Le millénial: David Colletto

David Coletto croit que le camionnage a ce qu’il faut pour attirer les membres de sa génération

Une bonne partie des chauffeurs de camions du Canada sont sur la voie de la retraite. Des recherches menées par l’Alliance canadienne du camionnage indiquent que le camionneur moyen au pays est âgé de 48 ans, plus que la main-d’oeuvre en général.

Pour combattre la pénurie de chauffeurs qui va grandissant, il est clair que l’industrie a besoin de sang neuf. Néanmoins, l’attraction de candidats nés après 1980 peut représenter son lot de défis.

Âgé de 38 ans, David Coletto est PDG d’Abacus Data et se trouve au coeur de ce groupe démographique. Sa connaissance des autres milléniaux attire l’attention partout,
lors des conférences qu’il prononce pour des organisations du milieu du transport, RH Camionnage Canada par exemple. D’emblée, il admet qu’il n’est pas tout à fait à l’aise sur scène derrière un micro. S’il avait le choix, il préférerait laisser les chiffres parler d’eux-mêmes. M. Coletto se décrit comme un introverti, quelqu’un qui observe les gens et qui se passionne par ce qu’il peut apprendre d’eux. « Je déteste les bavardages de convenance », avoue-t-il. Chose certaine toutefois, il apprécie les conversations franches autour de concepts bien ciblés.

Dans un premier temps, il estime que tout effort déployé par des gestionnaires de flottes pour mieux comprendre les milléniaux représente un pas dans la bonne direction. « Ce que je propose, c’est de vous mettre dans la peau de personnes qui ne sont pas comme vous, qui n’ont pas la même expérience de vie, qui n’ont pas eu les mêmes opportunités ou qui ne voient pas le monde à travers le même prisme », dit-il, soulignant qu’à son avis une telle ouverture d’esprit est signe de grandes capacités de leadership.

Ouvrir les portes de son entreprise aux milléniaux implique de le faire aussi à d’autres groupes sous-représentés dans l’industrie – les femmes, les communautés autochtones, les gens d’horizons culturels variés, ajoute-t-il. D’autre part, ce serait une erreur de voir les milléniaux comme un groupe homogène. Selon M. Coletto,
l’environnement dans lequel une personne grandit continue d’avoir une influence majeure sur sa façon d’envisager le monde, peu importe son groupe démographique.

« Ce ne sont pas des automates, ils ne pensent pas tous de la même manière. »

L’une des plus célèbres recherches menées par Abacus Data – qui s’est penchée sur les différences existant entre les milléniaux américains et canadiens – en fait la démonstration de façon éloquente.

« L’environnement économique, politique et social n’est pas le même au Canada et aux États-Unis », explique-t-il. À titre d’exemple, le niveau d’endettement étudiant est nettement plus élevé aux États-Unis. « Ça a un impact sur leur capacité d’accès à la propriété, leur façon de préparer leur avenir, les choix qu’ils font », dit-il.

À la lumière de ce qu’il a appris par le biais de plusieurs groupes témoins et sondages, il croit que les milléniaux trouveront leur place dans l’industrie du camionnage – même si cela devait impliquer que certaines flottes changent leur approche en matière de ressources humaines.

La façon de présenter une offre d’emploi en est un bon exemple. Bien sûr, les milléniaux veulent gagner leur vie honorablement, comme tous les autres travailleurs. Leur attention sera toutefois davantage attirée par les choses que l’argent leur permettra de faire que par la somme d’argent en elle-même.

Parce que les milléniaux veulent que leur emploi ait un sens, ils pourraient être attirés par un travail dans une industrie qui, littéralement, fait rouler l’économie. Et le camionnage de longue distance pourrait leur offrir la flexibilité et l’indépendance qu’ils recherchent dans la sphère professionnelle.

RH Camionnage Canada estime que 12% des milléniaux – environ 1 million de personnes – peuvent être vus comme des candidats prometteurs, intéressés par ce genre d’emplois. « D’une certaine manière, on y gère soi-même son temps et ses efforts. Cette expérience devient la vôtre en quelque sorte », dit M. Coletto au sujet de l’attrait de la vie sur la route. Mais d’abord et avant tout, il croit que l’industrie du camionnage devrait savoir se mettre de l’avant de façon plus
dynamique qu’elle l’a fait jusqu’à maintenant. Elle n’a pas le choix de changer.

Il aime bien citer Blockbuster à titre d’exemple d’entreprise qui n’a pas su s’adapter assez rapidement, contrairement à Netflix qui a vu venir la révolution de l’industrie du divertissement. L’une de ces entreprises vaux maintenant plusieurs milliards de dollars. L’autre est devenue synonyme d’échec.

Ses conseils et ses observations s’appuient sur des chiffres.

« Nous utilisons la recherche, nous utilisons les données pour aider nos clients à prendre de meilleures décisions », indique M. Coletto, précisant que de telles recherches menées par Abacus Data ont contribué au design et à la fixation du prix de plusieurs produits.

Le nom de son entreprise (abacus signifie boulier en anglais) en est une illustration.

« Le boulier est un instrument utilisé depuis des siècles pour compter, analyser », dit-il. De toute évidence, M. Coletto et son équipe utilisent des méthodes plus avancées pour colliger et analyser les données en cette ère numérique mais ils n’oublient « jamais ce que sont les principes fondamentaux de la recherche auxquels nous devons nous conformer. Nous avons encore à apprendre de la manière dont on faisait les choses il y a des centaines, des milliers d’années. Cela demeure pertinent de nos jours. »

Les outils de calcul ont peut-être changé, mais il demeure confiant quant à la puissance des données. Lorsqu’utilisées avec discernement, elles peuvent mener une industrie entière vers de nouveaux horizons.

Donnez votre avis

Vos données ne seront ni publiées, ni partagées.

*