Forêt au Saguenay/Lac-St-Jean : Les camionneurs refusent de tenir à eux seuls l’industrie à bout de bras

Comme dans plusieurs autres régions du Québec, l’industrie forestière tient une place prépondérante au Saguenay/Lac-St-Jean et les entreprises de transport par camion – essentiellement des camionneurs artisans – sont au cœur de la chaîne d’approvisionnement qui permet d’acheminer la production sylvicole jusqu’aux usines de transformation.

Cette chaîne connaît cependant des ratés en ce moment, explique Gaétan Légaré, directeur général de l’Association nationale des camionneurs Inc. (ANCAI) en entrevue à Transport Routier.

Gaétan Légaré, directeur général de l’ANCAI.

Selon lui, l’industrie forestière en entier vit présentement des moments difficiles. Il indique que ses membres et lui-même ne peuvent toutefois pas tenir à eux seuls et à bout de bras l’économie d’une région entière.

Pour le milieu du transport, les problèmes se présentent actuellement sous forme de manque de revenus et d’accroissement des dépenses. Gaétan Légaré fait valoir que les tarifs payés aux transporteurs forestiers n’ont pas augmenté de façon significative depuis belle lurette alors que leurs dépenses, elles, sont en hausse.

Outre les augmentations de primes d’assurances qu’il qualifie de « fulgurantes », les petits entrepreneurs du transport de bois en grume doivent également composer avec des chemins forestiers dont l’entretien laisse à désirer. À un point tel que leurs camions se dégradent prématurément, faisant grimper les factures d’entretien et de réparation des véhicules, affirme M. Légaré.

Et lorsque les chemins forestiers sont en mauvais état, les camionneurs qui les utilisent doivent rouler à vitesse réduite, ce qui réduirait d’autant leurs revenus lorsque calculés sur une base horaire. « Si on me paye 10 heures pour un voyage mais que ça m’en prend 15, imagine-toi au bout de la semaine combien j’ai perdu d’argent », déclare le porte-parole de l’ANCAI.

La situation serait si intenable que de plus en plus d’entreprises abandonnent le transport forestier, faute de rentabilité des opérations. « On n’a même plus besoin de menacer d’arrêter de travailler », explique M. Légaré pour illustrer que la désertion des transporteurs commence à toucher l’approvisionnement des usines de transformation et, du coup, l’ensemble du secteur. « L’économie de la région est basée sur la forêt », dit Gaétan Légaré.

« Ils ont tout un problème, ils ne sont pas payés parce que le bois reste en forêt », dit Gaétan Légaré au sujet des travailleurs sylvicoles.

La tension se ferait sentir en forêt même, alors que les travailleurs chargés de l’abattage des arbres mettent de la pression sur les camionneurs pour qu’ils effectuent plus rapidement les opérations de transport. Ces travailleurs ne sont en effet pas payés tant que les billots ne sont pas rendus en usine, affirme Gaétan Légaré. « Ils ont tout un problème, ils ne sont pas payés parce que le bois reste en forêt. Il manque de camions », dit-il, soulignant que l’acuité de la situation ne pourra aller qu’en s’aggravant puisque la haute saison de janvier et février approche à grands pas.

Bonne volonté de part et d’autre

Les camionneurs de la forêt ne sont toutefois pas prêts à jeter trop rapidement la pierre aux exploitants forestiers, qui seraient eux-mêmes victimes d’un système d’enchères par lequel ils vendent leur bois sur la base de facteurs ponctuels qui les empêchent de planifier à long terme des investissements tels que ceux requis pour l’entretien des chemins forestiers.

Gaétan Légaré estime que les entreprises forestières ont fait preuve d’ouverture d’esprit en se réunissant avec les camionneurs autour d’une même table pour discuter de la situation à Saint-Félicien le 20 novembre dernier. Une autre rencontre producteurs-camionneurs est prévue aujourd’hui, 11 décembre.

La classe politique a elle aussi été interpellée afin de tenter de redresser une industrie si vitale pour l’économie. Les représentants de l’ANCAI disent avoir eu de premiers contacts encourageants le 5 décembre dernier avec le personnel politique du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs nouvellement nommé, M. Pierre Dufour.

Pierre Dufour, ministre des Forêts.

Avec la bonne volonté apparente des parties impliquées, une issue heureuse est à prévoir, selon le directeur général de l’ANCAI : « Les compagnies se sont engagées à rencontrer leurs camionneurs pour voir s’ils pouvaient apporter des correctifs et que s’ils étaient capables d’apporter ces correctifs, ils le feraient immédiatement. » Les correctifs en question toucheraient l’ensemble de l’organisation du travail.

D’autant plus que c’est l’industrie forestière en entier qui dépend de la bonne marche des mouvements de transport, dit-il : « Si mes gars ne transportent plus, il n’y a plus de bois dans les usines. »

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