Le Maître des données: Jacques DeLarochellière

Le fondateur d’ISAAC met la science au service d’une meilleure expérience de conduite

« Afin de mieux vous servir, veuillez entrer votre numéro de compte à l’aide de votre clavier téléphonique. » Nous avons tous déjà répondu à ce genre de message préenregistré. Et lorsqu’on arrive à parler à quelqu’un du service à la clientèle, la première chose que cette personne nous demande c’est… ce même numéro de compte.

Les chauffeurs de camions peuvent certainement s’identifier à ce genre de frustration. Après avoir attelé une remorque à un terminal, on peut très bien leur demander le même numéro d’identification de cette remorque, encore et encore. De la même manière, des informations jugées manquantes dans un livre de bord peuvent mener à des constats d’infraction et à des amendes.

« Le système connaît déjà cette information, le chauffeur n’a pas besoin d’intervenir », dit-il, insiste Jacques DeLarochellière, président fondateur d’ISAAC Instruments, dont le siège social se trouve à St-Bruno, sur la Rive-Sud de de Montréal.

Pourtant, les chauffeurs se retrouvent se souvent dans de telles situations. « Le chauffeur, il conduit un peu et il est beaucoup un gestionnaire », dit-il au sujet de tâches administratives telles que les rapports sur les heures de service, sur les inspections avant départ ou encore la paperasse liée aux douanes ou aux taxes sur le carburant.

Le fait de recueillir les données et de mieux les utiliser pour gérer une flotte peut faire toute la différence.

« Les opinions c’est intéressant, pourvu qu’elles soient appuyées par des données », est une expression que M. DeLarochellière aime bien utiliser.

Il préfère aussi parler de télémétrie plutôt que de télématique. Pour lui, la télématique représente toute forme de communication entre l’humain et le camion, alors que la télémétrie serait plutôt « de la télématique à haute intensité. »

Avant qu’ISAAC Instruments choisisse de concentrer ses efforts sur l’industrie du camionnage, la firme agissait à titre de consultant auprès de constructeurs automobiles, testant de l’équipement sur des pistes d’essai et recueillant jusqu’à 1000 échantillons de données à la seconde en fonction de centaines de paramètres différents.

« Dans le transport, on est vus comme des extra-terrestres avec 100 échantillons à la seconde sur une quarantaine de paramètres », dit-il. La norme habituelle de la télématique en camionnage serait plutôt de quatre ou cinq paramètres aux 10 secondes.

Ce désir d’établir toujours plus de connexions s’est poursuivi au fil du temps.

C’est ainsi qu’ISAAC Instruments a mis en place une zone wi-fi autour des camions dotés de sa technologie, rehaussant les capacités de communication de la machine et du chauffeur, dans un environnement qualifié « d’Internet des camions ».

M. DeLarochellière vit cette passion de la performance alimentée par les données depuis la fin de son adolescence, alors qu’il était pilote de kart sur des circuits de course.

Son esprit d’entreprenariat lui est également venu assez tôt dans la vie, alors qu’il achetait des voitures à l’encan pour les réparer et les revendre à profit. Lorsqu’il avait 15 ans, il travaillait dans un garage de Montréal où la fin de la journée représentait l’un de ses moments préférés, puisque c’est à lui qu’on demandait de conduire les voitures pour la ramener à l’intérieur du bâtiment. Parallèlement, il poursuivait des études qui devaient le mener à l’obtention d’un baccalauréat en génie mécanique.

Et même s’il nourrit un amour sans borne aux voitures depuis sa tendre enfance, M. DeLarochellière refuse catégoriquement l’idée qu’un camion-remorque puisse être considéré comme moins sexy qu’un bolide de course.

« Les deux sont de belles bêtes qu’il faut savoir dompter », dit-il.

Le pionnier est fier du chemin parcouru par son entreprise. Il affirme qu’ISAAC contrôle plus de la moitié des parts du marché de la télématique en camionnage au Québec. Avec l’appui de ses comparses David Brillon et Jean-Sébastien Bouchard, ils ont su faire croître l’entreprise de façon organique, chaque étape de cette ascension étant autofinancée.

Et même si cette croissance s’est faite de façon toute naturelle, l’ancien pilote de course remonte vite à la surface lorsqu’il est question de l’objectif de devenir le plus important fournisseur de services télématiques au Canada. « Vous n’avez aucune idée à quel point je déteste la deuxième place », dit-il en riant.

Cet aspect devient particulièrement important pour ISAAC alors que le Canada se prépare à rendre obligatoires les dispositifs de consignation électroniques (DCE) pour les transporteurs sous réglementation fédérale dès juin 2021.

L’entreprise fait partie de celles qui ont su tirer des leçons de l’expérience américaine, où les transporteurs ont eu à composer avec une obligation similaire – quoique différente à plusieurs égards – à celle à venir au Canada.

« L’auto-certification des fournisseurs a été un fiasco », dit M. DeLarochellière au sujet de la démarche de nos voisins du sud, alors qu’au Canada ces dispositifs devront être certifiés par une tierce partie indépendante. Il doute même que la moitié des unités déployées aux États-Unis soient techniquement conformes aux exigences de la U.S. Federal Motor Carrier Safety Administration (FMCSA).

La question prend toute son importance lorsqu’on sait que ce sont les transporteurs qui ont à porter le fardeau d’une éventuelle non-conformité de leurs DCE. Il rappelle qu’en bout de ligne, c’est l’utilisateur du camion qui est responsable de sa conformité en cas de contravention ou s’il est impliqué dans un accident de la route, pas le fabricant d’un dispositif embarqué.

« C’est la leçon à tirer de cette expérience-là », dit-il.

D’autres technologies liées au camionnage piquent l’intérêt de M. DeLarochellière, qui suit de près les expériences sur le suivi en peloton, les camions autonomes ou encore les systèmes de gestion de places de stationnement disponibles pour les poids lourds. Il préfère toutefois se concentrer sur la télémétrie pour le moment.

Il y a encore tant de données à maîtriser.

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