Une étude québécoise révèle que la transition vers les VE est rentable pour les trajets de courte distance

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De nombreux transporteurs peuvent commencer à économiser de l’argent dès aujourd’hui en passant lentement à l’électrification, un camion à la fois, ont déclaré Philippe Louisseize, chargé de projet de l’électrification à l’Institut du véhicule innovant (IVI), et Charles Trudel, directeur du groupe des applications technologiques de l’IVI, lors de l’EV & Charging Expo tenue le 2 mai à Toronto.

M. Louisseize et Trudel ont présenté les données du Projet Flotte rechargeable, mené par l’IVI. L’étude a révélé qu’un quart des camions des flottes québécoises incluses dans le projet peuvent être électrifiés du jour au lendemain, et qu’un autre quart peut être électrifié grâce à des ajustements opérationnels.

L’étude a démontré que les camions électriques sont capables de relever le défi des hivers canadiens, affichant une baisse moyenne de 30 % de l’autonomie en hiver, ce qui est un signe prometteur pour la fiabilité tout au long de l’année.

De gauche à droite : Philippe Louisseize et Charles Trudel (Photo: Krystyna Shchedrina)

Le projet a également révélé que les recharges de 50 kW sont suffisantes pour les livraisons locales à courte distance, et que le poids des batteries dans les camions n’a pas posé de problème aux transporteurs.

Les données du Projet Flotte rechargeable ont permis de recueillir des informations sur 60 camions diesel (16 camions porteurs et 44 semi-remorques) répartis dans 20 flottes au cours de la deuxième phase de l’étude, analysant plus de 800 000 km de distance parcourue combinée afin d’évaluer le potentiel d’électrification.

Plus tard, au cours de la troisième phase, cinq flottes locales du Québec ont été sélectionnées pour une phase d’essai, au cours de laquelle les participants ont reçu des camions électriques à utiliser pendant un mois à différentes périodes de l’année afin d’acquérir une expérience de première main. Les données ont été recueillies par le biais de la télématique et d’enquêtes sur l’expérience des conducteurs.

La faisabilité de l’électrification

Sur les 60 camions évalués lors de la deuxième phase de l’étude, 62 % des camions porteurs et 58 % des tracteurs n’étaient pas prêts pour l’électrification, car la transition nécessiterait des modifications importantes ou des batteries plus grosses qui ne sont pas encore disponibles sur le marché.

Par ailleurs, un quart du matériel roulant des flottes (19 % des camions porteurs et 27 % des tracteurs) examinés ont été jugés prêts pour l’électrification sans adaptations majeures. L’évaluation a pris en compte des facteurs tels que l’autonomie, la charge utile et les caractéristiques de l’itinéraire. Cependant, M. Trudel a affirmé que les conditions requises pour être considérées comme prêt pour l’électrification étaient d’un niveau élevé.

«Nous avons gardé des critères très stricts. Un feu vert est donné lorsqu’un camion est susceptible d’être remplacé du jour au lendemain par un véhicule électrique et que cela fonctionne sans problème ».

(Photo: Krystyna Shchedrina)

Enfin, 19 % et 15 % des camions porteurs et des tracteurs, respectivement, ont été placés dans la zone de préparation jaune, ce qui signifie que les camions peuvent nécessiter certaines adaptations ou optimisations pour l’électrification. Les changements pourraient avoir besoin de la fusion d’itinéraires plus courts pour plusieurs camions, la création d’itinéraires avec des arrêts plus rapprochés et l’ajout de stations de recharge aux arrêts récurrents des camions.

Secteurs favorables à l’électrification

Les données de l’IVI montrent que le secteur du transport de marchandises sèches (TL, LTL) présente un fort potentiel d’électrification en raison des charges généralement plus légères et des trajets plus courts, tandis que les secteurs des marchandises en vrac, des liquides et de la sylviculture sont confrontés à des défis importants en raison des poids élevés impliqués dans le processus de transport et des longues distances parcourues, ce qui rend les modèles de camions électriques disponibles inadaptés.

Pour l’instant, les opérations sur de longues distances restent difficiles à électrifier sans progrès significatifs dans la technologie des batteries, tandis que les itinéraires plus courts comme les opérations pendulaires où les camions font constamment l’aller-retour entre deux points fixes (et peuvent parfois se recharger au troisième point) sont considérés comme parfaitement adaptés à l’électrification.

Il n’est pas certain que les groupes frigorifiques soient adaptées à l’électrification à l’avenir. L’IVI a conclu que les groupes frigorifiques ne sont actuellement pas adaptés à l’électrification en raison de leur poids supplémentaire et du manque d’appareils électriques offerts sur le marché.

Électrification : liste de contrôle et avantages

Pour savoir si un véhicule existant remplit les conditions requises pour être électrifié, les gestionnaires de flotte peuvent l’évaluer en fonction de plusieurs critères, suggère l’IVI. Ces critères sont les suivants : parcourir moins de 200 km par jour, rentrer à la base le soir après les trajets, et transporter des marchandises sèches, avec des charges utiles faibles ou moyennes. Dans l’idéal, les opérations devraient être limitées à la conduite sur autoroute, avec une seule équipe par jour, ou plusieurs opérations pendulaires avec des possibilités de recharge.

