Daniel Bouchard: un esprit libre

Au bout du fil, l’intonation est agréable et la diction, impeccable. Une voix radiophonique. Rien d’étonnant, quand on sait qu’avant de devenir propriétaire de Transport Bernières, Daniel Bouchard a connu une intéressante carrière dans le monde des communications.

Sherbrookois d’origine, le président de la 20e plus grande flotte publique du Québec, selon le Top 25 de Transport Routier, a connu un parcours inédit qui l’a amené des médias électroniques au camionnage. Deux mondes qui ont pourtant peu en commun. «J’appelle cela le GPS de la vie», image Daniel Bouchard.

Sa carrière radiophonique s’est amorcée à la station CJRS de Sherbrooke, alors qu’il n’avait pas encore 16 ans, puis s’est déplacée à Mont Laurier et Drummondville, pour revenir dans sa ville natale avec Radiomutuel (maintenant Astral Média).
 
Délaissant la radio pour la production télévisuelle dans les années 80, il allait, sans le savoir, créer le concours de circonstances qui l’amènera éventuellement dans le camionnage. «J’avais besoin d’une équipe pour le tournage d’une série d’émissions de télévision en région. C’est alors que j’ai rencontré Claude St-James, cofondateur de la compagnie de transport de personnes Limocar . Je lui ai offert d’être le transporteur officiel de l’équipe de tournage et nous nous sommes par la suite liés d’amitié.» De fil en aiguille, Daniel Bouchard est devenu directeur des ventes de Limocar, puis directeur général.
 
La gestion d’une entreprise de transport lui a beaucoup plu. Il faut dire que le milieu n’était pas totalement inconnu à cet homme de communications qui gardait d’agréables souvenirs des heures passées dans l’entreprise de construction de son grand-père. «Petit, j’étais toujours à fouiller dans les camions dans le garage de la compagnie», se rappelle Daniel Bouchard. «Mais, à vrai dire, mon implication chez Limocar découle véritablement du hasard. Je me suis impliqué et cette expérience m’a donné l’ambition d’avoir ma propre entreprise.»
 
Celle-ci aurait normalement dû évoluer dans le domaine du transport de personnes, mais la structure même de cette industrie allait à l’encontre de ses visées d’homme d’affaires.
 
«Dans le monde de l’autocar et de l’autobus, les règles d’émissions de permis étaient très restrictives. Il fallait faire une preuve économique pour obtenir un permis, avoir en main un contrat avec une commission scolaire ou une commission de transport. Ce n’était pas l’innovation qui permettait d’entrer dans l’industrie, mais bien les permis de transport», explique-t-il.
 
La déréglementation du camionnage proposait une approche beaucoup plus séduisante pour M. Bouchard, là où le succès dépend davantage de la capacité à innover et de la qualité de la gestion que de l’obtention de permis. «Dans le camionnage, on choisit la dimension d’entreprise que l’on souhaite exploiter. On peut avoir 100 camions ou 2 000 camions, c’est un choix personnel. Il n’y a pas comme telle de limite réglementaire au niveau territorial. Si un client permet d’autofinancer un nouveau service, on offre ce service. Il n’y a pas de preuve économique à faire à la Commission des transports du Québec.»
 
Daniel Bouchard, qui a aujourd’hui 50 ans, a donc pris les commandes de Transport Bernières en 1994. L’entreprise avait été mise en vente par la succession de l’ancien président de la compagnie, le regretté Gilles Cantin, un homme que Daniel Bouchard n’a pas connu, mais dont il a entendu dire qu’il était «haut en couleur».
 
Parce que la compagnie n’avait plus de chef, la nouvelle direction de Transport Bernières faisait face à des défis de taille. On s’est d’abord affairé à redéfinir chacune des activités de l’entreprise et à la repositionner au niveau financier et de la clientèle. Ensuite, il a fallu rebâtir une équipe et préciser la mission d’affaires. Au passage, l’image de la compagnie a radicalement changé, adoptant le noir pour la flotte aujourd’hui composée à 70% de tracteurs Peterbilt.
 
