Bien que la réglementation du prix de l’essence fait réaliser de minces économies aux consommateurs, elle freine toutefois le développement de ce marché au Québec, révèle une recherche menée récemment par un groupe de chercheurs du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal. « En raison du cadre législatif trop rigoureux qu’on impose aux commerçants, les stations-services sont moins productives et moins rentables au Québec qu’ailleurs au pays », déclare Robert Clark, coauteur de l’étude et professeur agrégé à HEC Montréal. « Résultat : pour un prix légèrement inférieur, les consommateurs québécois obtiennent moins de services que les autres Canadiens. »
Rappelons qu’en 1997, le Québec a instauré une loi interdisant à tout détaillant de vendre son essence sous un certain seuil. Le gouvernement visait ainsi à protéger les petits commerçants face à la guerre des prix imposée par l’arrivée de grands joueurs à la fin des années 1990. Toutefois, loin d’aider le marché, cette mesure en a freiné la productivité, car elle a dissuadé les grandes sociétés pétrolières de venir s’implanter massivement au Québec.
« Ces grandes entreprises font face à des coûts fixes très élevés, car elles intègrent de nouvelles technologies visant à réduire leurs frais d’opération », explique Robert Clark. « Pour rentabiliser ces investissements, elles augmentent généralement leurs parts de marché en abaissant leurs prix. Or, en raison de la réglementation, elles ne peuvent pas miser sur cette stratégie au Québec. »
Pour les fins de cette étude, les chercheurs ont analysé, pour la période s’échelonnant entre 1991 et 2001, les performances économiques de 1 600 stations-services ayant pignon sur rue dans cinq villes québécoises et dans neuf villes canadiennes situées dans trois autres provinces où aucune réglementation n’a été imposée.
Alors que les autres provinces comptent un large éventail de grandes stations qui offrent de nouveaux services comme le paiement électronique, les lavages automatiques ou encore un dépanneur, le Québec, lui, reste dominé par une kyrielle de petits et moyens détaillants proposant des services très limités. À l’échelle provinciale, cette réalité est encore plus évidente en région.
De plus, l’analyse révèle qu’au Québec comme ailleurs, la satisfaction des consommateurs ne tient pas qu’aux prix : la qualité et la diversité des services offerts pèsent aussi dans la balance. Ainsi, dans des villes comme Chicoutimi, Drummondville, Sherbrooke ou encore Trois-Rivières, les avantages perçus quant au prix de l’essence ne suffisent pas à satisfaire les clients. Tout comme les résidents des grands centres, ces consommateurs aspirent à plus de services lorsqu’ils font le plein.
En fait, ce sont les résidents des villes les plus densément peuplées, comme Québec et Montréal, qui sont le moins pénalisés par le contrôle des prix. En plus de profiter d’un meilleur prix, ces consommateurs ont plus de chances de trouver des stations offrant des services plus diversifiés.
Les Québécois ne sont cependant pas complètement désavantagés. L’étude montre qu’ailleurs au Canada, la venue des grands joueurs a évincé du marché les détaillants moins productifs, réduisant de 30 % le nombre total de stations-services entre 1991 et 2001. Fortes de ces monopoles locaux, les grandes pétrolières ont ainsi pu imposer des prix d’environ 1,6 cent le litre (avant taxes) plus élevés qu’au Québec au cours de cette période.
« Ainsi, la levée du contrôle du prix de l’essence au Québec aurait indéniablement des répercussions dans le marché. Certains détaillants dont le service se limite à vendre du carburant auraient sûrement du mal à survivre. Toutefois, il y a fort à parier que les consommateurs y gagneraient davantage, comme dans tout marché non réglementé », conclut Robert Clark.
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