Les Américains préparent la prochaine décennie énergétique

Si vous oeuvrez dans le camionnage depuis plus longtemps que Barack Obama n’occupe la présidence des États-Unis, vous saviez fort probablement que l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis n’avait pas dit son dernier mot sur les émissions polluantes des camions lourds le 1er janvier 2010.

Bien avant la mise en œuvre de la troisième et dernière étape de réduction des émissions polluantes de l’organisme, plusieurs rumeurs laissaient entendre que les législateurs s’affairaient déjà à une nouvelle série de règlements visant la réduction des émissions polluantes des moteurs de nouvelle génération.
Étant donné les préoccupations anticarbone qui habitent la plupart des gouvernements de nos jours, il était inévitable qu’une quelconque mesure de réduction des gaz à effet de serre allait surgir éventuellement.
Nouvelles normes d’efficacité énergétique
Le mois dernier, nous avons vu, du moins en partie, comment ces mesures toucheront l’industrie du camionnage, alors que l’administration Obama a annoncé les nouvelles normes d’efficacité énergétique qui s’appliqueront aux camions des classes 3 à 8.
Débutant avec les véhicules de l’année modèle 2014, le moteur et le camion devront afficher ensemble, d’ici 2018, des normes de réduction de dioxyde de carbone(CO2) et de consommation de carburant variant entre sept pour cent et 20 pour cent.
À première vue, la proposition présentée conjointement par l’EPA et la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) du Department of Transportation (DOT) américain laisse planer beaucoup de confusion quant à la description des véhicules, et les propos des dirigeants des deux organismes demeurent résolument nébuleux sur ce point. Ils font référence à tous ces véhicules de classes 3 à 8 comme étant «lourds» et ne font jamais de distinction entre les poids moyens, généralement établis comme étant des classes 5 à 7, et les camions des classes 3 et 4.
L’organisme propose pour véhicules spécialisés (vocationnels), que l’on trouve généralement dans la catégorie des poids moyens, que les normes de réduction combinées du moteur et du véhicule soient de dix pour cent d’ici l’arrivée des véhicules d’année modèle 2018.
Qu’en est-il maintenant des camions des classes 3 à 5 – curieusement qualifiés de véhicules «légers-lourds»? L’organisme propose des normes distinctes pour les camions à essence et au diesel. Celles-ci commenceraient avec les véhicules d’année modèle 2014 et viseraient une réduction de dix pour cent pour les véhicules à essence et de 15 pour cent pour les camions diesel d’ici 2018.
Les camions hors route et les remorques ne sont pas touchés. Du moins pour le moment.
Ray La Hood, secrétaire du DOT, a suggéré qu’au cours des cinq premières années du programme, ces mesures permettraient, au cours de la «durée de vie» de ces camions et autobus, d’économiser 500 millions de barils de pétrole et de réduire de 250 millions de tonnes métriques d’émissions de gaz à effet de serre.
Toutefois, nous n’avons pas trouvé la définition de «durée de vie» dans le volumineux document de 673 pages qui présente la proposition. On peut présumer que la perception de l’EPA quant à la durée de vie d’un camion ne correspond pas à celle des propriétaires de flotte qui gèrent en fonction d’un cycle de remplacement de quatre ans et d’un retour d’investissement de deux ans.
Les normes de performance concernent non seulement les moteurs, mais aussi le véhicule en entier. Le réputé programme SmartWay de l’EPA, avec son système de classement pour les pneus, les dispositifs aérodynamiques et autres, devrait servir de modèle pour établir les standards de gains énergétiques.
En outre, diverses stratégies de réduction de poids seront en jeu.
Points de vue de l’industrie
L’industrie s’entend en général pour dire que les technologies actuelles suffiront pour répondre, à tout le moins, aux premières étapes de la nouvelle réglementation et pour garder les coûts sous contrôle. Ensuite, de nouvelles technologies seront requises et les coûts qui y seront rattachés sont pour l’instant complètement inconnus.
