La hausse des taux d’intérêt commence à faire sentir ses effets dans l’industrie 

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La Banque du Canada est fortement déterminée à ramener l’inflation à 2 %, elle qui a grimpé jusqu’à 8 % l’an passé. L’industrie du camionnage agit pratiquement comme une boule de cristal économique, ressentant des mois à l’avance les répercussions des décisions de la banque centrale. Le ralentissement a commencé. 

Malgré tout, le taux d’inflation demeure élevé – autour de 4 % au moment d’écrire ces lignes – et l’économie demeure vigoureuse, ce qui a amené la Banque du Canada à hausser le taux directeur à 4,75 % en juin dernier. La hausse du taux directeur a pour effet de ralentir la consommation et amène donc une baisse de la demande de transport. 

La firme de jumelage de cargaisons Loadlink Technologies est aux premières loges pour constater les fluctuations du marché.  

(Photo : iStock)

«La demande de transport a diminué, mais la demande de cargaisons [de la part des entreprises de camionnage à la recherche de marchandises à transporter] a considérablement augmenté», observe Claudia Milicevic, présidente de Loadlink Technologies.   

«Nous avons observé ces changements dans l’offre et la demande au cours de la dernière année. Au deuxième trimestre de 2022, les volumes de cargaisons ont atteint des sommets sans précédent en raison de la vigueur de l’économie et de l’augmentation des dépenses de consommation.»  

Les transporteurs n’ont pas pu répondre à la demande et le ratio camion/cargaisons de Loadlink a atteint les niveaux les plus bas jamais enregistrés. Mais la situation a commencé à changer ensuite.  

«La capacité disponible a augmenté et la demande pour cette capacité a diminué. À titre d’exemple, la capacité de transport au Canada a augmenté de 43 %, tandis que les cargaisons disponibles ont diminué de 40 % d’une année à l’autre.»  

Mme Milicevic souligne que ces fluctuations ne sont pas rares. Plusieurs facteurs, tels que les tendances du marché, les dépenses de consommation, les taux d’intérêt et d’autres conditions économiques ont un impact sur les volumes de cargaisons que nous observons. En particulier pour 2022 et 2023 alors que de nombreux transporteurs ont commandé du nouveau matériel roulant pour répondre à la demande, mais ne les reçoivent que maintenant, ce qui réduit davantage la capacité.  

2022 a été la meilleure année pour les volumes de cargaisons chez Loadlink. Plus précisément, ils ont été 27 % plus élevés que la deuxième meilleure année (2018) en matière de volumes moyens mensuels.  

«Les volumes de cargaisons moyens de 2023 à ce jour arrivent en fait au deuxième rang derrière ceux de 2018, mais il est évident que les volumes récents ont tendance à baisser», constate Mme Millicevic.  

«Par conséquent, nous devrions nous attendre à des cargaisons mensuelles moyennes comparables aux niveaux observés en 2014/2017, et ces cargaisons reviendront sans doute à des niveaux plus normaux. Pour mieux situer les choses par rapport aux comparaisons récentes, les volumes de mai 2023 semblent jusqu’à présent suivre une tendance similaire à ceux du troisième trimestre de 2022.» 

Une baisse notable 

Au Québec, la baisse de la demande de transport commence à se faire sentir. «C’est remarqué et remarquable», affirme Marc-André Hubert, directeur général de C. H. Express à Saint-Jean-sur-Richelieu, entreprise qui exploite sa flotte de camions à plateaux et qui agit aussi comme courtier en transport. 

Selon Marc-André Hubert, plusieurs facteurs influent beaucoup sur la situation économique et sur la baisse de demande de transport. 

Il y a d’abord le manque de projet d’envergure dans la province. «Ça fait une grosse différence sur le volume d’affaires», explique-t-il, précisant qu’une des raisons de ce manque est attribuable à l’augmentation du taux d’intérêt qui refroidit les ardeurs à financer ces projets. 

Le principal secteur touché est celui de la construction de grande ampleur. «Ça va toucher directement ou indirectement l’industrie de l’acier, les matériaux de construction, la machinerie, l’électricité, tout ce qui est infrastructure», poursuit Marc-André Hubert. «Les industries affectées sont beaucoup liées au transport de la marchandise, leurs difficultés affectent donc la demande de transport.» 

Autre problème économique qui touche le milieu du camionnage : la pénurie de main-d’œuvre non seulement chez les transporteurs, mais aussi dans le domaine de la production. «Si plus personne ne produit, c’est plus difficile pour nous de transporter. C’est un cercle vicieux.» 

Pour faire face à la situation, les compagnies de transport n’ont pas le choix de s’adapter, notamment en mettant plus d’efforts du côté des ventes et en faisant face à une grande compétition entre les entreprises. «L’an passé, c’était facile. Il y avait de l’ouvrage pour tout le monde et on n’avait pas besoin de se battre contre la compétition, contrairement à maintenant, où il faut être absolument meilleur que les autres.»  Marc-André Hubert n’est pas en mesure de confirmer si le ralentissement se transformera en récession, mais lui et ses confrères de l’industrie en voient des signes précurseurs. «Nous, on ressent les effets comme si c’était une récession. On est dans un domaine où on le sait d’avance.»

Comment la situation s’améliorera 

Lorsque les conditions s’amélioreront enfin, ce sera en raison d’une perte de capacité plutôt que d’une augmentation de la demande. C’est l’avis d’Avery Vise, vice-président du secteur du camionnage chez la firme de recherche en transport FTR, qui a récemment présenté un webinaire sur l’état du fret. 

«Il s’agira d’une reprise de l’utilisation axée sur la capacité, et non d’une reprise axée sur la demande de fret», a déclaré M. Vise, notant que l’utilisation des camions a probablement atteint son niveau le plus bas et commencera une lente remontée vers la moyenne décennale jusqu’en 2024. «Nous nous attendons à ce que l’utilisation s’améliore principalement parce que nous allons perdre des chauffeurs.» 

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