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Les entreprises canadiennes jouent un rôle de premier plan dans la course aux camions électriques.

Les discussions sur les camions électriques se concentrent traditionnellement sur la Californie ou la Chine pour une bonne raison. Il s’agit de deux des marchés les plus dynamiques au monde pour ce type de véhicules. Mais regardez bien et vous verrez qu’une partie du matériel émergent affiche une couleur indéniablement canadienne.


Dana TM4 – autrefois une division d’Hydro Québec – développe des composants comme des moteurs électriques. L’entreprise Ballard, en Colombie-Britannique, reste un leader mondial dans le domaine des piles à hydrogène. General Motors se prépare à produire les fourgonnettes de livraison électriques Bright Drop dans son usine d’assemblage CAMI, dans le sud-ouest de l’Ontario. Le fabricant québécois Lion Électrique accélère la production de ses camions électriques et fabriquera des batteries dans une nouvelle usine à Mirabel.


Des moteurs Sumo prêts à être expédiés. (Photo: Dana TM4)

Sylvain Castonguay, qui est en charge de l’intégration des véhicules électriques chez Dana, croit que l’expérience du Québec en matière d’énergie hydroélectrique a favorisé l’évolution de ce type de travaux ici. «Le réseau de notre côté est composé à près de 98 % d’hydroélectricité», explique-t-il. «Passer à l’électrique, c’est passer au renouvelable.»

Dès les années 1990, l’Université Laval s’est imposée comme un leader dans le développement de moteurs d’entraînement, ce qui a donné naissance aux moteurs-roues produits par TM4, poursuit-il. Et Hydro Québec, qui comptait autrefois TM4 comme une division interne, conserve une participation de
45 % dans l’entreprise qui fait maintenant partie de la famille Dana.

Dana TM4 dispose également d’un centre technique à Oakville, en Ontario, qui conçoit des produits tels que des joints de blocs de batteries pour un groupe mondial de technologies énergétiques. Un autre site ontarien, situé à proximité de Cambridge, participe à des projets comme le refroidissement de l’électronique de puissance.

Applications plus lourdes

Mais les entreprises canadiennes qui ont les yeux braqués sur les camions électriques n’ont pas toujours eu des ambitions pour les poids lourds. La vocation première de Lion Électrique était le transport scolaire.

Marc Bédard, fondateur de Lion, explique que l’électrification des autobus scolaires était une idée radicale en 2010, mais que de tels autobus ont commencé à sortir des chaînes de montage en 2016. Les autonomies typiques correspondaient également aux densités d’énergie des batteries de l’époque. Cependant, alors que l’autonomie s’améliorait, Lion a vu des applications potentielles dans le domaine du camionnage.


«Si vous regardez ce qu’il y a en dessous des autobus scolaires, vous verrez qu’il s’agit d’un châssis de camion de classe 7», explique M. Bédard. «Lorsque nous avons commencé à faire ça en 2010, je me demandais vraiment si l’électrique serait accepté», poursuit M. Bédard. Après tout, les premiers autobus n’avaient qu’une autonomie maximale de 200 km avec une recharge, mais cette autonomie a doublé depuis. Et une autonomie de 400 km entre deux recharges représente une énorme part du marché des camions.

Ballard, pour sa part, a commencé à s’intéresser aux batteries au lithium lors de sa création en 1979. L’entreprise a changé d’orientation en 1982 lorsque le gouvernements américain et le gouvernement fédéral ont lancé une demande de proposition sur des piles à membrane échangeuse de protons pour servir l’industrie aérospatiale.

GM fabriquera le BrightDrop en Ontario. (Photo: GM)


«À l’époque, les gens de Ballard étaient des électro-chimistes», explique Nicolas Pocard, vice-président chargé du marketing et des partenariats stratégiques. «Ils ont fait beaucoup de progrès. Ils ont été capables de produire plus d’énergie à partir d’une pile à combustible que quiconque auparavant.» Au fil du temps, cela a donné lieu aux systèmes d’alimentation des autobus et des camions.