Cette question a fait l’objet de discussions animées lorsqu’un groupe de fournisseurs l’ont abordée lors d’une conférence de l’American Trucking Associations (ATA) tenue en octobre dernier.
Avez-vous vous déjà entendu parler de la récupération de chaleur à l’échappement (exhaust waste heat recover, ou WHR)?
Selon trois dirigeants de l’industrie, cela arrivera bientôt parce que tous les fabricants américains envisagent cette solution pour répondre à la portion la plus exigeante de la proposition.
Les ingénieurs croient que l’approche qui consiste à capter la chaleur à l’échappement, puis à la convertir en énergie mécanique, devra faire partie de l’équation afin de satisfaire aux futures normes touchant les camions lourds.
Steve Charlton, directeur de la technologie chez Cummins, croit qu’en 2015-2016, l’accent sera particulièrement mis sur les technologies de réduction de la friction mais, par la suite, les fabricants d’origine devront probablement se tourner vers la récupération de la chaleur à l’échappement, ce qui pourrait avoir un effet sur le poids des camions.
La récupération de la chaleur à l’échappement est un concept simple qui fait appel à des principes fondamentaux, mais elle entraînera un «packaging complexe», prévient Tony Greszler, vice-président des relations avec le gouvernement et l’industrie chez Volvo Powertrain. Elle implique de nombreux échangeurs, explique-t-il, et plus lourde est la charge, mieux cette approche fonctionne. 
M. Greszler a critiqué Washington pour sa piètre compréhension des réalités du camionnage.
«Les principes économiques de Washington ne sont pas les mêmes que les nôtres», a-t-il dit à l’auditoire de l’ATA. «Historiquement, les [véritables] coûts ont été sous-estimés, et les avantages ont été surestimés.
Sans expliquer comment il en était arrivé à ces chiffres, Ron Medford, porte-parole de la NHTSA, a expliqué qu’un exploitant de camions qui investirait quelque 5 900$ à l’achat d’un camion conforme économiserait jusqu’à 74 000$ à la pompe au cours de la durée de vie du véhicule.
Est-il nécessaire d’ajouter que, dans le passé, Washington n’a pas particulièrement brillé quand est venu le temps de prévoir les coûts associés à des règlements comme celui-ci? 
Cependant, il faut préciser, à leur défense, que l’EPA et la NHTSA se sont dits conscients du danger des «conséquences imprévues» auxquelles on pourrait faire face en obligeant une grande variété de véhicules de travail à adhérer à ces normes.
Position – et propositions – du Canada
Pendant ce temps, de notre côté de la frontière, Ottawa a rapidement réagi aux imposantes normes américaines en publiant son propre cadre réglementaire.
La réglementation proposée, à l’instar de la proposition américaine, vise à réduire de 17 pour cent les gaz à effet de serre émis par les camions. Elle sera élaborée pour prépublication dans la Gazette du Canada au milieu de 2011. On vise une réglementation finale pour décembre 2011, ce qui correspond à la date prévue de mise en application aux États-Unis.
Environnement Canada reconnaît aussi le besoin de préciser, dans le projet de règlement, la quantité de gaz à effet de serre émise par unité de travail parmi des véhicules commerciaux de différentes tailles.
«En général, les véhicules avec une grande capacité de travail sont plus efficaces dans l’ensemble, mais, pris un par un, émettent plus que d’autres véhicules dépendamment du cycle de travail», a indiqué Environnement Canada dans un document de consultation. «Le projet de règlement veillerait à ce que ces véhicules ne soient pas pénalisés et que leurs acheteurs conservent la capacité de déterminer leurs caractéristiques et d’acheter les véhicules adéquats.»
Sous cet aspect, il est à souhaiter que l’EPA s’inspirera de son cousin canadien. Du moins pour un paragraphe.
 
 

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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