Gérer la circulation routière dans une ville intelligente, mode d’emploi

Entre 2004 et 2020, le parc véhiculaire (camions, autobus et automobiles) de l’agglomération de Montréal est passé de 850 000 à 983 230 unités. Une augmentation de plus de 130 000 véhicules sur une période de 16 années. Il s’est ajouté, pour la seule région métropolitaine de Montréal, plus de 23 000 véhicules entre 2018 et 2019 seulement. Comment gérer ce flux croissant de véhicules de façon efficace, ici et ailleurs dans le monde, afin de réduire les émissions de CO2, le gaspillage de ressources non-renouvelables et les pertes en productivité ?

C’est la question à laquelle Juniper Research a tenté de répondre dans son étude Smart Traffic Management : Use Cases, Regional Analysis & Marketing Forecasts 2022-2027. Comment gérer intelligemment et efficacement les flux de véhicules afin de réduire (éliminer complètement ?) la congestion routière en milieu urbain. Leur solution ? Bâtir des villes intelligentes avec des outils de communication à la fine pointe de la technologie.

Mais qu’est-ce qu’une ville intelligente ?

C’est une ville, disent les chercheurs de Juniper Research, qui combine un réseau de transport collectif efficace, peu polluant, tentaculaire et accessible à des communications efficaces, du stationnement « intelligent », des lumières de rue synchronisées, efficaces et peu énergivore et tout un système de gestion de la circulation qui tend à réduire les congestions.

Notamment dans les carrefours urbains.

C’est surtout sur cet aspect que l’étude se concentre : « l’utilisation de technologies de communication afin de mieux contrôler la synchronisation des feux de circulation, mieux identifier les zones de stationnement et planifier efficacement les déplacements du point A au point B par GPS afin de réduire, vous l’aurez deviné, les émissions de gaz à effet de serre (GES), » précise Sam Smith de Juniper Research dans le rapport.

Le point central de l’étude pointe vers les carrefours urbains et les moyens de limiter les pertes de temps et de ressources. De quelle façon ? À l’aide d’un algorithme, on connecte les véhicules entre eux afin d’aider les conducteurs à trouver l’option où il n’y a pas de congestion. Avec cette idée, les auteurs du rapport pensent éviter le rejet de 205 millions de tonnes métriques en GES dans l’atmosphère d’ici 2027.

Bonne idée, mais loin d’être suffisante. C’est d’ailleurs ici que l’étude nous montre ses limites. Pensées pour les villes bâties au XXIe siècle, les solutions technologiques dites « intelligentes » sont peu performantes dans un contexte où les agglomérations urbaines ont déjà été planifiées, dessinées et façonnées pour une quantité inférieure de véhicules.

Quand même pas une panacée

Malheureusement, cette étude britannique aux prétentions universelles est pleine de trous. Elle ne s’intéresse pas concrètement, d’abord, à la nécessité de développer un réseau tentaculaire de transport collectif afin de désengorger les routes des véhicules en surplus qui causent, en partie du moins (avec les travaux intermittents), les congestions ponctuelles.

Rien sur l’augmentation constant du parc véhiculaire mondial et les moyens à prendre pour en diminuer les effets néfastes. Rien non plus sur les VUS de plus en plus nombreux, gros, lourds et polluants. Ces catégories de véhicules de promenade, qui prennent plus d’espace, encombrent davantage les villes, consomment plus de carburant et détériorent les routes à un rythme plus soutenu que les plus petits véhicules, ont nécessairement une responsabilité dans la multiplication des congestions routières en zones urbaines.

Autre point important passé sous silence dans l’étude: le transport et la livraison de marchandise dans les zones urbaines. Aucune solution à grande échelle pour réduire les impacts de la congestion sur la productivité et l’efficacité des déplacements essentiels. Or, comment livrer les marchandises efficacement, rapidement et à coût raisonnable si les villes sont constamment bloquées ?

L’industrie du transport propose, de son côté, certaines solutions qui pourraient être applicables rapidement : les camions de livraison plus petits et 100 % électriques, la logistique du dernier kilomètre en mode flexible, l’optimisation des trajets par la télématique, etc..

Un dossier de santé publique

On constate enfin qu’outre les questions économiques, il y a 7 millions de personnes qui meurent annuellement des suites de la pollution atmosphériques dans le monde. En ce qui a trait aux 4 milliards de dollars et plus que l’économie de Montréal perd annuellement à cause des interminables congestions (retards de livraison, absentéisme, problèmes de santé, détresse psychologique, etc.), il est clair que cette problématique complexe et urgente doit forcément être abordée globalement et en mode multimodal.

Rédacteur professionnel depuis plus de 15 ans, Christian possède une expérience considérable à titre de journaliste spécialisé en transport, notamment à titre de directeur de la rédaction de L'Écho du transport, magazine aujourd'hui disparu, et de Transport durable magazine.

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