Philippe Louisseize (Photo: Krystyna Shchedrina)

«Si vous ne cochez pas toutes ces cases, ce n’est pas une cause perdue. Vous pouvez toujours être dans la zone jaune et il vous suffit de voir quelle est l’adaptation nécessaire pour que cela fonctionne», explique M. Louisseize. «Il s’agit donc de choisir entre attendre ou optimiser. Si vous êtes dans la zone jaune, vous pouvez attendre jusqu’à ce que la technologie s’adapte à vos opérations ou vous pouvez optimiser. En d’autres termes, vous pouvez commencer votre transition, commencer à expérimenter et commencer très probablement à économiser de l’argent dès maintenant.»

L’étude a prouvé que les camions qui passent à l’électricité peuvent procurer des économies significatives en termes de coûts de carburant, soit une économie potentielle de près de 200 000 $ en une dizaine d’années, en fonction de la distance parcourue annuellement. Pour les camions prêts pour l’électrification (sans besoin d’adaptation) examinés dans la deuxième phase de l’étude, IVI a calculé un retour d’investissement moyen de 2 ans et demi à 7 ans.

Par ailleurs, le point d’équilibre environnemental le plus rapide de l’étude, où un camion électrique devient plus propre que son homologue diesel, a été atteint au bout de trois mois, tandis que le plus long a été enregistré au bout de 13 mois.

Conditions météorologiques

Dans la phase finale de la recherche, des concessionnaires ont prêté des camions à des flottes locales du Québec pour quatre semaines de tests. Chaque flotte disposait d’une borne de recharge rapide de 50 kW CC installée sur place, et l’IVI a recueilli des données 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, de la charge utile à chaque trajet aux commentaires du conducteur, etc.

Le transporteur local de charges partielles, Inter Nord, a testé un Freightliner eCascadia, parcourant quotidiennement 185 km dans des conditions estivales sur un itinéraire stable.

«Le camion revenait tous les soirs avec 45 % à 52 % de batterie restante», a indiqué M. Louisseize. «Un jour, il est allé jusqu’à 303 km, il a effectué des changements de remorque, qui étaient plus lourds, ce n’était pas un itinéraire normal. Il est revenu le soir avec 78 % de batterie utilisée.»

Cascades, un transporteur de charges complètes, a testé le modèle Peterbilt 579EV en parcourant un itinéraire pendulaire de 7 km de long à chaque poste de travail dans des conditions automnales, avec des températures moyennes de -5C à 20C. L’entreprise a parcouru 1 771 km en quatre semaines en dépensant 972 $ en électricité.

La borne de recharge, cependant, a été installée sur le troisième site. Étant donné qu’elle ajoutait une couche de déplacement à l’emplacement séparé de l’itinéraire opérationnel principal, l’entreprise aurait eu besoin d’une recharge plus fréquente ou plus rapide pour gérer les quarts de travail consécutifs. M. Trudel a expliqué qu’une borne plus puissante aurait une incidence négative sur le coût total de possession.

Temps froid et tempêtes de neige

Le troisième essai a impliqué Smart Transport, une entreprise de livraison pour le jour même, qui a exploité un camion porteur Lion6 en hiver à des températures moyennes de -15°C à 15°C. La répartition dynamique des itinéraires a permis d’adapter les itinéraires aux capacités des véhicules électriques, et le camion a parcouru 2 792 km en dépensant 316 $ en électricité. La puissance de charge a été réduite à 30 kW pour réduire les coûts. Le temps de charge a été de quatre heures en moyenne et il n’y a pas eu d’impact sur les opérations.

«Smart Transportation a acheté un camion Lion6 quelques semaines après l’essai. C’est donc une grande réussite pour nous», ajoute M. Trudel.

La dernière entreprise à avoir achevé son essai est Brasserie Sleeman, qui a distribué sa bière dans des remorques à chargement latéral et arrière équipées de Moffetts intégrés. Elle a utilisé un camion Kenworth, parcourant près de 2 000 km et déboursé environ 1 000 $ pour l’électricité avec un temps de recharge maximum atteignant sept heures. Bien que l’essai ait eu lieu au printemps, l’équipe a dû faire face à une tempête de neige lors de l’une des livraisons.

Le graphique d’IVI présente les tendances en matière de chargement des camions électriques (Photo : Krystyna Shchedrina)

Au cours d’une journée normale, le camion a démontré une autonomie constante d’environ 190-200 km, en partant d’une batterie pleine. Cette autonomie était suffisante pour les activités quotidiennes de la brasserie dans des conditions météorologiques normales. Cependant, le jour de la tempête de neige, le conducteur s’est retrouvé coincé dans la neige à deux reprises, et l’autonomie a chuté à 125 km.

Tendances saisonnières

D’après les données recueillies sur les quatre camions électriques pendant l’essai, en hiver, l’autonomie moyenne des camions électriques diminue de 30 % pour atteindre 250 km. Cependant, cinq à dix jours par semaine, lorsque le Québec a connu des tempêtes de neige pendant la période d’essai d’IVI, l’autonomie a chuté de 45 %, à 200 km. Lors de ces jours de neige, les flottes peuvent remplacer les véhicules électriques par des véhicules diesel comme solution de rechange, suggère IVI.

Cependant, l’autonomie au printemps et à l’automne a atteint 350 km et a légèrement diminué (à 300 km) dans les «meilleures» conditions hivernales (température supérieure à 0°C).

(Photo: Krystyna Shchedrina)

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