La relève en mécanique de véhicules lourds, c’est du sérieux pour l’École des métiers de l’équipement motorisé de Montréal

C’est le 7 juin dernier qu’était présenté, en mode virtuel, le gala Méritas des neuf écoles spécialisées en formation professionnelle de la grande région de Montréal. Une soirée importante pour les 80 lauréats – un par cohorte – qui voient leurs efforts récompensés par leurs professeurs respectifs. Une fête pour les plus méritants, certes, mais un moment privilégié pour célébrer l’accomplissement de plusieurs centaines de jeunes finissants.

À l’École des métiers de l’équipement motorisé de Montréal (EMEMM), là où sont notamment dispensés les programmes de mécanique pour véhicules lourds routiers et engins de chantier, il y a deux finissants qui se sont suffisamment démarqués pour recevoir, chacun, ce fameux méritas : Jérémy Bouffard en mécanique de véhicules lourds, et Maxence Renaud en mécanique d’engins de chantier.

Transport Routier est allé à leur rencontre quelques jours avant la remise des prix.

De jeunes adultes sérieux et responsables

Après une visite des immenses ateliers où les élèves peuvent mettre en pratique les enseignements reçus, Yves Thibert, le sympathique professeur en mécanique de véhicules lourd routiers qui a servi de guide durant notre visite, me présente Jérémy et Maxence. Première constatation : ils sont un peu plus vieux qu’anticipé. À 22 ans et 25 ans respectivement, nos deux lauréats sont des adultes, pensent comme des adultes et agissent aussi comme des adultes.

Polis, déterminés, avenants, affables, réfléchis, matures, responsables, volontaires et intelligents, nos deux mécaniciens ont atterri à l’EMEMM par des chemins très différents, surprenants et surtout rassurants. Pourquoi ? On a toujours dit que les emplois manuels sont généralement exercés par des jeunes qui n’aiment pas l’école. Or, il s’avère que ce stéréotype en prend ici pour son rhume. Pas la COVID, mais un bon rhume.

Voyons voir de plus près.

Aux parcours différents

Pour Maxence, qu’on peut qualifier d’extraverti, le cheminement vers la mécanique de véhicules lourds et d’engins de chantier a fait un détour par… les techniques policières au cégep Ahuntsic, dans le nord de Montréal. Sportif mais pas au niveau exigible par le métier de policier, Maxence a décidé, après un bris mécanique sur son auto durant la pandémie, de reconsidérer son avenir professionnel au profit de sa nature profonde.

« Peu après avoir complété ma technique policière et la formation pratique à l’École de police de Nicolet, un bris mécanique majeur sur mon auto m’a fait réfléchir: étant donné que je suis manuel de nature, pourquoi ne pas faire un cours en mécanique? »

Photo : Christian Bolduc
Jérémy Bouffard et Maxence Renaud, deux des lauréats d’un prix Méritas à l’ÉMEMM en 2022. Photo : Christian Bolduc

Cartésien, Maxence, qui aime faire de la mécanique automobile dans ses temps libres, a finalement jeté son dévolu sur la mécanique de véhicules lourds – un programme qu’il a terminé avant de s’investir dans le programme de mécanique d’engins de chantier – « pour séparer mon hobby, la mécanique automobile, et mon métier de mécanicien de véhicules lourds et d’engins de chantier. »

Du côté de Jérémy, un jeune homme plutôt introverti, c’est via une technique en produits chimiques au cégep de Maisonneuve qu’il est arrivé en mécanique de véhicules lourds. « J’ai réalisé, lors de mon stage de fin d’études, que cette formation ne correspondait pas à ma personnalité. J’aime l’équilibre entre le travail manuel et intellectuel. Or, ma technique en produits chimiques ne m’offrait pas cet équilibre. La formation était trop théorique et pas assez pratique. »

Après avoir abandonné ses études collégiales juste avant la fin, Jérémy a vécu une période de flottement d’une année avant de trouver l’EMEMM et son programme de formation en mécanique de véhicules lourds routiers. Une formation qui lui offre cette stimulation entre le travail concret et le besoin de raisonner la complexité variable des problèmes mécaniques.

