Qui sont les conducteurs et conductrices non-actifs?
Depuis des années, j’ai un permis de classe 1 dans mes poches que j’ai utilisé peut-être deux ou trois fois pour transporter une charge payante. Toutes les autres fois, c’était pour essayer des nouveaux camions, ou des nouveaux systèmes de sécurité dans des camions, ou autres nouveautés en lien avec les camions ou les remorques. Même si je ne gagne pas ma vie en tant que camionneur, j’utilise ma classe 1.
Mais il y a au Québec un grand nombre de conducteurs et conductrices de camion qui ont quitté la profession, qui n’utilisent pas leur permis de classe 1 ou de classe 3, mais le conservent néanmoins. Ce sont les conducteurs non-actifs.
Cela faisait des années que l’on voulait savoir combien il y a de permis de classe 1 non-actifs. Pour savoir quel est le potentiel de main-d’œuvre dans le marché, et pour savoir aussi pourquoi ces gens ne travaillent pas comme conducteurs de camion.
Camo-route donne des réponses très intéressantes dans son dernier diagnostic de l’industrie portant sur les conducteurs et conductrices non-actifs et les mesures visant leur réintégration. En fait, les réponses viennent de 1 138 camionneurs non-actifs qui ont répondu au sondage de Camo-route à la fin de 2021.
J’ai demandé, mais on n’a pas le nombre de camionneurs non-actifs au Québec. On pourrait extrapoler le nombre, mais je n’ai pas ce chiffre à vous donner. On parle certainement de quelques milliers.
Plusieurs constats ressortent, dont celui que si un camionneur reste cinq ans à son emploi, les chances sont très bonnes de ne pas le perdre. «La majorité des conducteurs ont mentionné avoir abandonné après avoir travaillé pour un ou deux employeurs durant les deux premières années puis, une fois la période de cinq ans franchie, le taux d’abandon de la profession chute de façon marquée», analyse Raphaël Readman, analyste stratégique, Marché du travail chez Groupe DDM, qui a présenté les faits saillants du diagnostic.
Qu’est-ce qui fait fuir les camionneurs? Dans l’ordre : la mauvaise rémunération; les difficultés de concilier le travail et la famille; les temps d’attente non rémunérés et le travail qui ne correspond pas aux attentes.
C’est un constat dur, mais dont il faut prendre acte.
Et les transporteurs ne sont pas sans connaître les problématiques non plus. On leur a demandé «quelles sont les raisons expliquant le départ de leurs employés et qui sont mentionnées par ces derniers». Au premier rang arrive, je vous le donne en mille : le salaire trop faible. Viennent ensuite les horaires instables; la nature du métier; la conciliation travail-famille et le désir d’essayer un nouveau métier.
Le salaire au mille est considéré comme dépassé, notamment en raison de tous les problèmes de congestion routière pour lesquels les camionneurs ne peuvent rien mais qui viennent gruger leur salaire et leur temps. La préférence va nettement vers le salaire horaire. Et 23 $ de l’heure est le minimum acceptable selon les sondés. Autour de 30 $ de l’heure, ils seraient plus susceptibles de reprendre la conduite.
Vous aurez une combinaison encore plus gagnante en ajoutant un meilleur environnement de travail, un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle et des horaires mieux organisés.
Il y a des milliers de gens qui s’assurent de garder leur permis de classe 1 ou 3, en se soumettant par exemple aux examens médicaux de la SAAQ. Le feraient-ils s’ils avaient définitivement fermé la porte à toute possibilité de retour?
Si vous êtes intéressé à prendre connaissance des principaux faits saillants de l’enquête de Camo-route, je vous invite à cliquer sur ce lien.
Steve Bouchard
Rédacteur en chef, transportroutier.ca