Le transporteur œuvre principalement dans le secteur du papier en charges complètes, mais aussi en distribution alimentaire sur le territoire du Québec. Le chiffre d’affaires de la compagnie est réparti à quelque 70% sur le marché des États-Unis et environ 30% en distribution pour les chaînes d’alimentation. Elle fait aussi de l’import en alimentation au niveau international.
 
La logistique pour évoluer avec la clientèle
 
Afin d’élargir ses horizons et d’améliorer son offre de service, Transport Bernières a créé sa division Logistique. Du point de vue du camionnage, le transporteur est présent au Québec, en Ontario et dans l’est des États-Unis, mais il voulait pallier aux besoins des clients qui doivent expédier vers d’autres territoires. «C’est dans cette optique que nous avons mis sur pied une équipe en mesure d’offrir des services intégrés en collaboration avec des partenaires affiliés. Nos fournisseurs, qu’ils offrent des services par rail, avion, camion ou bateau, doivent respecter les mêmes normes de qualité que Transport Bernières épousent à longueur d’années pour sa clientèle de base.»
 
Si cette division existe, explique Daniel Bouchard, c’est parce «qu’on doit évoluer avec nos clients ». 

 
Gérer rigoureusement et sans dettes
 
Daniel Bouchard parle sans prétention et il n’est sûrement pas le genre à vivre au-dessus de ses moyens. On dénote chez lui la rigueur de celui qui aime bien faire les choses, et la patience de celui qui prendra le temps qu’il faut pour atteindre ses objectifs.
 
Une autre chose est claire : Daniel Bouchard n’aime pas les dettes. Il a adopté dès le début un modèle d’affaires qui place la saine gestion au sommet de ses priorités.
 
«Au cours des 15 dernières années (Bernières fête cette année ses 25 ans de fondation), nous avons consolidé l’entreprise», explique le président de Transport Bernières. «Notre objectif premier, c’était que la compagnie paye sa dette, et c’est son atout le plus important aujourd’hui. Nos ratios financiers sont très, très acceptables et c’est ce  qui nous permet aujourd’hui d’envisager l’avenir de façon très positive.»
 
Au dire du président, aujourd’hui, le plan d’affaires de Transport Bernières consiste d’abord et avant tout à bien servir ses clients, mais pas à n’importe quel prix. «Ce qui est important pour nous, c’est de tenir nos promesses et d’avoir le meilleur rapport qualité/prix. Chaque innovation et chaque occasion d’affaires est étudiée, mais on ne va pas nécessairement dans le sens où tout le monde va.»
 
Daniel Bouchard est un gestionnaire au sens large du terme. Ses forces se situent au niveau des relations de travail et de la relation avec les clients. De façon plus marquée encore, il se dit particulièrement à l’aise avec les chiffres et il aime préparer, présenter et analyser les budgets. 
 
Son entreprise est d’ailleurs citée dans les manuels de l’Université du Québec comme modèle à suivre pour les étudiants en comptabilité. Appelé à commenter ce fait, Daniel Bouchard explique que son entreprise a été sollicitée pour contribuer à certaines normes comptables dans le domaine du transport. « À la suite d’un certain nombre de rencontres, l’Université a décidé de publier un chapitre sur la façon de faire de notre entreprise. Nous n’avons pas inventé de nouvelles règles comptables, mais nous appliquons les règles de manières différentes et sommes très rigoureux, par exemple en ce qui a trait à la dépréciation et à l’application des coûts. Si cela fait en sorte d’inspirer les enseignants en comptabilité, tant mieux! », indique-t-il.
 
Et quand le contexte rend les choses difficiles, comme c’est le cas présentement dans toute l’industrie, le contrôle des coûts est la première chose dont on doit se préoccuper, estime le président de Transport Bernières. «Il est primordial aussi de bien comprendre l’importance du prix du carburant sur les frais d’exploitation, et de faire comprendre à nos clients l’importance de maintenir une surcharge sur le carburant qui compense exactement les dépenses réelles.»
 
Pour Daniel Bouchard, c’est là que réside le plus grand défi auquel les transporteurs doivent faire face présentement. Les entreprises qui passeront à travers seront celles qui auront su contrôler leurs frais d’exploitation et facturer le juste coût à leurs clients.
 
C’est à la fois aussi simple, et aussi complexe que cela. 

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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