Le défaut d’entretien d’un véhicule peut constituer de la négligence criminelle

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Par : Rosemarie Sarrazin, Sociétaire – Miller Thomson LLP (Montréal)

Les indicateurs d’une récession étant déjà bien amorcés, il semble à propos de rappeler que l’entretien de sa flotte de véhicules, et particulièrement des véhicules lourds, constitue plus qu’une mesure de saine gestion d’entreprise. En effet, un manque d’entretien peut engendrer des conséquences graves pour l’entreprise propriétaire des véhicules, telles que des accusations criminelles.

C’est ce qui s’est produit dans une affaire[1] dans laquelle la Cour du Québec a rendu une décision à la fin 2019.

Dans cette affaire, la compagnie accusée était une entreprise familiale œuvrant à titre d’entrepreneur général et de consultante en génie civil et en démolition. L’entreprise était notamment propriétaire d’un camion porte-conteneur automatique douze roues de marque Volvo de l’année 1997.

Le 11 septembre 2012, un accident mortel impliquant ce camion lourd est survenu. La preuve au procès a révélé que la situation financière de l’accusée était assez précaire au moment de l’accident et dans les années précédentes. La compagnie accusée n’effectuait des modifications de pièces que lorsqu’elles étaient usées «à la corde». La poursuite a démontré que le système de freinage du camion était dans un état d’usure avancée, et l’inspection suivant l’accident a permis de confirmer que les freins ne fonctionnaient qu’à 53% de leur capacité maximale.

Dans les mois précédant l’accident, le conducteur du camion, Albert Paradis, avait averti la compagnie accusée du mauvais fonctionnement du camion à de nombreuses reprises. Le mécanicien de l’entreprise avait lui aussi évoqué, une semaine avant l’accident, que le système de freinage du camion était très défectueux.

La politique de la compagnie accusée d’attendre l’usure maximale des pièces avant qu’elles soient remplacées lui a été reprochée, de même que l’absence de gestion et de preuve fiable de l’entretien du camion en cause. Le fait que la personne responsable de l’entretien n’avait pas de directives précises quant à l’entretien, les réparations et la tenue de dossiers et n’avait pas un environnement de travail adéquat et l’équipement nécessaire ont également été considérés par la Juge.

Considérant la preuve présentée, la Cour du Québec a conclu qu’une « personne raisonnable, placée dans les circonstances de l’accusée, aurait été consciente de l’imprudence de laisser circuler le camion Volvo sur la route. Son état mécanique lamentable entraînait un risque déréglé et téméraire pour la sécurité du camionneur et de toute personne croisant son chemin. »

Ainsi, la compagnie accusée a été trouvée coupable d’avoir causé la mort de son employé par négligence criminelle, et condamnée à une amende de 345 000 $, en plus d’une probation de trois ans assortie de plusieurs conditions.

Cette affaire devrait donc servir de rappel et d’avertissement pour toutes les entreprises détenant des flottes de camions : elles doivent poser des actes et prendre des mesures précises pour s’assurer que leur équipement reçoit l’entretien requis. Toutes plaintes et tous avertissements, ou commentaires relativement à l’état de l’équipement devraient par être pris au sérieux et le suivi sur ces plaintes devrait être documenté.


[1] R. c. CFG Construction inc., 2019 QCCQ 1244; R. c. CFG Construction inc., 2019 QCCQ 7449. La décision a été portée en appel, mais aucun jugement sur le fond de l’appel n’a encore été entendu.

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Me Rosemarie Sarrazin est sociétaire chez Miller Thomson LLP (Montréal).

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  • Par contre, et selon moi, la négligence ayant causé le décès aurait dû être partagée avec le mécanicien qui a laissé faire ainsi que le conducteur qui était au courant et qui a tout de même pris le volant malgré la gravité des problèmes. Puisque la loyauté envers l’employeur ne pouvait s’appliquer dans ce cas précis.