La certification par tierce partie pour garantir le respect de la réglementation sur les DCE

La principale différence entre la réglementation canadienne sur les dispositifs de consignation électronique (DCE) et son équivalent américain, c’est le processus de certification.

Aux États-Unis, les dispositifs sont auto-certifiés par les fournisseurs, faisant en sorte que des centaines de produits sont disponibles. Au Canada, une tierce partie devra s’assurer que les DCE sont conformes à une norme technique connexe, qui couvre notamment la façon dont les données sont partagées, avant que les dispositifs puissent être utilisés ici.

Par conséquent, on s’attend à ce que moins de dispositifs soient approuvés pour la vente au Canada.

Bien que les organismes de certification n’aient pas encore été dévoilés, Transport Routier a posé quelques questions clés à des représentants de l’industrie du camionnage, à des fonctionnaires ainsi qu’à un éventuel organisme de certification tiers.

Le processus de certification par tierce partie au Canada vise à garantir que les DCE ne pourront pas être trafiqués. Mais cela signifiera également qu’il y aura moins d’appareils sur le marché. (Photo: Isaac Instruments)

Geoffrey Wood, premier vice-président des politiques de l’Alliance canadienne du camionnage (ACC)

Transport Routier : Pourquoi l’auto-certification des DCE n’est-elle pas la voie à suivre pour le Canada, et que pensez-vous de la création d’organismes de certification tiers?

Geoffrey Wood: L’auto-certification a démontré qu’il est possible d’utiliser les DCE de manière inappropriée et de les concevoir de façon à ce qu’ils puissent être non conformes dans l’industrie et la chaîne d’approvisionnement.

Transports Canada et le ministre des Transports, Marc Garneau, ont indiqué qu’ils s’engageaient à aller de l’avant avec la réglementation en juin 2021 et que les délais seraient respectés. Les vendeurs de DCE ont tous eu l’occasion d’être impliqués dans le processus (de certification par tierce partie) à un niveau très détaillé depuis sa création il y a plusieurs années.

Mike Millian, président de l’Association canadienne du camionnage d’entreprise

TR: Pourquoi le Canada a-t-il choisi d’adopter un système de certification par tierce partie plutôt que l’auto-certification?

M. Millian : Le Canada a failli opter pour l’auto-certification; c’est ce qui a été publié dans les parties 1 et 2 de la Gazette. Nous avons finalement appris que la situation était désastreuse et qu’il fallait adopter un processus de certification par tierce partie. C’est aussi ce qui nous a ralentis, mais dans ce cas-ci, il s’agit d’un bon ralentissement. Il y a plus de 600 dispositifs auto-certifiés (aux États-Unis), ce qui est absurde.

L’auto-certification n’est pas une certification, à moins que quelqu’un vérifie concrètement ces dispositifs, ce qui n’a pas été le cas.

TR : Qui est chargé de s’assurer que les dispositifs auto-certifiés le sont de façon honnête aux États-Unis, et quels problèmes y aurait-il au Canada si nous avions adopté le même système?  

M. Millian : Il y a des procédures de test que les fabricants doivent suivre, et vous devez télécharger les procédures de test; elles se trouvent sur le site web de la Federal Motor Carriers Safety Administration (FMCSA). Il faut ensuite présenter le document certifiant que toutes ces procédures de test ont été effectuées.

Mais tout ce qu’on fait, c’est soumettre des documents. Personne ne vérifie vraiment. Dans la plupart des cas, les gouvernements ont si peu d’effectifs que le contrôle est effectué par un agent au bord de la route s’il aperçoit quelque chose qui n’a pas l’air normal, ou lorsque des plaintes sont faites par téléphone. À ce moment-là, quelqu’un a déjà acheté un dispositif et l’a installé dans son camion.

TR : Quels sont les autres facteurs qui ont incité le Canada à choisir un système de certification par tierce partie?

M. Millian : Les compagnies d’assurance se sont impliquées. En fait, une compagnie d’assurance a montré quelques dispositifs à un groupe de travail, démontrant qu’il existait des systèmes conçus pour enfreindre la réglementation sur les heures de service. Ces dispositifs faisaient donc le contraire de ce qu’ils sont censés faire. Des fabricants présentaient des dispositifs qui montraient des fiches journalières légales à un agent au bord de la route, alors que les fiches illégales étaient dissimulées derrière le système.

TR : Avec la certification par tierce partie, il devrait y avoir beaucoup moins d’options de DCE au Canada qu’aux États-Unis. Prévoyez-vous des problèmes avec les transporteurs américains circulant au Canada qui utilisent un dispositif certifié aux États-Unis mais qui n’est probablement pas légal au Canada?

