiter un plan de secours. Ce n’est pas le cas des véhicules commerciaux, d’ajouter M. Bildingmaier.

«Le système se vérifie lui-même. Ainsi, en cas de défaillance, il pourrait revenir automatiquement au système hydraulique de base», explique-t-il. «Vous devez rendre la technologie suffisamment robuste pour survivre dans l’environnement des véhicules commerciaux. Bosch a ajouté de nombreuses fonctionnalités pour garantir que les systèmes répondent aux exigences de durabilité et de cycle de vie des véhicules commerciaux. Et n’oublions pas la nécessité d’une cyber sécurité de pointe intégrée au système.»

«Restez à l’écoute», de conclure M. Bildingmaier, «ça va devenir très excitant très bientôt.»