Formation de nouveaux chauffeurs : comment le CFTR a géré la grève des enseignants

Bon an mal an, le Centre de formation du transport routier (CFTR) de Saint-Jérôme forme environ 1000 étudiants, dont 90 % sont du programme Transport par camion qui viennent combler des postes vacants chez nos entreprises de camionnage une fois leur diplôme en poche.

La récente grève des enseignants n’a pas épargné l’établissement, dont les futurs camionneurs ont été privés de huit jours de classe, en deux épisodes de trois et cinq jours.

Gros plan d’une élève du CFTR en classe, élève garçon en arrière-plan.
(Photo : CFTR)

Il faut savoir que les professeurs du CFTR sont syndiqués auprès de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), membre du Front commun.

La situation a été différente au Centre de formation en transport de Charlesbourg (CFTC) dont les enseignants sont affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui a déclaré une grève générale qui a retranché 22 jours à la formation des futurs chauffeurs qui y étudient. On reviendra au cas précis du CFTC à la fin de ce texte.

Gestion de la grève au CFTR

Question de mettre en perspective ce que représentent huit jours d’interruption des classes pour les apprentis chauffeurs, rappelons que le parcours typique d’un étudiant du CFTR entre son entrée et sa diplomation est de 615 heures, soit cinq mois, à raison de 30 heures par semaine.

Le premier épisode de grève a duré trois jours, à la fin du mois de novembre, souligne Patrick Blanchette, directeur du CFTR. « Il n’y avait aucun plan de rattrapage, donc on a fait le nécessaire de manière à ce que les élèves aient accès à l’ensemble de leur formation et non pas qu’ils vivent un impact », dit-il en entrevue à Transport Routier au sujet de ces trois premiers jours.

Certains étaient en stage chez des entreprises de camionnage et ont donc pu continuer leur apprentissage malgré la grève. Pour les autres, des professeurs supplémentaires ont été appelés en renfort lors du retour en classe du 25 novembre, entre deux épisodes de grève.

C’est donc que, tout mobilisés qu’ils soient, les enseignants du CFTR n’ont pas hésité à s’impliquer dans la réussite des élèves une fois les piquets de grève rangés une première fois. Une bonne foi que salue le directeur de l’établissement.

Groupe de syndiqués de la FSE sur un piquet de grève.
Parfois démonstratifs sur les lignes de piquetage, les syndiqués du Front commun ont néanmoins collaboré avec le CFTR pour minimiser les impacts du conflit de travail sur les futurs routiers. (Photo : FSE)

« Dans l’ensemble de la période de négociations, la relation a toujours été correcte dans notre organisation », dit M. Blanchette, soulignant qu’aucune action n’a été menée à l’encontre de la structure administrative.

Après le deuxième épisode de grève de cinq jours du Front commun, le CFTR et ses neuf établissements satellites ont simplement décidé de repousser la date de fin du calendrier scolaire de la même durée.

Les étudiants seront donc disponibles pour leurs futurs employeurs cinq jours plus tard que prévu, mais ils n’auront pas eu à faire de rattrapage le week-end ou à renoncer à la relâche scolaire. « Chaque groupe d’élèves a reçu un soutien nécessaire selon où il était rendu dans le parcours », se réjouit M. Blanchette.

Il a été question des établissements « satellites » parce qu’il convient de rappeler qu’en plus du quartier général de Saint-Janvier (Mirabel), le CFTR compte neuf autres centres établis sur un vaste territoire, dans des villes comme LaSarre en Abitibi, Joliette, Cowansville, Saint-Jean-sur-Richelieu ou Gatineau à l’extrême ouest. Il a ainsi fallu tenir compte des différentes réalités régionales dans la stratégie de gestion de grève.

Des élèves motivés

Les entreprises de camionnage peuvent être rassurées : les chauffeurs en devenir sont extrêmement motivés et aiment ce qu’ils font.

Des visites sur les réseaux sociaux qu’ils fréquentent ont montré qu’ils suivaient de près l’état des négociations pendant la grève et, dans les commentaires qu’ils formulaient, disaient clairement à quel point ils avaient hâte de revenir en classe.