Bien que les entreprises de fabrication d’équipement soient mondiales, le Canada continue de servir de base à de nombreuses activités liées à l’ingénierie. Dana TM4 concentre le travail de conception et de validation à Boucherville, même si la production se fait en Chine et en Inde. Et bien que la plupart des camions de Lion Électrique seront assemblés dans une future usine de 900 000 pieds carrés à Joliett, dans l’Illinois, c’est une usine québécoise qui fabriquera les camions et les autobus destinés aux marchés canadiens.


«Vous devez être local partout où vous vendez», de dire M. Bédard. Ce n’est pas la seule raison pour laquelle Lion Électrique a décidé d’établir une usine de batteries à Mirabel. Le contrôle du facteur de forme d’un bloc de batteries joue un rôle essentiel dans le nombre de kilowattheures disponibles sur un camion, poursuit-il, expliquant pourquoi il ne voulait pas qu’une tierce partie gère cet aspect. De plus, une installation nationale contribuera à protéger l’entreprise contre toute future perturbation de la chaîne d’approvisionnement.


Marchés nationaux


Un marché national pour les camions électriques à pile à combustible pourrait également être sur le point d’émerger. «Depuis un an, nous commençons à voir un changement au Canada. Le gouvernement fédéral a annoncé sa Stratégie pour l’hydrogène en décembre 2020 et nous commençons maintenant à voir des projets», explique M. Pocard. L’un de ces projets est la démonstration AZETEC de l’Alberta qui permettra de tester un duo de camions électriques à pile à combustible en configuration grand train routier entre Edmonton et Calgary. (Ces mêmes camions feront également appel à des moteurs et onduleurs TM4 Sumo HP). Un autre projet est en cours dans les Basses-terres continentales, en Colombie-Britannique, ajoute-t-il.


Mais il reste du travail à faire avant que ces véhicules ne fassent partie d’une offre nationale courante. N’importe qui peut faire la démonstration d’un véhicule à un million de dollars, de dire Sylvain Castonguay. L’objectif est d’établir les volumes de production qui permettront de combler l’écart de prix entre les camions électriques à pile à combustible ou à batterie et leurs concurrents au diesel.


Il y a trois ou quatre ans, les batteries coutaient si cher que les véhicules électriques commerciaux n’étaient pas une option viable, explique-t-il. «Cette baisse de prix a vraiment contribué à amener une solution potentielle à un niveau commercial.»


De précieux incitatifs


C’est donc aux incitatifs financiers qu’il revient de combler les écarts. Montréal et la région de Cascadia, au sud de la Colombie-Britannique, ont été identifiées par le North American Council for Freight Efficiency (NACFE) comme deux des marchés les plus accueillants du continent pour les véhicules électriques. Le Québec et la Colombie-Britannique offrent tous deux des incitatifs financiers aux acheteurs.


«Il y aura des retours d’investissement sans subventions, éventuellement», ajoute M. Castonguay. Mais présentement,
les camions électriques à batterie émergeants affichent encore un prix d’achat élevé et certaines flottes ne sont pas prêtes à les envisager. Elles sont peut-être prêtes à accepter les prix pour une poignée de véhicules d’essai, mais pas pour les volumes nécessaires à la mise à niveau d’une flotte entière.

L’usine de Mirabel pourrait protéger Lion contre les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, dit Marc Bédard. (Photo: Lion)


Et il semble y avoir un lien entre les incitatifs disponibles et l’activité manufacturière, également. Le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois, par exemple, investissent près de 100 millions de dollars dans l’usine de batteries de Lion Électrique, d’un coût de 185 millions de dollars, et dont la capacité sera suffisante pour électrifier environ 14 000 véhicules de poids moyen et lourd par année. Mais BYD, un fabricant chinois, a discrètement abandonné ses projets d’assemblage de camions en Ontario après que le gouvernement provincial ait mis fin aux subventions pour les véhicules électriques.


«Si une province commence quelque chose, il faut que ça reste», de conclure M. Castonguay. «Il devient vraiment difficile pour une industrie ou un exploitant de commencer à avancer avec une méthode aussi incertaine en matière de subventions, et cela a des répercussions sur votre flotte.»

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