Les enjeux de la caméra de bord

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Les caméras de bord gagnent en popularité dans les camions et procurent plusieurs avantages, notamment en cas d’accident. Cependant, certains camionneurs ne se sentent pas à l’aise avec cette technologie.

L’Association du camionnage du Québec a présenté une conférence intitulée Caméra de bord : un outil préventif… et bien plus encore!, dans le cadre de laquelle différents experts  ont discuté des différents enjeux autour de la technologie.

Comment ça marche?

Mais avant de s’interroger sur l’utilisation des caméras, il faut comprendre leur fonctionnement. Jean-Sébastien Bouchard, chef de produit et cofondateur d’Isaac Instruments, et Anthony Mainville, président d’Attrix Technologies, ont d’entrée de jeu expliqué le fonctionnement des caméras.

Anthony Mainville et Jean-Sébastien Bouchard (Photo : David Simard-Jean)

Lorsqu’elles sont activées par une manœuvre (un freinage, accélération ou virage brusque), une séquence de 15 à 30 secondes est captée avant et après l’accident. Il est aussi possible d’activer les caméras manuellement avec un bouton.

«La caméra est connectée au véhicule pour recevoir les impulsions qui vont nous dire si la vidéo est importanet. On est branché sur le réseau du véhicule pour connaitre la vitesse, le régime moteur, les différentes données de télémétrie s’il y a des systèmes embarqués, etc.», a expliqué Jean-Sébastien Bouchard.

L’enregistrement est continu et le système redémarre quand la mémoire est pleine. Il est aussi possible de transférer les images dans un nuage par réseau cellulaire.

Il existe des caméras orientées vers l’avant du véhicule, d’autres orientées vers le chauffeur, et il est également possible d’ajouter des caméras latérales afin d’avoir une bonne vue d’ensemble du véhicule.

Le système peut même être amélioré avec l’utilisation de l’intelligence artificielle et les systèmes d’aide à la conduite pour détecter les arrêts manqués, le talonnage, les déviations de voies et les zones de construction.

Les caméras permettent non seulement d’enregistrer les sinistres au véhicule, mais aussi de créer chez les chauffeurs un meilleur comportement dans leur conduite, prévenant entre autres l’utilisation du téléphone cellulaire et détectant la fatigue du chauffeur.

«Ces événements sont directement reliés aux comportements de conduite écoénergétique et à la consommation de carburant», a affirmé Anthony Mainville.

«Le but, c’est de gérer le moins de vidéos possible», a ajouté Jean-Sébastien Bouchard. Il est essentiel d’informer le chauffeur qu’une vidéo a été captée et d’assurer un coaching en temps réel. Le chauffeur n’a pas envie de générer des vidéos, mais si on ne lui montre pas ce qui les génère, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il n’en génère pas.»

Avec un peu de formation, il est possible pour les mécaniciens des entreprises d’installer les caméras sur leurs propres camions. Il faut néanmoins faire preuve de précaution. «Il faut quand même que ce soit installé avec précaution, carlorsque vous aurez besoin de cet outil, vous souhaiterez qu’il soit bien positionné et qu’il n’y a pas de problème de connexion qui pourrait interrompre l’enregistrement», a souligné Anthony Mainville.

Il est aussi important de faire l’entretien des systèmes pour assurer le bon fonctionnement des caméras, mais aussi d’utiliser les bons outils télématiques et de les comprendre, sans quoi il sera difficile de garder les images d’accidents importants, et donc de rendre inutiles les systèmes vidéos dans lesquels vous avez investi.

Dans le futur, plusieurs améliorations seront apportées aux systèmes de caméra, notamment l’intégration avec les DCE, les innovations de l’intelligence artificielle et l’arrivée du 5G.

Un outil important pour les assurances

Les caméras de bord sont d’une aide précieuse pour les assurances.

Elles servent de témoins qui ont un point de vue neutre sur les événements et clarifient certaines situations. «C’est là que l’utilisation des technologies à bord va nous aider, parce que ce sont les seuls témoins totalement impartiaux de l’accident qui nous permettent de voir ce qui s’est passé à travers un point fixe non biaisé», a expliqué Emmanuel Aguiar, directeur principal de l’indemnisation chez Northbridge Assurances.

