La filière batterie au lithium-ion : Plaidoyer pour une seconde révolution tranquille au Québec

Lors de l’élection provinciale de 1962, le Québec, alors dirigé par le libéral (PLQ) Jean Lesage, promet aux Québécois de devenir « Maîtres chez nous ». Portant sur la nationalisation de l’hydroélectricité, le scrutin du 14 novembre, remporté par le PLQ grâce aux rares talents de vulgarisateur du ministre des Richesses naturelles de l’époque, un certain René Lévesque, permet aux Québécois de prendre le contrôle de cette filière moderne, stratégique, nouvelle, très payante et propre.

Acquises en 1963 au coût de 600 millions de dollars (plus de 5,3 milliards en dollars de 2022), ces 11 entreprises privées permettront le développement d’Hydro-Québec, une société publique née en 1944. Une transaction qui enrichira le Québec à un niveau inégalé dans son histoire. En organisant un RDV Stratégique sur le thème de La filière batterie comme modèle de développement durable le 31 janvier dernier, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) souhaite réactiver le dynamisme de cette époque afin que la filière « batterie » devienne notre nouvelle Révolution tranquille.

Regards croisés sur une économie embryonnaire où tout est à prendre et à inventer.

La filière batterie lithium-ion
De gauche à droite : Patrick Gervais de Lion électrique, Jessica Bouchard de la CCMM, Éric Desaulniers de Nouveau monde graphite et Benoit Couture de Recyclage Lithion inc. Crédit photo : page Linkedin de Jessica Bouchard, CCMM.

Avec des ressources naturelles nombreuses, une expertise mondialement reconnue en hydroélectricité, des outils de développement économique puissants, une chaîne logistique complète et une volonté politique clairement exprimée, le Québec est bien positionné pour prendre d’assaut le marché de la batterie véhiculaire ici au Québec, plus loin au Canada et aux États-Unis et peut-être même ailleurs dans le monde.

Une filière taillée sur mesure pour le Québec

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement du Québec annonçait récemment son intention d’investir, dans les prochaines années, 1,4 milliard de dollars dans la filière de batteries au lithium-ion afin de devenir un chef de file dans l’électrification des transports.

C’est le ministre fédéral de l’Innovation, des sciences et de l’industrie, M. François-Philippe Champagne qui, le premier, a parlé de la volonté commune des gouvernements du Québec et du Canada de travailler conjointement afin de faire de cette nouvelle filière un succès industriel, économique et financier au pays.

« Il existe, au Québec et au Canada, toutes les ressources requises pour la fabrication de batteries au lithium-ion : le lithium, le nickel classe 1, le cobalt, le graphite et le manganèse, » précise le ministre fédéral.

Filière encore à ses premiers balbutiements, la batterie au lithium-ion exige cependant que l’offre soit rapidement bonifiée afin de satisfaire la demande croissante. Le ministre québécois de l’Économie et de l’Innovation du Québec, M. Pierre Fitzgibbon, a d’ailleurs précisé, à la suite de l’intervention du ministre fédéral, que l’année charnière pour l’explosion de ce marché est 2025 :

« Avec 850 brevets directement liés aux technologies de batteries au lithium-ion, l’IREQ (Institut de recherche d’Hydro-Québec) est bien placé pour stimuler cette filière toute québécoise, prendre de l’avance sur les concurrents, et les battre de vitesse avec des technologies innovantes et créatrices de richesses. »

Le financement, le nerf de la guerre

Si un financement public est nécessaire pour démarrer l’aventure, les panélistes Sarah Houde et Jean-François Béland, respectivement de Propulsion Québec et de Investissement Québec, ont mis l’accent sur la diversification stratégique des sources de financement, provenant notamment du privé, mais également en gérant intelligemment l’élément risque des fonds investis qui, dans chaque projet, est toujours présent.

