Eric Lucas: du ring à la route

Par Steve Bouchard

Éric Lucas a commencé à fréquenter les rings de boxe à 11 ans. Issu d’un milieu modeste, élevé par une mère monoparentale, la boxe lui offrait un moyen peu coûteux de faire du sport et de dépenser son énergie. «J’allais au gymnase, je mangeais des volées et je revenais à la maison en pleurant. Le lendemain, je retournais au gym, je mangeais des volées et je revenais encore en pleurant. Mais je retournais toujours», raconte-t-il avec beaucoup d’humour.

Ses efforts acharnés l’ont amené au point culminant de sa carrière en juillet 2001, alors qu’il est devenu champion du monde de la WBC chez les poids moyens, titre qu’il a conservé pendant deux ans.

La carrière de boxeur d’Éric Lucas s’est officiellement terminée en 2010. Il a eu quelques expériences dans le monde des affaires, plus particulièrement en restauration. Après six ans à la tête d’une crèmerie puis d’un café en Estrie, il a décidé d’explorer de nouveaux horizons professionnels.

Éric est encore lié à un certain nombre d’entreprises à titre de porte-parole, mais il n’avait plus de véritable travail depuis la fermeture de son café.

Pendant quelques mois, il s’est demandé ce qu’il allait faire. Et il pensait beaucoup au camionnage.

«J’ai toujours adoré conduire. J’ai souvent conduit jusqu’en Floride pour les vacances en famille. Quand j’ai habité à Drummondville, j’aimais prendre la route pour aller m’entraîner à Montréal. Je me disais que le camionnage, ça devait être le fun.»

Aujourd’hui, Éric Lucas le boxeur a fait place à Éric Lucas le camionneur longue distance pour le Groupe Trans-West.

Ce qui l’a fait le plus hésiter au début, c’était le processus qui mènerait au permis de classe 1. «Je n’avais pas le goût de passer des mois à l’école », dit-il.

« Je n’ai pas pris la route standard, par le CFTR. Je suis allé chercher mon permis d’apprenti, et un ami qui a une compagnie de transport à Granby (GLB Transport et Logistique), m’a aidé».

Un chauffeur tout frais sorti du CFTR lui montré comment faire une bonne ronde de sécurité. Pendant trois mois environ, il est allé sur la route avec un chauffeur d’expérience de la compagnie, faisant des livraisons LTL à Sherbrooke, Cookshire, Coaticook…

« J’ai appris ce que je ne voulais pas faire (des livraisons de charges partielles)! Moi je voulais faire de la longue route et on arrêtait partout! Mais c’était une belle façon d’apprendre, avec une personne très expérimentée, venant du milieu du camionnage. J’ai eu un très bon coach. »

Mais chaque fois qu’il conduisait quelques kilomètres sans devoir s’arrêter, Éric se sentait bien et savait qu’il adorerait le camionnage sur longue distance.

Il a passé du premier coup son examen sur la route mais, comme bien d’autres, il a dû se représenter pour l’examen sur la ronde de sécurité, ayant omis une étape dans la vérification du système de freinage pneumatique.

«J’ai été tout de suite à l’aise avec la conduite. La marche arrière toutefois, c’est une autre paire de manches (même s’il l’a réussie du premier coup  à son examen). J’ai immédiatement adoré conduire un camion. Ça m’apaise. J’ai attendu beaucoup trop longtemps pour rien. J’aurais dû aller dans le camionnage beaucoup plus vite», constate Éric Lucas.

Il avoue ne pas être un « gars de machinerie », et la marque du camion dans laquelle il se trouve lui importe peu. Du moment qu’il conduit. Il a essayé quelques fois de conduire avec une transmission manuelle, mais il ne s’est pas entêté sachant que, de toute manière, il conduirait avec une transmission automatisée.

Une fois son permis en main, il a fait des recherches sur Internet pour voir ce que les compagnies de camionnage avaient à offrir. «Je n’ai pas envoyé un c.v., mais plutôt une lettre pour me vendre, à trois compagnies qui font de la longue distance, dont Trans-West.»

C’est là qu’il a commencé son premier véritable emploi de camionneur, il y a quelques mois, se formant d’abord en ville et localement, pour enfin prendre à la fin de janvier dernier la route qu’il visait depuis le début : celle sur laquelle on roule longtemps sans s’arrêter!

«La force de Trans-West, c’est que tu fais tes horaires. J’avais vu le président, Réal Gagnon, expliquer le modèle de sa compagnie dans une émission de télé et ça m’avait vraiment intéressé.»

«C’est une des choses qui m’ont attirées chez Trans-West : la flexibilité des horaires pour les camionneurs. Tu fais tes affaires, tu dis quand tu veux partir. Pour un gars comme moi c’est parfait! Avec la boxe, je n’avais un horaire que le matin. Je n’ai jamais vraiment eu d’horaires depuis 25 ans, du 8 à 5, c’est impossible que je fasse ça! »

Trans-West demande à ses chauffeurs de faire au moins deux voyages longue distance par mois, et de leur dire quand ils sont prêts à partir. « Les chauffeurs adaptent leur travail en fonction de leur vie, pas le contraire», indique Pascal Gaudet, vice-président gestion des routiers chez Trans-West.

« Je me voyais faire de la longue route, et ça correspond exactement à ce que je m’imaginais», poursuit Éric Lucas. « On prend la route. Mon coéquipier dort derrière, et je me sens super bien là-dedans.»

Travailler avec un coéquipier est la partie qu’il apprend à apprivoiser (Trans-West utilise exclusivement des équipes de deux chauffeurs pour le transport longue distance). «Au début, on dirait qu’on ne dort pas, mais j’imagine que oui, car je suis tout le temps bien reposé! Entendre le roulement de la route, c’est une habitude à prendre.»

Le choix des coéquipiers est une étape très importante chez Trans-West. Il faut s’assurer d’agencer des personnalités qui s’harmonisent, des gens aux habitudes similaires. «Plus il y a une stabilité dans les partenaires de conduite, plus la confiance s’installe», souligne Pascal Gaudet.

Sur ce point, Éric Lucas se dit heureux d’avoir en son partenaire Dimitri «un gars d’expérience en qui j’ai confiance. »

Éric Lucas a l’intention de cumuler au moins 200 jours de conduite par année. Le fait que ses enfants sont maintenant à l’adolescence et à l’âge adulte, et que sa conjointe avait l’habitude de le voir voyager durant sa carrière de boxeur, ont facilité le passage vers le métier de camionneur long courrier.

«Je n’ai que 46 ans, je suis en super forme et je veux en profiter. Mon objectif de semi-retraite dans cinq ou six ans, c’est de continuer à conduire longtemps. Tout le monde est bien placé à la maison, c’est le temps pour moi de le faire.»

 

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.