Femmes et camionnage : unique en son genre

Très peu de femmes choisissent la mécanique de véhicules lourds comme métier. Rencontre avec une jeune femme pour qui le bonheur est dans l’atelier.

Naharah Icuté est habituée d’évoluer dans des équipes d’hommes, qu’elles soient scolaires, sportives ou de travail. Et elle s’en accommode parfaitement. Elle a choisi la mécanique de véhicules lourds comme métier.

Depuis un an et demi, elle est mécanicienne chez le concessionnaire de camions lourds  Globocam Anjou.

Quand Naharah, 27 ans, a fait son cours de mécanique, elle était la seule fille dans sa classe. Sur une centaine d’étudiants dans toute l’école, elle évalue qu’on y comptait quatre ou cinq filles tout au plus.

«J’ai toujours aimé la mécanique», dit-elle de son ton enjoué. «J’ai voulu faire une carrière militaire mais j’ai réalisé après un an que ce n’était pas ce que je voulais faire. J’ai fait une journée Élève d’un jour à l’école des pompiers, mais il fallait un secondaire 5, j’étais en secondaire 4 aux adultes, et déjà, l’école, je n’aimais pas beaucoup ça.»

Un oncle qui est mécanicien de véhicules lourds lui a proposé de s’informer sur le DEP en mécanique lourde.

«J’aime la mécanique des véhicules légers, mais j’ai voulu faire un pas de plus, alors j’ai tenté ma chance et je me suis inscrite au DEP en véhicules lourds routiers à l’École des métiers de l’équipement motorisé de Montréal.»

Naharah Icuté, mécanicienne de véhicules lourds. (Photo : Steve Bouchard)

Naharah a commencé la formation une semaine après les autres. «Lorsque le directeur m’a présentée, j’ai vu qu’il n’y avait que des hommes», se rappelle-t-elle.

Cela ne l’a pas le moindrement déstabilisée. Cette grande sportive a notamment été lanceuse au baseball dans une équipe masculine. «J’ai essayé avec une équipe féminine, mais je n’aimais pas le type d’esprit de compétition qui se dégageait chez les filles», explique Naharah. «ll y a plus d’entraide chez les gars. C’est la même chose ici, dans l’atelier. Les gars vont toujours être là pour t’aider.»

«J’ai fait mes deux ans et demi de formation, et j’ai adoré», poursuit-elle.

Ses notes à l’école de mécanique n’avaient rien de comparable avec celles qu’elle obtenait au secondaire.

«Même moi quand j’ai vu ma première note, j’ai fait oh! Est-ce que j’ai vraiment eu 85 %?», lâche-t-elle. «Je n’avais jamais plus que 50 %, ou 60 % parfois, au secondaire. Quand je suis arrivée à l’école de mécanique, j’ai vu que je pouvais avoir des notes de 85 ou 90 %».

Elle a eu sa meilleure note, 95 %, dans son cours de culasse, et obtenu 90 % pour reconstruction de tête de moteur.

Naharah a fait un premier stage chez Ryder à Anjou, et son deuxième chez Globocam Anjou. Elle y travaille à temps plein, sur le quart de soir, depuis le 13 mai 2019.

«Quand je dis que je suis mécanicienne, on pense toujours que c’est dans l’automobile. Il y a toujours de l’étonnement quand je dis que je suis dans les véhicules lourds.»

Son père, camionneur depuis une dizaine d’années, est très fier que sa fille travaille comme mécanicienne de véhicules lourds.

«Quand j’ai été engagée, les gars de soir ne savaient pas que c’était une femme qui s’ajoutait à l’équipe», explique-t-elle. Et l’histoire de la rentrée à l’école de mécanique se répéta! «Je me suis dit « Ah ok! Juste des hommes! Pas de problème! » Je le savais, j’avais déjà eu l’expérience à l’école.»

Ses nouveaux collègues ont été surpris, il va sans dire.

«À ma première journée de travail, je ressentais que certains pouvaient avoir des petits doutes sur mes capacités, mais ils se sont vite estompés.»

Ce que Naharah aime le plus dans son travail, ce sont les défis physiques que pose le monde du véhicule lourd. «À ma dernière tâche, j’ai fait les quatre essieux arrière, changé les <it>pads</it> de frein, levé le camion, enlevé les huit roues. C’est pas facile, c’est lourd. J’ai toujours aimé les tâches exigeantes, je n’ai pas peur de me salir.»

Elle aimerait éventuellement remonter des moteurs et des transmissions. «J’en ai fait avec un gars du quart de jour. J’adore faire ce type de travail. Les femmes, on a un côté minutieux.»

Pourquoi il n’y a pas plus de femmes qui choisissent de devenir mécaniciennes de véhicules lourds?

«Je dirais que c’est la peur. Au début, j’avais vraiment peur qu’on me juge. Qu’on pense que je ne serais pas capable de faire du véhicule lourd. On croit qu’une femme ne pourra pas accomplir certaines tâches.»

Son message aux femmes : foncez! «Il y a encore des préjugés malheureusement mais, excusez-moi, parfois, on fait mieux la job que les hommes!», de conclure Naharah, avec un grand sourire confiant.

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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