Les défis d’une formation professionnelle

Une fois intégrés à l’école, Jérémy et Maxence ont rapidement pris la mesure du choix de carrière qu’ils venaient de faire. Et sa pertinence. Les ateliers sont remplis de camions, transmissions, freins, systèmes électroniques, moteurs, ordinateurs et autres châssis avec lesquels ils peuvent identifier, défaire, démonter et réparer des pièces dont les problèmes sont imposés par leurs professeurs.

Les professeurs. Engagés, attentifs, présents et proactifs. « Les enseignants, nous disaient les deux lauréats, nous motivent tout en nous répétant que l’école sert à maîtriser les connaissances fondamentales. C’est à nous, élèves, de comprendre ensuite que l’apprentissage sera une constante dans notre vie. Que l’école n’est pas une fin en soi mais la base, une structure par laquelle on pourra développer nos compétences et atteindre nos objectifs professionnels. »

C’est un cheminement qui commence par la passion du métier, disaient les deux élèves, mais qui se construit par la motivation personnelle, un investissement de temps et un engagement quotidien.

Le travail d’équipe, que tu sois lauréat d’un prix Méritas ou pas, est une des qualités les plus recherchées dans l’industrie de la mécanique de véhicules lourds. Photo : Christian Bolduc

« Le cheminement, dit Yves Thibert, prend du temps, que ce soit pour les élèves ou même les profs. Moi, par exemple, je ne suis plus le même enseignant qu’il y a 20 ans. C’est la même chose pour eux. » Les futurs mécaniciens doivent donc faire preuve de patience, de lucidité et de persévérance. On ne devient pas un expert après sa formation à l’EMEMM, seulement un mécanicien qui deviendra un professionnel aguerri par l’expérience, l’apprentissage et la ténacité.

Pour Maxence et Jérémy, les attentes envers le programme de formation doivent être plus modestes. « Tu es le seul responsable de tes apprentissages, précise Maxence. Il faut cependant éviter d’avoir des attentes particulières ou démesurées en arrivant ici. »

Le meilleur moyen d’y arriver est de moduler ses attentes à long terme en fonction de ses intérêts et de ses motivations. Ce à quoi répond Jérémy : « Ne fais pas l’erreur de penser qu’on va tout apprendre à l’école. Il faut comprendre et accepter ça. L’apprentissage est constant dans la vie. Tu ne deviendras pas un mécanicien « top notch » du jour au lendemain. »

La curiosité restera toujours le moteur de l’apprentissage, du perfectionnement et de la compétence.

Être maître de sa destinée

Pour être la meilleure version de soi-même à chaque jour, donc, il faut que l’élève s’investisse dans sa formation au quotidien. C’est avec cette attitude que les apprentissages se feront un peu chaque jour plus stimulants et gratifiants. « Dans le plaisir, dit Yves Thibert en nous rappelant à l’ordre. Pour nos élèves, le plaisir est fondamental. C’est la raison pour laquelle l’attitude positive des profs est si importante pour nos apprentis mécaniciens. »

L’apprentissage par le plaisir, ça rend les efforts moins pénibles à supporter. Surtout quand on est en groupe pour se soutenir les uns les autres et que la matière, la mécanique de véhicules lourds, est complexe à assimiler.

Pour Jérémy, l’engagement des profs a fait toute la différence. En pointant Yves du doigt, Jérémy concède que c’est la dynamique de groupe qui l’a gardé à l’école. « Cette belle ambiance, l’esprit d’équipe et la formation pratique sont autant d’aspects qui facilitent mes apprentissages. »

« Mais tu dois d’abord être passionné par ce que tu fais, avertit Maxence. Ce ne sont pas les profs qui font la formation, mais nous. » Cette formation, comme toutes les autres d’ailleurs, place forcément l’élève devant son ignorance. C’est le propre de l’éducation. « Tu dois accepter humblement ton ignorance. C’est comme ça qu’on apprend », affirme Maxence.