Ce que confirme le panéliste Maxime Vidricaire de Stromvolt, une entreprise qui va débuter la fabrication des cellules lithium-Ion vers la fin de 2023 :

« Pour augmenter nos chances de succès, le gouvernement du Québec devra cibler l’expertise qu’il pourra financer afin que cette filière soit compétitive et efficace. Le choix d’investir dans les véhicules commerciaux de Lion Électrique est, en ce sens, très judicieux. Une niche encore ouverte, dit M. Vidricaire, contrairement aux véhicules de promenade dont le marché a déjà été pris d’assaut par les manufacturiers automobiles. »

Étant donné qu’il est seul fabricant de cellules lithium-ion à se joindre à Accélérer, l’Alliance canadienne de la chaîne d’approvisionnement des véhicules Zéro-émission, M. Vidricaire comprend trop bien que cette stratégie de niche est la bonne.

Maîtres chez nous 3.0

« Pour y arriver, mentionnait Patrick Gervais de chez Lion Électrique, il faut qu’on soit les premiers dans le marché. Et pour être « Maîtres chez nous » du « mining to recycling » (de l’extraction des ressources au recyclage de la batterie en passant par la transformation, la fabrication et sa vie utile), il faut innover localement. Chez nous, par exemple, on a pensé, conçu et fabriqué nos camions urbains et autobus pour qu’ils soient 100% électriques. »

Mettre ses bottines au même niveau que ses babines : Hydro-Québec commande son premier camion 100% électrique de Lion Électrique en novembre 2019. Crédit photo : page Twitter d’Hydro-Québec

Cette philosophie offre à Lion Électrique la possibilité de développer et de contrôler l’expertise, d’être les meilleurs et d’exporter le génie québécois. Concrètement, Lion électrique insiste sur un écosystème d’accompagnement dans l’installation de bornes de recharge et de la télémétrie, notamment. Mais ce n’est pas tout.

En assemblant les batteries dans ses usines et en les intégrant directement dans ses véhicules, Lion Électrique est plus compétitive et souple dans la personnalisation des produits qu’elle vend à ses clients.

La batterie la plus écologique au monde

« Pour faire la batterie la plus verte au monde, ajoutait Benoit Couture de Recyclage Lithion inc., les Québécois devront impérativement prioriser la création d’une économie circulaire locale à tous les niveaux de la chaîne de production. La transition énergétique, qui frappe à notre porte, nous offre cet avantage. Pour y arriver, dit M. Couture, un accès aux ressources minières québécoises et canadiennes est impératif, incontournable et vital. »

Ce que confirme M. Vidricaire : « Il faut s’assurer que les ressources extraites bénéficient en priorité aux entreprises et citoyens québécois plutôt qu’aux concurrents chinois et coréens. C’est localement que la transformation écologique et industrielle peut réussir à ajouter une valeur à notre filière, et c’est par une profitabilité collective qu’on va obtenir l’acceptation sociale. »

C’est ça l’esprit d’une révolution tranquille 3.0.

Si tous les panélistes s’entendent pour dire que l’éducation, le savoir-faire et la formation des cerveaux sont au coeur de la stratégie et des priorités de cette filière de l’avenir, c’est l’appui financier des gouvernement québécois et fédéral qui, en définitive, semble être le socle sur lequel il est possible de propulser cette industrie au firmament des succès québécois.

« Une vision, précise Patrick Desaulniers de Nouveau monde graphite, qui se conjugue aussi aux coûts de construction de nouvelles usines compétitives sur le marché mondial. Car pour nous, la compétition chinoise, notamment, se situe à ce niveau. Autrement, nous sommes compétitifs avec eux dans l’extraction du graphite. »

C’est ici que la chaîne de valeur peut se construire : en réunissant toutes les forces vives du Québec autour d’un projet qui pourrait définir le Québec du XXIe siècle.

Rédacteur professionnel depuis plus de 15 ans, Christian possède une expérience considérable à titre de journaliste spécialisé en transport, notamment à titre de directeur de la rédaction de L'Écho du transport, magazine aujourd'hui disparu, et de Transport durable magazine.

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