La vision du camionnage autonome de Javelin Robotics s’appuie sur l’expertise canadienne

À première vue, le camion de Javelin Robotics ressemble à n’importe quel Peterbilt 579. Mais la «couronne» de capteurs qui remplace le pare-soleil laisse entrevoir les améliorations technologiques qui se cachent sous la surface.

Surnommé Blackbird par ses fabricants, le prototype représente la vision de Javelin en matière de camions hautement autonomes de niveau 4. Il a d’ailleurs déjà été mis au travail pour le bénéfice de flottes d’ici.

L’unité a effectué des trajets entre Toronto et Montréal, ainsi qu’entre Toronto et le Texas. Plus de deux douzaines de flottes, parmi lesquelles certaines des plus connues de la région de Toronto, ont officiellement exprimé leur intention d’acheter un ensemble de 1 696 systèmes de cette technologie, affirme le cofondateur et PDG de Javelin, Addwiteey Chrungoo.

Le Blackbird de Javelin Robotics (Photo : Javelin Robotics)
Le Blackbird de Javelin Robotics (Photo : Javelin Robotics)

Il ne dévoile pas lesquelles de ces flottes sont impliquées, en vertu d’accords de confidentialité, mais souligne qu’il s’agit d’entreprises de petite et moyenne tailles, qui auraient été largement négligées par les autres développeurs de solutions de camionnage autonome.

Plus d’itinéraires, conditions spécifiques

Ce n’est pas la seule différence.

Plutôt que d’essayer de mettre au point un camion capable de rouler de manière autonome le long d’un corridor spécifique dans toutes les conditions routières, Javelin Robotics souhaite desservir un plus grand nombre d’itinéraires, sous des conditions spécifiques toutefois.

«Notre théorie est que, si nous pouvons conduire 100 % des itinéraires 30 % du temps, nous apporterons plus de valeur aux entreprises à long terme, car la pénurie de chauffeurs n’est pas limitée à une zone géographique particulière», explique M. Chrungoo.

Les camionneurs affectés aux véhicules équipés par Javelin Robotics entrent leurs destinations dans un système de navigation et suivent les itinéraires recommandés, qui identifient les endroits où les contrôles de niveau 4 peuvent prendre le relais, d’une simple activation d’un interrupteur. Même les conditions météorologiques sont prises en compte. Et lorsque les conditions sont réunies, le trajet est surveillé par des caméras RVB à courte et longue portée, des caméras thermiques, des LiDAR et des radars.

«Elle est basée sur la situation géographique et les prévisions météorologiques pour ces moments spécifiques», explique Addwiteey Chrungoo. Il compare cette stratégie à celle des «robots-taxis» qui ne font pas de virages à gauche non protégés et ne circulent pas dans les zones où se trouvent des hôpitaux ou des écoles.

«Nous disposons d’estimations assez précises des conditions météorologiques à venir. Nous n’avons pas nécessairement besoin de conduire de manière autonome dans toutes ces conditions.»

En se concentrant sur une «plus petite part du gâteau», les technologies hautement autonomes pourraient être mises de l’avant plus rapidement, ajoute M. Chrungoo.

L'intérieur du Blackbird (Photo : Javelin Robotics)
L’intérieur du Blackbird (Photo : Javelin Robotics)

Travailler avec des copilotes

Javelin Robotics estime par ailleurs que des copilotes humains resteraient dans les cabines que la compagnie adapte, partageant ainsi les tâches de conduite avec le matériel autonome. Mais lorsque la technologie du camion est aux commandes, la vision est que le conducteur soit ailleurs dans la cabine et que son temps soit comptabilisé comme autre chose que des heures de «service/conduite».

«En tant qu’industrie, nous sommes devenus trop enthousiastes à l’idée de retirer le conducteur du camion», dit-il, faisant référence à ses pairs. «Pour résoudre les pénuries de main-d’œuvre, il ne faut pas nécessairement que le camion doive rouler sans conducteur humain.»

Javelin Robotics croit que cette approche peut mieux servir les transporteurs possédant entre 100 et 1 500 camions, car ils n’empruntent pas nécessairement les mêmes itinéraires tous les jours, ne disposent pas des ressources nécessaires pour transférer les cargaisons d’un camion à l’autre et combinent de la marchandise obtenue à la fois par le biais de marchés au comptant et de contrats.

«Pour eux, il n’est pas pratique d’utiliser un système sans chauffeur qui n’emprunte qu’un itinéraire fixe et qui les oblige à avoir des camionneurs aux deux extrémités du spectre», explique M. Chrungoo.

Il ajoute qu’un système développé indépendamment d’une marque de camions en particulier reflète également les réalités des flottes mixtes.

(Photo : Javelin Robotics)
(Photo : Javelin Robotics)

Soutenu par Y Combinator

M. Chrungoo n’en est pas à ses premières armes dans le camionnage autonome. Il était ingénieur en planification des mouvements chez Starsky Robotics, qui a fermé ses portes depuis, avant de travailler avec l’accélérateur d’entreprises NEXT Canada pour donner vie à Javelin Robotics. Y Combinator, qui avait également investi dans Starsky Robotics, a investi 500 000 $ dans ce projet.

Son équipe «super agile» de cinq personnes, dont quatre sont établies au Canada, est en fonctions depuis décembre 2020.

«Nous avons réalisé des progrès considérables avec cette équipe», déclare M. Chrungoo, en évoquant l’évolution du système. Ils travaillaient même, jusqu’à récemment, dans un garage près de l’aéroport Pearson de Toronto.

Il ne révèle pas le nombre de kilomètres parcourus jusqu’à présent, soulignant que l’accent doit être mis sur le nombre de scénarios et de conditions abordés. (Le Blackbird a même roulé sous contrôle autonome sur des autoroutes dont le marquage des voies était obstrué par la neige). Un camion pourrait parcourir «un milliard de kilomètres au milieu de la nuit» sans être exposé à différents défis, dit-il.

«Ce n’est pas une question de kilomètres. Il s’agit de la nature de ce à quoi vous exposez votre système.»

Aussi canadiennes que les racines de l’entreprises puissent être, la stratégie de commercialisation semble résolument viser le marché américain. Vingt-deux États traitent désormais les systèmes de conduite de niveau 4 comme des conducteurs titulaires d’un permis de conduire, explique-t-il, faisant référence à un changement réglementaire majeur.

Les parcours autonomes de ce côté-ci de la frontière pourraient cependant devoir attendre.

«Le gouvernement est très, très favorable et il en voit la nécessité», insiste-t-il, citant en exemple les projets pilotes menés en Ontario. «Lorsque le moment sera venu, je crois que nous travaillerons également à faire adopter des réglementations au Canada.»

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