Ça ne surprend pas le directeur du CFTR.

« Les élèves, il faut se rappeler que quand ils font le choix de venir avec nous, ils ont une visée de carrière et la grève venait éloigner de quelques jours leur atteinte d’objectif. Ça retardait leur sortie en milieu de travail », indique M. Blanchette.

« Les élèves pour la plupart, ils viennent à l’école en travaillant de soir en même temps, en trouvant un équilibre parce qu’ils doivent vivre entre les deux. C’est quand même un impact important pour eux de revenir aux études. C’est un peu l’approche vers l’atteinte de leur objectif de carrière », ajoute-t-il.

Groupe d’élèves du CFTR dans une salle de repos.
(Photo : CFTR)

Quant aux transporteurs, M. Blanchette est fier de la confiance dont ils ont fait preuve à l’endroit de l’institution qu’il représente, sans montrer de signes de panique.

« Ils [les transporteurs] veulent des gens formés, complets »

« On a quand même une grande notoriété auprès des entreprises, qui nous donnent une grande confiance dans l’action. Eux, leur souhait, c’est que lorsqu’on va leur confier les élèves, ils soient au niveau de ce qu’on produit habituellement. Ils veulent des gens formés, complets », analyse le gestionnaire scolaire.

Lorsque la grève a pris fin, l’ambiance de travail était apparemment au beau fixe pour les enseignants et la direction du CFTR.

« Il y a une certaine fébrilité en ce moment », notait cependant M. Blanchette le 24 janvier, jour de l’entrevue. C’est que les enseignants devaient voter dans la semaine à venir à savoir s’ils acceptent ou non l’entente de principe.

« Ce n’est pas fini encore tant que l’entente de principe n’est pas reconnue formellement », rappelle le directeur du CFTR.

Les observateurs s’entendent cependant pour dire que les syndiqués du Front commun sont plutôt enclins à entériner ces ententes et que, même dans le cas d’un improbable refus, cela ne signifierait pas nécessairement un retour à la grève comme moyen de pression.

Pendant ce temps à Québec…

Contrairement à ceux du CFTR, les futurs routiers du CFTC ont perdu 22 jours de classe au cours de la grève qui s’est terminée le 28 décembre.

Ils sont donc de retour en classe mais leur situation demeure floue.

En effet, vendredi dernier le 26 janvier, les membres du Syndicat des enseignants de la région de Québec (SERQ) qui représente les enseignants du CFTC au sein de la FAE ont voté à 60 % contre l’entente de principe, titrant sur son site Web que le « gouvernement n’a pas fait ses devoirs ».

« Les membres du SERQ ont été fortement mobilisés et le resteront. Les enseignants sont aux premières loges et connaissent mieux que quiconque le milieu et peuvent faire avancer la situation pourvu que le gouvernement fasse ses devoirs », écrit le syndicat.

Les jeux ne sont pas faits pour autant parce que, pour qu’une décision finale soit prise par la FAE, une double majorité est requise.

D’abord une majorité des neuf entités syndicales qui composent la FAE. Au moment d’écrire ces lignes, huit se sont prononcées, quatre pour et quatre contre. C’est le Syndicat des enseignants de la Haute-Yamaska qui fera pencher la balance au cours des prochains jours.

Il faut également qu’une majorité des membres qui composent ces syndicats prennent la même position.

C’est le 7 février que la FAE annoncera officiellement si elle accepte ou non l’accord de principe conclu avec le gouvernement.

Toutefois, là aussi un vote négatif ne signifierait pas nécessairement un retour aux lignes de piquetage.

Les enseignants du CFTC, comme les autres membres de la FAE, n’ont pas de fonds de grève et ont déjà perdu 22 jours de salaire. Un retour en grève signifierait pour eux des pertes financières additionnelles.

Lorsque la situation sera clarifiée, la direction du CFTC devrait présenter son plan de rattrapage pour les camionneurs en devenir qui y reçoivent leur formation.

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