Des investissements supplémentaires sont nécessaires pour répondre aux besoins de recharge des camions électriques

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L’objectif ambitieux du Canada de décarboner les camions de poids moyen et lourd du pays est réalisable, mais il nécessitera le déploiement rapide d’une infrastructure de recharge et des investissements beaucoup plus importants que ceux qui ont été alloués jusqu’à présent.

C’est ce qu’indique un rapport du Pembina Institute, intitulé Zero-emission MHDVs in Canada and required charging infrastructure. On y reconnaît la nécessité de décarboner le secteur du transport de marchandises, les camions de poids moyen et lourd étant responsables de 37 % des émissions de gaz à effet de serre liées au transport.

Le Pembina Institute recommande de se concentrer d’abord sur les petits véhicules commerciaux (Photo : Mercedes-Benz Vans)

D’ici 2030, le segment camionnage devrait dépasser les émissions des véhicules plus petits. Pourtant, l’investissement du gouvernement fédéral dans la mise en place d’une infrastructure de recharge électrique pour les camions moyens et lourds n’est pas à la hauteur des besoins. Le Pembina Insitute indique qu’à ce jour, le gouvernement fédéral n’a engagé qu’un milliard $ sur les cinq milliards $ nécessaires pour soutenir le nombre prévu de camions électriques sur les routes d’ici 2030.

La modélisation de Pembina suggère que d’ici 2030, le segment nécessitera : 70 000 bornes de recharge privées de niveau 2, passant à 450 000 d’ici 2050; 6 500 bornes de recharge publiques de niveau 3 d’ici 2030, passant à 50 000 d’ici 2050; et 2 000 stations de ravitaillement en hydrogène d’ici 2030, passant à 30 000 en 2050.

«Je pense totalement que c’est faisable», a déclaré Adam Thorn, directeur du programme de transport du Pembina Institute et auteur du rapport, à propos des délais fixés par le gouvernement fédéral, qui demande que 35 % des nouvelles ventes de camions moyens et lourds ne produisent aucune émission d’ici 2030, et 100 % d’ici 2040. «Mais je pense qu’il faut procéder de manière très intelligente. Nous préconisons une approche progressive. Nous devons nous concentrer sur les domaines dans lesquels les fruits sont les plus faciles à cueillir.»

Les petits véhicules d’abord

Cela signifie qu’il faut d’abord se concentrer sur les applications qui sont faciles à électrifier aujourd’hui, comme les petits véhicules de livraison dont les itinéraires sont prévisibles et qui reviennent fréquemment au terminal pour se recharger.

«Ils sont prêts à partir maintenant», a déclaré M. Thorn à propos de ces véhicules, principalement des classes 2B à 5. «Ils ont tendance à avoir des itinéraires relativement courts et prévisibles. Ils rentrent à la maison à la fin de la journée, ce qui offre de nombreuses possibilités de chargement. En nous concentrant sur ces véhicules qui sont prêts à partir, nous pensons pouvoir avancer très rapidement.»

L’infrastructure de recharge pour ces véhicules sera principalement installée dans les terminaux, mais le rapport suggère que le gouvernement fédéral contribue au financement de cette infrastructure et n’attende pas de l’industrie qu’elle en supporte la totalité des coûts.

«L’une de nos recommandations était de réserver une partie spécifique du programme d’infrastructure pour les véhicules à émission zéro à ces types de véhicules, et en particulier à la recharge aux terminaux», a souligné M. Thorn. «Nous espérons que les enseignements, l’innovation et le développement technologique dans ces segments se répercuteront sur les catégories plus lourdes.»

Selon le Pambina Institute, ce sera des grandes flottes comme celles de Purolator et FedEx qui mèneront le pas (Photo : Purolator)

Gagner du temps

Le fait de cibler activement les petits véhicules commerciaux permet également aux flottes qui utilisent des camions plus lourds de gagner du temps, tout en progressant vers les délais prescrits par le gouvernement fédéral.

Jusqu’à présent, le gouvernement s’est surtout concentré sur la mise en place d’une infrastructure de recharge publique pour les voitures électriques. M. Thorn reconnaît que le segment du camionnage devra faire l’objet d’une plus grande attention à l’avenir.

«Nous voulons nous assurer que le secteur des véhicules commerciaux moyens et lourds ne soit pas laissé pour compte ou délaissé lorsque nous parlons de ce financement», a-t-il indiqué. «Mais il est difficile d’attirer l’attention du public sur le secteur des véhicules moyens et lourds.»

Le rapport de Pembina suggère de se concentrer dans un premier temps sur les corridors de transport achalandés, tels que Montréal-Toronto, lors du déploiement de stations de recharge publiques pour les camions.

«Nous pouvons nous concentrer sur les régions où il y a beaucoup de transport par camion», analyse M. Thorn.

Le rapport recommande d’installer au moins une station de recharge et de ravitaillement en hydrogène tous les 60 km le long des tronçons clés de l’autoroute transcanadienne et de la Porte continentale Québec-Ontario d’ici 2030. Le rapport suggère que la distance entre les stations de ravitaillement en hydrogène soit inférieure à 150 km et que chacune ait une capacité supérieure à 2 tonnes par jour.

On peut également se demander si les réseaux électriques du Canada peuvent supporter l’électrification généralisée des camions moyens et lourds.

(Source: Pembina Institute)

«Si tous les camions devaient se convertir aujourd’hui, et bien non», admet M. Thorn, lorsqu’on lui demande si le réseau électrique peut soutenir la transition. «Nous allons avoir besoin de plus de capacité… c’est un grand défi, mais nous l’avons déjà fait par le passé. Si l’on considère la croissance totale du réseau au cours des 120 dernières années, la courbe est assez impressionnante. Je pense qu’il est absolument certain que nous serons en mesure de développer cette capacité supplémentaire.»

Le financement public jouera un rôle important si le secteur du transport routier veut respecter les délais fixés par le gouvernement fédéral, mais les flottes devront investir elles aussi. Et ces investissements seront considérables.

À la question de savoir comment les petites flottes, en particulier, pourront suivre le rythme, M. Thorn a répondu : «Je comprends leur réticence. De nombreuses petites flottes n’ont tout simplement pas la capacité nécessaire pour cela. Nous voyons donc les grandes flottes – Purolator, FedEx – commencer à le faire parce qu’elles peuvent assumer une partie de ce risque et qu’elles ont cette capacité. Lorsque ces grandes flottes commenceront à se déployer, nous verrons ce secteur arriver à maturité. Il y aura de plus en plus de véhicules et la technologie va se développer. Nous allons voir davantage d’infrastructures. Je pense que nous devons adopter une vision à plus long terme.»

En chiffres :

  • 650 000 – véhicules de poids moyen au Canada
  • 600 000 – véhicules lourds (classes 7/8) au Canada
  • 37% – la part des véhicules moyens et lourds dans les émissions de GES liées aux transports au Canada
  • 2 milliards $ – investissement nécessaire entre 2027 et 2030 pour répondre aux besoins de recharge des VE de poids moyen
  • 6 000-10 000 – stations de recharge publiques nécessaires d’ici 2030 pour les poids lourds électriques
  • 3 milliards $ – investissements nécessaires pour les chargeurs et les stations de ravitaillement en hydrogène destinés aux poids lourds électriques

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