Chronique d’une pénurie anticipée

En novembre dernier, Transport Routier évoquait une pénurie imminente de fluide d’échappement diesel (Diesel exhaust fluid ou DEF en anglais), ce liquide versé dans les camions neufs depuis 2010 et permettant au système de réduction catalytique sélective de transformer les oxydes d’azote de l’échappement en azote et en vapeur d’eau.

«En Asie, particulièrement en Chine et en Corée du Sud, une pénurie de DEF se pointe. Pour en connaître les raisons, il faut d’abord savoir que l’urée nécessite de l’ammoniac, et que la production d’ammoniac nécessite du méthane. Or, le prix de ce gaz a considérablement augmenté au cours des dernières semaines», écrivait Steve Bouchard, rédacteur en chef de Transport Routier, dans son bulletin électronique.

(photo : Navistar)

«L’urée est aussi utilisée pour la fabrication d’engrais. La Chine a resserré ses exportations d’engrais, lorsque le prix des engrais a commencé à grimper en flèche et à affecter la production alimentaire. Le gouvernement chinois a aussi invoqué une récente flambée du prix du charbon pour justifier le resserrement des exportations d’urée.»

Les conséquences se faisaient déjà sentir en Asie et en Europe, alors que des gouvernements des deux continents ont commencé à sécuriser des centaines de milliers de litres de DEF.

Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec (ACQ), était bien au fait de la situation. Il nous a confié avoir travaillé sur ce dossier depuis plusieurs semaines et avoir eu des discussions avec différents ministères car il appréhendait la pénurie. «Lors des dernières livraisons au port de Valleyfield, les litrages prévus en provenance d’Europe étaient moindres que les quantités prévues», avait-il déclaré.   

Contacté plus tôt cette semaine, M. Cadieux affirme avec prudence qu’il s’agissait d’une pénurie anticipée – et qu’elle a été résorbée. «Le dernier bateau est arrivé lundi d’Europe avec les quantités annoncées», a-t-il précisé. «Et le prochain bateau devrait contenir des quantités suffisantes pour passer l’hiver.»

Différentes autorités gouvernementales ont suivi le dossier de près avec l’ACQ, et M. Cadieux assure que tous les gestes de monitorage et d’influence nécessaires ont été posés. Des cargaisons de DEF ont d’ailleurs été acheminées de la Saskatchewan jusqu’au Québec, ce qui a contribué à l’importante augmentation des prix constatée dans l’industrie.

En effet, bien que les différents fournisseurs à qui nous avons parlé disent ne pas avoir été directement touchés par la pénurie redoutée, ils ont tous été contraints d’ajuster leurs prix à la hausse.

«De notre côté, nous n’en avons pas manqué», de dire Sébastien Lemieux, vice-président Ventes et opération chez Macpek. «Mais nous avons vécu une méchante augmentation [de prix] que les clients ont dû assumer.»

Même son de cloche chez UAP, où les prix du précieux liquide ont également augmenté. «On essaye de protéger les prix mais le coutant a changé extrêmement rapidement», explique Marc-Philippe Beaudoin, vice-président de la gestion de produits. «On ne sait pas combien de temps ça va durer mais on prévoit que ça va rester un produit hautement volatile pour au moins les trois premiers mois de l’année prochaine.»

Il n’y a pas plus de camions sur la route, certes. Mais les ventes de DEF ont augmenté car plusieurs entreprises, craignant la pénurie, ont fait des provisions. Cela a contribué à l’effet de rareté et les prix ont augmenté davantage.

Afin de limiter les répercussions de cette rareté, UAP s’est permis de restreindre la quantité de fluide que les clients peuvent acheter «pour essayer de faire en sorte que personne n’en manque», de dire M. Beaudoin. «Si un client a l’habitude d’acheter 1000 unités par année et qu’il passe une commande de 1000 unités d’un seul coup, par exemple, un représentant de l’entreprise va le contacter pour en discuter.»

La pénurie de DEF est donc en train de se résorber avant même d’avoir atteint un point critique. Mais l’équilibre entre l’offre et la demande demeure fragile. «Pour l’instant, la situation n’est pas préoccupante mais elle est suivie de près», de conclure M. Cadieux. «Malgré les problèmes de production, la COVID et la situation géopolitique, le message en est un rassurant.»  

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