Comment les assureurs réagiront-ils aux camions autonomes ?

Des camions hautement autonomes commencent à se déployer sur certains corridors de transport américains, mais les progrès technologiques posent un nouveau défi aux assureurs. Comment adapter les polices d’assurance pour couvrir les situations dans lesquelles l’expérience de la conduite humaine et la prise de décision ne sont pas les seuls facteurs à prendre en compte si les choses tournent mal?

Lisa Arseneau, productrice commerciale chez Staebler Insurance, doute que les véhicules entièrement autonomes soient monnaie courante dans un futur rapproché. Mais elle croit que les polices d’assurance devront changer de manière importante à mesure que leur nombre augmentera. Les capteurs et les technologies connexes, conçus pour réduire la fréquence et la gravité des accidents, coûteront également plus cher à réparer dans les cas où ils seront endommagés, ce qui entraînera des demandes d’indemnisation plus importantes.

Pour l’instant, même les camions les plus automatisés nécessitent encore la présence de chauffeurs de sûreté aux commandes. Elle se demande même comment les assureurs canadiens évalueront les risques et les assureront avec la touche humaine supplémentaire.

Selon elle, il y aura finalement deux types d’assurances pour les véhicules autonomes : une pour la technologie autonome et une autre pour les conducteurs traditionnels. En cas d’accident, ces deux types d’assurance devront se «marier» pour déterminer les responsabilités et traiter les demandes d’indemnisation.

(Photo : Plus)

De nouveaux niveaux d’exposition pour l’assurance

Le concept traditionnel de l’assurance automobile est «bien ordonné», mais les multiples capteurs et logiciels qui prennent charge d’au moins une partie des responsabilités de conduite ajoutent de nouvelles couches aux différents types d’expositions, déclare Steve Miller, directeur associé et responsable de l’innovation à l’Insurance Office of America (IOA).

Les assureurs s’appuient généralement sur les données historiques des sinistres pour prévoir les pertes futures et fixer les primes appropriées, ajoute-t-il. «Ils se retrouvent dans une situation où ils doivent être à la fine pointe de la technologie parce qu’elle aura un impact sur eux à l’avenir, mais aussi où ils ne savent pas vraiment comment l’évaluer ou comment la plupart des scénarios vont se dérouler.»

Il explique que le camionnage autonome comprend plusieurs niveaux de responsabilité, dont les gestionnaires de flotte, les développeurs de logiciels et les fabricants d’équipement d’origine. Si un accident survient parce qu’une manœuvre du camion a été mal exécutée, l’entreprise de camionnage est exposée à la responsabilité civile automobile. Si le problème est dû à une erreur dans le code du logiciel, son développeur est exposé à la responsabilité. Quant au fabricant du véhicule, il s’expose à un risque lié à un équipement défectueux ou défaillant.

«En réalité, c’est toujours l’assurance automobile qui paiera en premier et qui se substituera à l’assureur par d’autres moyens», indique M. Miller.

«La manière dont le secteur de l’assurance pourrait développer de nouveaux produits pour aborder l’autonomie en tant que technologie n’est pas claire, mais la manière dont nous fonctionnons aujourd’hui l’est tout à fait, alors que avons un fabricant de véhicules et des fournisseurs et développeurs de niveau 1, 2, 3 et autres.»

Une place pour l’assurance «globale» ?

Selon M. Miller, l’une des discussions en cours aux États-Unis concerne l’assurance «globale» pour les véhicules, à l’instar des programmes d’assurance contrôlés par le propriétaire (OCIP) qui sont courants dans le secteur de la construction. Ces polices d’assurance pour les bâtiments incluent les contributions de toutes les personnes impliquées dans un projet. Il s’agit d’une approche simplifiée qui couvre tout le monde par le biais d’une offre globale et réduit les frais juridiques.

Mais il y aura des limites à cette manière de fonctionner dans le secteur du camionnage, car il y a des milliers de pièces dans un camion donné, et l’assurance est conçue pour répartir les risques.

«Il n’y aura donc pas d’assureur qui voudra s’occuper de savoir si les boutons de commande des vitres sont défectueux ou non», explique-t-il. «Cela doit être limité.»

Bien que les technologies autonomes soulèvent de nouvelles questions, on espère qu’elles contribueront à réduire la fréquence et la gravité des accidents. Les assureurs, qui perdent de l’argent en raison de l’augmentation du coût des sinistres, s’en réjouiraient.

«Je pense en fait que vous pourriez vous retrouver avec des prix échelonnés pour les véhicules intelligents par rapport aux soi-disant véhicules «stupides», faute d’une meilleure terminologie. Et leur prix unitaire actuel pourrait être un peu différent en termes d’assurance automobile», déclare Amisha Vadalia, vice-présidente des opérations chez Plus, un développeur de camions autonomes californien.

Les capteurs peuvent aider à déterminer la responsabilité

Les données recueillies par les capteurs à 360 degrés et les équipements télématiques seront utiles pour déterminer qui est responsable d’une collision ou d’un dysfonctionnement, ce qui permettra d’établir plus rapidement la responsabilité, affirme Amisha Vadalia. L’équipement Plus, par exemple, tire des informations de caméras, de radars, de lidars, de GPS et de capteurs d’unité de mesure inertielle (IMU).

Quant à ceux qui s’inquiètent d’une défaillance de la technologie lorsqu’un camion autonome est sur la route, Mme Vadalia rappelle la présence des équipements à sécurité intégrée et des systèmes redondants mis en place par Plus. Si une technologie tombe en panne sur ses camions, les véhicules peuvent toujours faire des choses comme se ranger sur le côté de la route ou s’arrêter complètement, dit-elle.

Si assurer des véhicules hautement autonomes peut s’avérer délicate, M. Miller estime que c’est tout de même faisable et elle encourage les transporteurs à voir le bon côté des choses. Il souligne que malgré les imperfections potentielles, l’objectif est d’améliorer la sécurité et de réduire la gravité et la fréquence des accidents sur la route.

Il cite le philosophe français Voltaire : «Ne faisons pas du parfait l’ennemi du mieux.»

Il y a environ 30 000 à 40 000 accidents mortels de la circulation aux États-Unis chaque année.

Imparfait, mais mieux

«Je dirais qu’il faut abandonner l’idée que les véhicules autonomes seront parfaits. Ils ne le seront pas, et il ne pourra pas avoir un risque zéro de blessure ou de décès… C’est une solution imparfaite, mais c’est beaucoup mieux que ce avec quoi nous travaillons aujourd’hui.»

D’ici là, M. Miller estime que les flottes doivent prendre le temps de comprendre l’évolution de la technologie et de trouver des experts en assurance qui les aideront à mieux comprendre la dynamique des choses.

Mme Vadalia estime elle aussi qu’un courtier bien informé peut aider à répondre à des questions sur des paramètres tels que les procédures de tests, l’exposition, le partage des risques, la responsabilité et toute clause d’indemnisation figurant dans les contrats.

M. Miller ajoute : «S’adresser à son courtier qui souscrit des assurances pour le camionnage depuis 20 ans n’est pas nécessairement le meilleur point d’accès.»

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