L’ACC et les Teamsters font front commun à Ottawa pour fustiger le modèle Chauffeur inc.

Avatar photo

Crise. Atrocité. Escroquerie. Voilà quelques-uns des mots qui ont été utilisés aujourd’hui lorsque l’Alliance canadienne du camionnage (ACC), des transporteurs membres et Teamsters Canada se sont rendus sur la Colline du Parlement pour s’insurger contre le stratagème Chauffeur inc. qui consiste à classer à tort des chauffeurs employés comme entrepreneurs indépendants.

Les représentants de l’ACC, dont le président Stephen Laskowski et les membres Claude Robert (président de Robert Transport) et Scott Tilley (président du Groupe Tandet), ainsi que les dirigeants de Teamsters Canada, ont imploré le gouvernement fédéral, lors d’une conférence de presse, de prendre des mesures contre ce stratagème de plus en plus répandu, et ce, dans les termes les plus vigoureux à ce jour.

« Nous sommes ici aujourd’hui pour tirer la sonnette d’alarme », a déclaré M. Laskowski. « La sonnette d’alarme est tirée depuis de nombreuses années : il y a une crise dans notre secteur, un abus de main-d’œuvre financé par un stratagème fiscal. »

Claude Robert prend la parole lors d’une conférence de presse de l’ACC et des Teamsters sur la Colline du Parlement, sous le regard de John McCann, directeur du transport de marchandises et du transport en citerne de Teamsters Canada, et de Scott Tilley, du Groupe Tandet. (Capture d’écran)

Il a fait remarquer que l’utilisation de Chauffeurs inc. dans le secteur du transport routier a augmenté de 17% entre 2018 et 2021 alors que, dans l’économie en général, l’utilisation « d’employés à base zéro » (n.d.l.r. dont le statut change du jour au lendemain pour ne plus être un employé) a diminué de 1%. « C’est stupéfiant », a-t-il déclaré.

Les conducteurs qui déclarent leurs revenus en tant qu’entreprises de services personnels (ESP) paieraient naturellement plus d’impôts que les conducteurs salariés, a poursuivi M. Laskowski, indiquant qu’il n’y a aucun avantage pour les conducteurs d’entreprise à opérer en tant qu’indépendants lorsqu’ils conduisent du matériel roulant appartenant à l’entreprise.

« Posez-vous la question : pourquoi quelqu’un ferait ça? Pourquoi quelqu’un paierait plus? Pourquoi quelqu’un renoncerait-il à ses droits en matière de travail? »

Enquête d’ESCD sur Chauffeur inc.

Selon le président de l’ACC, une enquête d’Emploi et développement social Canada (ESDC) a révélé que 60 % des transporteurs examinés opéraient de cette manière. Mais, a-t-il déploré, le gouvernement fédéral n’a pas fait grand-chose pour réprimer cette pratique. Laskowski ajoute que la promesse faite dans l’exposé économique fédéral de l’automne dernier de consacrer 26 millions de dollars à la lutte contre les abus liés à Chauffeur inc. n’a pas encore été confirmée.

Il a ajouté que l’Agence du revenu du Canada (ARC) n’a pas non plus agi. Les promesses d’inclure dans le dernier budget fédéral des dispositions visant à lutter contre Chauffeur inc. sont restées lettre morte, a-t-il ajouté. M. Laskowski a demandé à ESDC et à l’ARC de mettre en place des mesures d’application « significatives » à l’encontre des transporteurs qui engagent des Chauffeurs inc.

« Enfin et surtout, il faut travailler ensemble sur des audits conjoints, en commençant par les 60 % de transporteurs qui ont déjà commis des infractions », a-t-il insisté.

Scott Tilly est d’avis qu’il s’agit d’une crise nationale généralisée qui fait en sorte d’exploiter des travailleurs vulnérables et qui met en péril la sécurité publique.

« Chauffeur inc. nous affectera tous et le temps presse », a-t-il averti, ajoutant que « le tissu canadien est attaqué par ce programme ».