M. Millian : La plupart des gens au sein de l’industrie (au Canada) s’attendent à ce qu’il y ait entre 15 et 30 dispositifs certifiés au Canada. Donc, si vous avez 600 dispositifs au sud de la frontière, cela signifie que nous en avons éliminé plus de 570.

C’est une bonne chose. Je serais bien étonné que la moitié des dispositifs qui sont répertoriés comme étant certifiés au sud de la frontière aient effectivement été soumis à un quelconque test de certification. Moins de 50% d’entre eux le seraient; c’est pourquoi nous voulons une certification par tierce partie.

Ce que vous devez surveiller, c’est la vieille expression qui dit qu’il ne faut pas «jeter le bébé avec l’eau du bain».

Si un transporteur achète un dispositif en sachant qu’il peut figurer sur la liste de la FMCSA mais qu’il n’est pas conforme aux normes et qu’il est conçu pour tricher, et que le transporteur est alors pris au piège et qu’il doit cesser ses activités, je m’en fous, j’en suis content.

La préoccupation de l’Association canadienne du camionnage d’entreprise en ce qui concerne la voie que nous empruntons, c’est qu’il y aura aussi, des deux côtés de la frontière, des gens qui ont fait des recherches, qui se sont renseignés, qui pensaient acheter un dispositif conforme et qui se sont fait dire par les fabricants que le dispositif serait soumis pour la certification. Mais il ne sera pas certifié.

(Le transporteur) devra retirer ce dispositif qu’il croyait conforme, faire de nouvelles recherches, installer les nouveaux dispositifs dans ses camions et former tous ses chauffeurs dans un délai très court. Et ce n’est pas souhaitable.

Transports Canada

TR : Comment un organisme peut-il être accrédité comme tierce partie pour la certification des DCE au Canada?

TC : Transports Canada, en partenariat avec le Conseil canadien des normes, a mis au point un mécanisme pour tester et certifier les DCE. Transports Canada a consulté des fournisseurs de DCE implantés en Amérique du Nord pour élaborer les procédures de test.

Depuis le 18 mars 2020, toute partie intéressée peut demander au Conseil canadien des normes et à Transports Canada d’être accréditée en tant qu’organisme de certification pour tester et certifier les DCE.

Adime Kofi Bonsi, chercheur principal chez FPInnovations

TR : Pourquoi FPInnovations a-t-elle demandé à devenir un organisme de certification tiers pour les DCE au Canada?

Adime Kofi Bonsi : s’appuyant sur un vaste éventail de capacités d’essais techniques, FPInnovations dispose d’une expérience et d’une expertise solides en matière de télématique pour véhicules, de matériel embarqué et de solutions de gestion pour les flottes de véhicules commerciaux. Nous avons également une compréhension approfondie du contexte réglementaire entourant les DCE, des spécifications fonctionnelles et des exigences opérationnelles des flottes. FPInnovations est donc particulièrement qualifiée pour effectuer des tests indépendants sur les DCE, ayant acquis une expertise dans ce domaine au fil des ans, grâce à notre travail avec divers fournisseurs de technologies, utilisateurs finaux et intervenants industriels.

TR : Avez-vous de l’expérience en lien avec les spécifications des DCE aux États-Unis, et en quoi cela vous aidera-t-il du côté canadien?

AKB : Après la publication d’une règle finale par la FMCSA, obligeant les transporteurs routiers et les chauffeurs commerciaux à utiliser des DCE aux États-Unis, des dirigeants de l’industrie ont demandé au laboratoire d’essais de FPInnovations (le Groupe PIT) de développer un programme de vérification des DCE pour le marché américain. Il s’agissait de s’assurer que les fournisseurs de DCE répondent avec précision à des normes techniques complexes.

TR : Pourquoi croyez-vous qu’il est important que le Canada adopte un processus de certification par tierce partie plutôt que l’auto-certification?

AKB: La certification des DCE par tierce partie garantit que tous les DCE qui sont utilisés passent par un processus identique, lequel est contrôlé par des normes internationales. Cela donne aux utilisateurs finaux l’assurance que les DCE qu’ils déploient dans leur entreprise sont effectivement conformes à la norme technique. Cela permet également aux flottes d’éviter de devoir interpréter et deviner en faisant leur choix, en plus d’assurer la parité en ce qui concerne les exigences réglementaires.

  • Les réponses peuvent avoir été modifiées par souci de clarté, de longueur et de grammaire.

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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