Recrutement international: comment s’y retrouver, au fédéral et au provincial

On ne vous apprendra rien en vous disant que la main-d’oeuvre étrangère est une solution fort intéressante dans le contexte actuel de pénurie de main-d’oeuvre. Or, s’y retrouver dans les dédales du recrutement international n’est pas une sinécure.

Au Québec, l’immigration relève de deux niveaux de gouvernement, ce qui n’est rien pour faciliter les choses. Lors du Petit déjeuner sur le recrutement international de l’Association du camionnage du Québec tenu au printemps, il a été question du programmedes travailleurs étrangers temporaires. Ce programme permet aux employeurs canadiens d’embaucher des travailleurs étrangers pour des postes temporaires en l’absence de main-d’oeuvre canadienne qualifiée.

Depuis le 26 septembre 2022, 13 modifications règlementaires viennent mieux protéger les travailleurs étrangers.

Durant le processus de recrutement, l’employeur doit remplir la demande d’étude d’impact sur le marché du travail (EIMT), s’assurer de déposer sa demande pour le poste recherché dans le bon volet et respecter les conditions et les engagements de son EIMT. Il peut faire appel à un tiers pour le représenter.

«Si vous décidez de retenir les services d’un tiers, vous devez remplir la section appropriée dans le formulaire et vous ne devez pas récupérer les couts engendrés par le recours à un tiers. Le tiers qui vous représente ne peut pas non plus exiger ou récupérer auprès du travailleur les frais de traitement ou les autres couts reliés au recrutement», avise Marie Gareau, agente principale de développement, Direction des programmes à Service Canada.

Particularité au Québec : les évaluations des EIMT se font conjointement par Services Canada et le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Il est important que les demandes soient soumises simultanément. Si l’évaluation est positive des deux côtés, l’employeur doit faire parvenir une copie de la lettre de confirmation conjointe et une copie du certificat d’acceptation du Québec (CAQ) au travailleur étranger et lui demander de faire parvenir sa demande de permis de travail auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

Quel salaire?

Le salaire offert pour le poste déterminera si vous devez soumettre une demande d’évaluation d’EIMT en vertu du volet des postes à haut ou à bas salaire. «Les camionneurs peuvent être dans l’un ou l’autre des volets. Pour déterminer lequel, on se base sur le salaire médian qui, au Québec, est de 25 $ de l’heure. Un candidat est considéré à haut salaire si son salaire est égal ou supérieur à 25 $ de l’heure, et à bas salaire s’il est sous 25 $ de l’heure», a expliqué Mme Gareau.

«Le salaire dans le camionnage peut être calculé en fonction d’un taux horaire, de la charge, du kilométrage ou de l’activité», précise Karina Crespo, conseillère en projets-I pour Service Canada. «Peu importe la méthode que vous utilisez, pour fins d’inspection, celle-ci sera convertie en taux horaire. On vous suggère de joindre au formulaire une annexe dans laquelle vous expliquez clairement la méthode de calcul que vous utilisez pour arriver à ce salaire.»

«Le salaire médian est fréquemment indexé par le gouvernement fédéral; il est important de veiller à connaitre le salaire médian au Québec pour chacun des volets», ajoute Véronique Jannard, conseillère experte au Programme des travailleurs temporaires au MIFI. Tous les employeurs des postes à bas salaires doivent assumer les frais de transport aller-retour du travailleur, souscrire à une assurance privée et aider le travailleur à se trouver un logement convenable et abordable.

Droit au traitement simplifié

Le Québec et le fédéral ont négocié des assouplissements au programme des travailleurs étrangers temporaires – l’un d’eux a trait aux professions de niveau C dont font partie les camionneurs – et ceux-ci ont pu être ajoutés au traitement simplifié. Cela fait en sorte que les deux gouvernements peuvent délivrer une EIMT dans le cadre du traitement simplifié, que l’employeur n’a pas à faire d’efforts de recrutement et qu’il peut obtenir une EIMT d’une plus longue durée.