« Si nous échouons, a-t-il ajouté, notre industrie régressera d’au moins 40 ans. »

Éviter les déductions et les cotisations

M. Tilley s’en prend directement aux employeurs qui, selon lui, « imposent le modèle Chauffeur inc. à des personnes non averties ».

Ces employeurs, quant à eux, n’offrent souvent pas de congés payés, de jours fériés, ni de déductions et de cotisations au titre du Régime de pension du Canada, de l’assurance-emploi ou de l’indemnisation des accidents du travail. En Ontario et en Colombie-Britannique, a-t-il ajouté, ils ne paient pas d’impôt sur la santé des employeurs, ce qui prive les caisses provinciales des fonds nécessaires à l’embauche de médecins et d’infirmières.

« Il y a peu de règles pour les Chauffeurs inc. Il n’y a que celles qu’ils inventent ou qu’ils ne peuvent pas contourner », a-t-il déclaré. « Il me semble que ce n’est pas tout à fait légal. Il semble qu’il s’agisse d’un groupe peu recommandable. Nous devons mettre fin aux atrocités infligées à des milliers de chauffeurs à travers le Canada. »

Le président de Teamsters Canada, François Laporte, a appuyé la position de l’ACC, ajoutant : « C’est très préjudiciable pour l’industrie ».

« Les camionneurs engagés sous un modèle Chauffeur inc. ne sont pas seulement privés de protections essentielles, comme l’indemnisation des accidents du travail et l’assurance-emploi, mais ils sont également dupés puisqu’on leur fait croire qu’ils auront des revenus plus élevés », s’élève M. Laporte. « Rien de tout cela n’est légal, et ils pourraient finir par perdre des dizaines de milliers de dollars s’ils sont audités. Puisqu’ils manquent d’informations sur les droits et obligations au Canada, les nouveaux Canadiens et les travailleurs étrangers temporaires sont particulièrement vulnérables à être exploités par ce stratagème. »

Les transporteurs québécois grandement préoccupés

Dans un communiqué de presse connexe, l’Association du camionnage du Québec s’est jointe à ceux qui réclament la fin de Chauffeur inc.

« Le stratagème Chauffeur inc. coûte aux gouvernements au moins 1 milliard de dollars annuellement. C’est de l’argent qui devrait servir à construire nos infrastructures et à sécuriser notre tissu social, mais qui enrichit plutôt des entrepreneurs véreux. Il faut que ça cesse!», exhorte Marc Cadieux, PDG de l’ACQ, dans un communiqué émis conjointement par l’ACQ, l’ACC et les Teamsters.

Dans le même communiqué, M. Robert se dit grandement préoccupé par le futur de l’industrie du camionnage et s’adresse directement aux Chauffeurs inc.: « Nous sommes des centaines de transporteurs honnêtes au Canada à offrir des conditions de travail avantageuses aux conducteurs expérimentés, conformément aux normes en vigueur. Sortez de ce piège en venant vers nous! Nous avons besoin de vous et vous êtes plus que bienvenus! »

À la suite de la conférence de presse, le Cabinet du ministre du Travail du Canada nous a fait parvenir ces commentaires.

« La classification erronée des employés nuit aux travailleurs en les privant de leurs droits fondamentaux, notamment le salaire minimum, les congés de maladie payés, le droit de se syndiquer, l’indemnisation des accidents du travail et les cotisations de l’employeur à l’assurance-emploi et au régime de pensions du Canada (RPC). Notre gouvernement privilégie une approche axée sur l’éducation pour mettre fin à cette pratique discriminatoire. Les employeurs qui continuent d’enfreindre sciemment la loi après avoir été informés et sensibilisés seront tenus responsables. »

« Le Canada dispose d’un code du travail qui consacre les droits des travailleurs. Nous veillons à ce que ces droits soient connus, respectés et protégés. »

-Avec des ajouts de Steve Bouchard

Donnez votre avis

Vos données ne seront ni publiées, ni partagées.

*