Formation obligatoire des nouveaux chauffeurs : le dossier progresse

Savoir conduire adéquatement un camion de classe 8 peut mener à l’obtention d’un permis de conduire commercial.

Sauf que l’interprétation du mot « adéquatement » diffère selon la province émettrice et d’un centre de formation – privé ou public – à l’autre, même au sein d’une même province.

Étudiant du CFTR au volant d’un poids lourd
(Photo : CFTR)

Cela fait en sorte que les entreprises de camionnage doivent recruter des chauffeurs à même des bassins de diplômés dont les niveaux de connaissances et de compétences sont extrêmement variables et investir énormément en formation à l’interne pour transformer des détenteurs de permis en véritables camionneurs.

C’est ce que cherche à corriger l’initiative visant à instaurer, à travers le Canada, une formation obligatoire minimale pour tous les candidats aspirant à décrocher leur permis de classe 1.

Cette formation doit répondre aux critères de la norme 16 du Code canadien de sécurité, telle que détaillée par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM).

La SAAQ, qui est responsable de la mise en place au Québec de cette formation obligatoire, indique à Transport Routier que le dossier progresse.

« Il est prévu que la majorité des administrations canadiennes exige une formation obligatoire d’ici 2025 », nous dit la porte-parole Geneviève Côté au sujet de l’échéancier.

« En ce qui concerne le Québec, des modifications législatives sont nécessaires pour permettre dans un deuxième temps des modifications règlementaires afin d’apporter les ajustements nécessaires aux conditions d’accès pour la classe 1 », précise-t-elle.

« Le projet de loi vise à modifier le Code de la sécurité routière »

Il faut en effet modifier le Code de la sécurité routière ainsi que le Règlement sur les permis. Le dépôt par Geneviève Guilbault il y a quelques jours du projet de loi 48, prévoit les modifications législatives requises.

« Le projet de loi vise à modifier le Code de la sécurité routière afin, notamment, d’accorder au gouvernement les pouvoirs de prescrire par règlement l’obligation de réussir une formation obligatoire pour l’obtention d’un permis pour conduire un véhicule commercial », peut-on lire dans le communiqué émis par le Cabinet de la ministre.

Ces nouveaux règlements ne sont cependant pas édictés puisque la loi n’est pas encore adoptée. Mais des précisions sont à venir, assure la SAAQ.

« L’ensemble des modalités seront déterminées à la suite de l’adoption du projet de loi et de l’édiction du règlement », ajoute Mme Côté.

À l’Association du camionnage du Québec (ACQ), le directeur des dossiers techniques et opérationnels, Yves Maurais, dit souhaiter l’adoption du règlement pour le 1er janvier 2025.

CFTR et CFTC exemptés? L’exemple de Terre-Neuve

Le Québec a ceci de particulier qu’il est la seule province à offrir un diplôme d’études professionnelles (DEP) financé par le gouvernement aux chauffeurs de camions en devenir. Ces programmes sont offerts par le Centre de formation du transport routier (CFTR) de St-Jérôme et le Centre de formation en transport de Charlesbourg (CFTC).

Groupe de jeunes et un prof à côté d’une remorque du CFTR
Les centres de formation publics enseignent déjà des contenus très complets. (Photo : CFTR)

Les programmes y sont généralement plus complets que ce qui est offert dans les centres de formation privés, ce qui amène la question de savoir si les étudiants de ces centres publics seront exemptés d’une formation spécifique à la norme 16 puisqu’ils en maîtrisent déjà le contenu.

Là-dessus, la SAAQ demeure vague et ne semble pas avoir encore tranché la question.

« La formation menant au diplôme d’étude professionnelle “Transport par camion”du ministère de l’Éducation (formation DEP) est très complète et comporte de nombreux atouts en faveur de sa reconnaissance », nous dit-on dans un échange de courriels.

« Les organismes qui voudront être reconnus pour offrir le PESR CL-1 devront répondre aux critères d’admissibilité établis par la Société et s’engager au maintien du standard de reconnaissance en faveur de la qualité et l’uniformité de la formation offerte.  La Société assurera les activités de suivi et de contrôle de la qualité de la formation offerte par ces prestataires de formation », ajoute la SAAQ.

Une solution mitoyenne pourrait provenir de Terre-Neuve-et-Labrador.

Là-bas, les autorités provinciales ont évalué que le curriculum du Canadian Training Institute, de Bay Roberts, est conforme à toutes les exigences de la norme 16 du Code canadien de sécurité, nous apprend notre collègue Leo Barros de Trucknews.com.

Malgré cette reconnaissance, l’établissement d’enseignement a décidé d’ajouter une formation condensée spécifique à la norme 16 à ses étudiants. Exemple à suivre pour le CFTR et le CFTC?

Peu importe qui la prodiguera, école publique ou privée, la SAAQ prévoit pour le moment que cette formation obligatoire comprendra 85 heures de cours théoriques et 50 heures de cours pratiques.

L’ACQ appuie l’initiative

Afin d’élaborer la version finale de cette formation, la SAAQ a formé un groupe de travail où siègent des transporteurs, des centres de formation publics et privés ainsi que des associations liées au camionnage. Le groupe s’est rencontré le 30 novembre dernier.

Chose certaine, l’Association du camionnage du Québec (ACQ) appuie l’harmonisation à l’échelle du pays des connaissances et compétences acquises par les futurs camionneurs.

« S’assurer qu’il y ait une formation minimale pour devenir chauffeur »

En entrevue, le PDG de l’Association, Marc Cadieux, dit suivre le projet de très près et entend que l’ACQ fasse ses propres suggestions quant au contenu final de la formation obligatoire.

«Les écoles de conduite qui, dans le passé, prétendaient donner l’accès après un certain nombre d’heures, n’auront pas le choix que de respecter un curriculum minimum », se réjouit M. Cadieux.

« Je ne veux pas critiquer nécessairement les écoles privées, parce qu’il y en a d’excellentes, mais certaines étaient questionnables. Le temps nous a démontré que, dans certains cas, les curriculums privés n’étaient pas à la hauteur de normes minimales », ajoute le PDG de l’ACQ.

L’ACQ travaille aussi sur la qualification des formateurs, afin qu’ils soient en mesure de bien faire leur travail dans le contexte de nouvelles exigences.

« C’est non seulement une volonté gouvernementale, mais aussi de l’industrie de s’assurer qu’il y ait une formation minimale pour devenir chauffeur dans l’industrie », conclut M. Cadieux.

Une collaboration d’Eric Bérard et de David Simard-Jean

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