«Depuis le 24 mai 2022, les camionneurs sont admissibles au traitement simplifié. Vous devez indiquer que vous faites une demande de traitement simplifié à Service Canada et au MIFI. Il est important de l’indiquer sur les deux demandes», précise Marie Gareau.

«Assurez-vous d’inscrire, pour le Québec, la mention Traitement simplifié sur les formulaires. Cela nous permet de prioriser le traitement de la demande», conseille Véronique Jannard.

Protection des travailleurs étrangers

Le 26 septembre 2022, 13 modifications règlementaires ont été mises en place pour mieux protéger les travailleurs et éviter qu’ils soient maltraités ou mis en position de vulnérabilité durant leur séjour au Canada. Par exemple, on exige que les employeurs fournissent à tous les travailleurs étrangers temporaires un document décrivant leurs droits au Canada.

Auparavant, les employeurs avaient l’obligation de faire les efforts raisonnables pour offrir aux travailleurs étrangers un milieu de travail sans violence. La définition a été modifiée pour y ajouter la notion de représailles.

En outre, une modification interdit aux employeurs de percevoir ou de récupérer les frais reliés au recrutement. «Il est important aussi de dire que les travailleurs étrangers ont les mêmes droits que les résidents permanents canadiens et que l’employeur a des responsabilités lorsqu’il embauche un travailleur. Elles sont toutes indiquées dans le formulaire. Assurez-vous de bien les lire, de veiller à respecter les exigences du programme et de conserver tous les dossiers associés à votre demande d’EIMT», souligne Marie Gareau.

«Si vous faites affaire avec des consultants en immigration, sachez que le Québec encadre la pratique des consultants, mais aussi qu’il existe un règlement sur les agences de placement de personnel et sur les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires qui vous oblige à travailler avec des agents qui ont obtenu leur permis en bonne et due forme», a informé Véronique Jannard.

L’employeur qui embauche un travailleur étranger temporaire par l’entremise d’une agence de recrutement doit s’assurer que celle-ci détient un permis valide délivré par la CNESST. L’employeur doit aussi déclarer l’embauche du travailleur étranger temporaire auprès de la CNESST.

Un conseil aux entreprises qui cherchent à embaucher des travailleurs étrangers : commencez par regarder ici, au Canada. (Photo: Steve Bouchard)

«L’employeur ou l’agence de recrutement ne peut exiger du travailleur des frais de recrutement autres que ceux exigés par le programme, soit le permis de travail ou le CAQ du travailleur. Il ne peut pas exiger, par exemple, des frais reliés à l’agence du recrutement à l’étranger, ni des frais liés au traitement de l’EIMT auprès des deux gouvernements», avertit Mme Jannard. L’employeur ou l’agence de recrutement ne peuvent exiger non plus du travailleur étranger temporaire qu’il leur confie la garde de documents ou de biens personnels. «On a vu des articles dans les journaux en Ontario relatant qu’un employeur avait conservé le passeport du travailleur, c’est illégal.»

Depuis peu, au Québec, il est possible de remplacer le nom d’un travailleur sur une EIMT qui serait toujours valide. «Si, par exemple, vous avez une EIMT qui vous permet d’embaucher dix travailleurs et que deux de ces travailleurs, qui n’ont pas encore présenté une demande de permis de travail à ce moment-là, changent d’idée, vous pouvez informer les deux gouvernements que vous aurez besoin de faire une nouvelle demande pour que les nouveaux travailleurs puissent obtenir un certificat d’acceptation du Québec.»

Parmi les raisons souvent évoquées pour expliquer les retours de dossiers, il y a les problèmes de paiements par carte de crédit. «Veillez à écrire de manière très lisible», insiste Mme Jannard. «Vous aurez bientôt la possibilité de transmettre vos documents de manière électronique. J’imagine que cela aidera tout le monde.»

