Un rapport de l’UQAM met en doute l’image verte du gaz naturel renouvelable

Une nouvelle recherche de l’UQAM s’interroge sur les vertus vertes du gaz naturel renouvelable (GNR), évoquant que le développement de cette filière et ses conséquences climatiques et écologiques n’ont fait l’objet ni d’une évaluation environnementale stratégique, ni d’un débat public large. La recherche a été réalisée par Marc Dionne, étudiant en Sciences de l’environnement, sous le supervision d’Éric Pineault, professeur au Département de sociologie et président du comité scientifique de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM.

Le rapport de recherche «Gaz naturel renouvelable : enjeux climatiques et écologiques et potentiel de production au Québec», réalisée sous la supervision s’appuie sur une revue de littérature scientifique, sur des entretiens avec des spécialistes et sur une analyse des études de potentiel publiées à ce jour. Il a été réalisé à la demande de la Table énergie du Front commun pour la transition énergétique et financé par la Fondation familiale Trottier.

« Présentée comme une solution de rechange «verte» au gaz naturel fossile (GNF), la filière du gaz naturel renouvelable (GNR) bénéficie de forts soutiens politiques et financiers de la part du gouvernement du Québec. Or, le développement de cette filière et ses conséquences climatiques et écologiques n’ont fait l’objet ni d’une évaluation environnementale stratégique, ni d’un débat public large », indique les auteurs dans un communiqué.

Leur recherche vise à déterminer si le GNR est réellement une bonne solution et quelle place il peut et doit occuper dans le mix énergétique de l’avenir.

Centre de biométhanisation de l’agglomération de Québec (Photo: Ville de Québec)

L’étude a révélé que les volumes de biomasse disponibles au Québec pour produire du GNR de façon durable sont beaucoup plus faibles que les chiffres qui ont circulé jusqu’ici.

Les auteurs disent constater qu’une grande partie de la biomasse considérée pour produire d’importants volumes de GNR au Québec est, en fait, déjà utilisée de manière plus rentable ou plus écologique, ou ne devrait jamais être extraite afin de préserver l’intégrité des écosystèmes.

« Toutes les sources possibles de biomasse pour produire du GNR présentent des enjeux environnementaux qui n’ont pas été examinés avec rigueur et qui pourraient, lorsque pris en compte, diminuer encore davantage les volumes de GNR qu’il sera possible de produire de manière durable. »

Le revue de littérature conclut que la biomasse forestière, qui représente 80 % du potentiel techno-économique estimé à en vue de 2030, implique des risques majeurs, dont une perte de zones à haute valeur écologique; une potentielle réduction du carbone dans les sols forestiers; une fausse carboneutralité à cause des forts volumes d’émissions de GES à court terme et de la dette carbone à long terme, contribuant à l’effet domino et provoquant une accélération du réchauffement climatique.

La production de GNR à partir de biomasse issue de l’agriculture, principalement des déjections animales et des résidus de culture dans les champs, présente des risques pour la santé à long terme des sols agricoles et implique des méga-usines de biométhanisation qui soulèvent des enjeux d’acceptabilité sociale en milieu rural, indique le rapport.

Les auteurs de l’étude observent que la construction de ces usines pourrait avoir un effet de verrou sur les élevages industriels alors que l’impact matériel de cette filière sur le bilan de GES de ces élevages n’a pas été démontré.

Le rapport soulève que la distribution du GNR implique des transports routiers dont l’empreinte carbone augmente proportionnellement aux distances de transport. « L’injection du GNR directement dans les gazoducs d’Énergir et de Gazifère permet de tirer parti d’infrastructures existantes. Par contre, il convient de noter qu’en vertu du règlement sur le volume minimal de GNR devant être injecté dans le réseau de gaz naturel, seulement 10 % du gaz qui circulera dans leurs tuyaux en 2030 sera de source renouvelable; plus de 90 % de ce gaz sera toujours d’origine fossile. »

« Quelle que soit la source de biomasse analysée (forestière, agricole ou déchets), nous constatons que les volumes réellement disponibles pour la production de GNR n’ont pas été évalués et sont beaucoup plus faibles quand on tient compte de critères économiques et environnementaux plus complets », précise le professeur Éric Pineault. Dans ce contexte, et en attendant une évaluation rigoureuse et complète de la filière du GNR au Québec, il ajoute « qu’il vaut mieux réserver ce gaz aux usages sans regrets et critiques. À première vue, les usages industriels devraient être priorisés, car les possibilités de substitution sont faibles en ce domaine».

« En somme, alors que le GNR pourrait potentiellement contribuer à la transition énergétique du Québec, les connaissances actuelles restent insuffisantes pour justifier en ce moment un recours important à cette filière et des investissements publics dans son développement, au détriment d’autres stratégies de décarbonation potentiellement plus efficaces », concluent les auteurs du rapport.

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