« Nous, dit Yves Thibert en parlant du corps professoral, on cherche constamment à valoriser les apprentissages de nos élèves par la motivation. Pour leur donner confiance, mais aussi pour leur permettre de progresser constamment et sereinement. C’est leur passion et leur engagement qui doivent, avant tout, être le moteur de leur progression et, éventuellement, de leur réussite. »

Généraliste ou spécialiste ?

Progresser jusqu’à l’obtention de son diplôme est un bon début pour les deux lauréats. Ensuite, les diplômés auront tous les outils de base requis (au sens propre et figuré) dans leur coffre pour devenir des professionnels compétents, perfectibles et appréciés dans leur milieu de travail. D’ailleurs, qu’est-ce qui les intéresse maintenant qu’ils sont à l’aube d’une brillante carrière en mécanique de véhicules lourds?

Pour Maxence, qui travaille déjà à temps partiel chez Inter Rive-Nord, la polyvalence est le mot clé. « Au début de ma formation, je m’orientais davantage vers les transmissions. Maintenant, je souhaiterais toucher un peu à tout. Je veux être capable de tout faire sur un engin de chantier. »

Yves Thibert, qui enseigne la mécanique de véhicules lourds routiers à l’EMEMM depuis une vingtaine d’années, est un professionnel dédié à ses élèves. Photo : Christian Bolduc

Même son de cloche chez Jérémy. Pour celui qui travaille à temps partiel au sein du Groupe Freno, « faire la même chose à chaque jour est moins stimulant qu’être un généraliste capable de tout réparer. C’est plus exigeant d’être appelé à faire plusieurs choses différentes dans une semaine, mais la valorisation que tu en retires est plus grande ». Preuve qu’ils ont soif de connaissance et d’apprentissage, nos deux lauréats d’un prix méritas.

« Le marché du travail, précise cependant le professeur Thibert, peut parfois exiger des mécaniciens, pour une question de rentabilité financière, qu’ils se spécialisent. »

Cette éventuelle contrainte, nos deux mécaniciens, de par leur intelligence, leurs compétences et leur capacité d’adaptation, n’auraient aucun mal à la dominer.

Le gala Méritas

C’est la raison pour laquelle Jérémy et Maxence reçoivent chacun un prix méritas en 2022. Ils se démarquent par la qualité générale de leur candidature. « Des candidatures, nous dit encore Yves Thibert, qui atteignent nos critères d’excellence en formation de mécaniciens de véhicules lourds, lesquels sont expressément pensés pour une intégration harmonieuse au marché de l’emploi. »

Parmi tous les critères à atteindre pour les élèves, M. Thibert en mentionne cinq incontournables :

  • L’assiduité aux cours, et la participation active aux apprentissages ;
  • Le talent naturel et acquis par l’effort ;
  • Le travail en équipe ;
  • Les résultats scolaires ;
  • La bonne attitude. Être positif, vouloir apprendre et faire preuve d’humilité dans l’apprentissage.

Ces prix, nous disait Yves Thibert en terminant, sont distribués aux seuls candidats qui respectent tous nos critères. Autrement, le prix n’est pas décerné. C’est aussi sérieux que ça, la formation professionnelle à l’EMEMM.

L’équipement disponible pour la formation des mécaniciens est nombreux et varié. Ici, on a soudé deux châssis de camions afin que les élèves puissent, en plus grand nombre, travailler en simultané. Photo : Christian Bolduc

Rédacteur professionnel depuis plus de 15 ans, Christian possède une expérience considérable à titre de journaliste spécialisé en transport, notamment à titre de directeur de la rédaction de L'Écho du transport, magazine aujourd'hui disparu, et de Transport durable magazine.

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