Yves Thériault et Emmanuel Aguiar (Photo : David Simard-Jean)

C’est encore plus utile lorsque des accidents surviennent hors du Québec, surtout aux États-Unis, là où les législations varient selon les États et où certains d’accidents peuvent mener à des poursuites pouvant coûter des millions. C’est aussi utile quand une des personnes impliquées ne sont pas en mesure de témoigner, parce qu’elles sont hospitalisées, par exemple.

De plus, la caméra peut être un très bon outil de prévention. «En plus d’aider à trouver la responsabilité après une collision, les images fournissent même des informations sur les habitudes non apparentes qui surviennent avant l’événement», a indiqué Yves Thériault, directeur du service de prévention pour Northbridge Assurance. «Elles peuvent jouer un rôle proactif en contribuant à mettre en place de meilleurs plans de formation.»

«Les transporteurs proactifs ont pu démontrer comment la technologie peut être utilisée pour appuyer la version des faits du conducteur. Cela peut aussi améliorer les plans de formation et soutenir les programmes d’incitation à la prévention.»

Une atteinte à la vie privée?

Mais si les caméras de bord peuvent procurer certains avantages aux transporteurs, les conducteurs peuvent ne pas approuver ces méthodes et considérer cette technologie comme une atteinte à la vie privée. «La Cour d’appel nous indique que la vie privée ne se limite pas à la maison. Le concept de vie privée n’est pas rattaché à un lieu précis, mais à l’individu qui bénéficie d’une protection à sa vie privée», a expliqué Me Stéphane Lamarre, avocat associé chez Cain Lamarre.

L’avocat rappelle aussi que le droit à la vie privée existe, mais qu’il n’est pas aussi fort au travail qu’à la maison. Cependant, il précise qu’il faut un motif raisonnable. «Vous avez le droit d’encadrer et d’intervenir pour gérer le comportement de vos employés, et ainsi vous assurer qu’ils rendent une prestation de travail conforme à vos attente.»

L’utilisation des caméras doit aider à la sécurité au sein de l’entreprise. «Il faut que la sécurité soit un objectif fondamental», a émis Me Lamarre. Il ne faut pas que vous pensiez que c’est LA solution, mais vous devez d’abord mettre en avant la sécurité et la conformité dans votre entreprise.»

La dangerosité en lien avec le type de marchandises transportées ou avec le type de véhicule, ou bien des enjeux particuliers sont des exemples de motifs raisonnables en lien avec la sécurité .

L’intrusion pourrait aussi être considérée comme minimale si les images ne peuvent pas être visionnées en continu, si le système ne peut être déclenché à distance, si les images sont disponibles que dans certaines circonstances ou si elles le sont pendant une courte période.

Me Jean-Sébastien Tremblay-Mimeault et Me Stéphane Lamarre (Photo : David Simard-Jean)

Il faut en parler

Si les motifs sont assez raisonnables, la Commission des Transports du Québec (CTQ) peut permettre l’utilisation des caméras de bord, surtout dans des cas de prévention.

«La CTQ a un angle de sécurité routière. Elle ne va pas du tout considérer la charte ou l’ensemble de la jurisprudence qui a été établi pour rendre une décision», a expliqué Me Jean-Sébastien Tremblay-Mimeault, avocat en droit des transports pour Cain Lamarre.

L’avocat nous a fait par de nombreux cas où l’utilisation des caméras a été contestée, mais qui ont finalement été permis par la CTQ.

«Dans ces cas-là, la Commission a jugé que le comportement du conducteur, qui était propriétaire de son véhicule, méritait un suivi particulier. Il s’agissait d’une caméra qui allait se déclencher selon certains événements et la CTQ voulait vraiment faire prendre conscience au conducteur les risques que sa conduite comportait.»

Cependant, les conducteurs voient quand même ces caméras d’un mauvais œil. C’est pour cela qu’il faut tenter de changer leur perception vis-à-vis ces technologies, notamment en créant dans l’entreprise une culture et des politiques priorisant la sécurité et valorisant les bienfaits de la caméra pour atteindre cet objectif.

Mais l’aspect le plus important, c’est la communication entre les employeurs et leurs employés. «Il faut que les conducteurs comprennent dans quoi ils s’embarquent», a poursuivi Me Tremblay-Mimeault. «Si on ne les informe pas et qu’on ne communique pas clairement ce que l’on veut auditer, il va y avoir des surprises et les gens vont avoir le sentiment d’être épiés.»

Pour cela, il est possible de mettre en place des formations, une campagne de sécurité et de faire preuve de transparence sur l’utilité de ces caméras (accidents, assurances, prévention du comportement des chauffeurs, etc.)

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