Nouvelle classification nationale des professions

Abordant la classification nationale des professions (CNP), Antoine Hamel, agent de promotion pour le Québec à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, a expliqué que si vous entrez le mot-clé camionneur sur le site Web d’Emploi et Développement social Canada, trois résultats apparaitront. «Regardez quelles sont les responsabilités pour ces emplois et déterminez lesquelles correspondent vraiment à l’emploi que vous cherchez à combler», recommande-t-il.

En novembre 2022, il y a eu une reclassification des conditions d’accès à la profession et une nouvelle CNP appelée CNP 2021. «Ceux qui embauchent des conducteurs de camions, retenez que vous êtes maintenant des FEER 3.»

Un conseil aux entreprises qui cherchent à embaucher des travailleurs étrangers : commencez par regarder ici, au Canada. «Il y a plusieurs travailleurs étrangers qualifiés, ici même au pays, qui ont des autorisations de travail ou des permis de travail ouverts qui leur permettent de travailler pour n’importe quel employeur.»

Depuis le 16 novembre, les étudiants étrangers peuvent travailler plus de 20 heures par semaine sans permis de travail. «Vous pouvez aller dans les campus faire du recrutement. Ces gens-là n’ont pas besoin d’avoir un permis de travail. Ils peuvent travailler un nombre illimité d’heures, alors qu’auparavant il y avait un plafond strict à 20 heures.»

Véronique Jannard fait toutefois une mise en garde : «Si vous embauchez un étudiant à temps complet, les études ne sont plus sa principale occupation. Vous ne rendrez pas service à cet étudiant parce qu’il est possible qu’on lui refuse son CAQ.»

«S’il y a un message que j’aimerais renforcer, c’est que l’IRCC et le MIFI offrent une foule de services aux entreprises. Nous sommes là pour vous aider à comprendre les processus d’immigration et à vous orienter», de dire Antoine Hamel.

L’ACQ veut discuter avec le MIFI

À la suite de son Petit déjeuner sur le recrutement international, l’AQC a demandé au MIFI de créer un groupe de travail qui se pencherait sur des aspects propres à la main-d’oeuvre étrangère dans le camionnage.

Josyanne Pirrat (Photo: ACQ)

«On sait que le processus est long et on sait qu’il y a un va-et-vient de questions entre l’agent qui évalue le dossier et le transporteur parce qu’il y a une méconnaissance de notre industrie. Par exemple, plusieurs camionneurs sont rémunérés au mille parcouru et non selon un salaire horaire, la méthode utilisée pour déterminer le salaire médian», explique Me Josyanne Pierrat, directrice, Conformité et Affaires juridiques à l’ACQ.

Parmi les sujets qui ont intérêt à être clarifiés, il y a le statut implicite, c’est-à-dire le droit de rester au Canada et de continuer à travailler dans l’attente du renouvèlement du permis de travail lorsque celui-ci a expiré, mais qu’une demande de renouvèlement a été faite avant son expiration. «Le problème, c’est qu’un camionneur qui se rendait aux États-Unis ne peut plus sortir le temps que sa demande soit approuvée. Il doit être relocalisé sur du transport local ou du transport au Canada seulement.»

Le poste de conducteur de camion est admissible au traitement simplifié jusqu’en février 2024. L’ACQ demande que cette admissibilité soit prolongée, et même pérennisée. Comme mentionné les camionneurs sont maintenant classifiés FEER 3. «Dans la catégorie FEER 3, une partie des candidats est admissible au Programme de l’expérience québécoise pour la résidence permanente, mais pas les conducteurs de camions. Nous avons demandé que les camionneurs soient admissibles», indique Me Pierrat.

Enfin, les firmes de recrutement international ont signalé un problème fréquent : des candidats qui avaient été choisis par le MIFI étaient refusés au fédéral. «L’entente Gagnon- Tremblay-McDougall dit que le Québec peut choisir ses candidats, mais cela n’est pas respecté par le fédéral dans plusieurs cas. Nous avons avisé la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, de cette situation. Elle est au courant du problème.»

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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