Le ralentissement fait mal aux voituriers remorqueurs et aux petites flottes

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Quand la demande de transport baisse, les camionneurs indépendants et les petites flottes, qui ne disposent pas des ressources et des capitaux des grandes entreprises, sont les premiers à en payer la note, parfois chèrement.

Certains ont choisi de fermer les livres volontairement, d’autres se sont vus contraints de remettre leurs clés. Le nombre de reprises de finance est en forte hausse depuis quelques semaines déjà.

Le site web du Groupe Gamache comprend d’ailleurs un onglet consacré aux reprises de camions. On y trouve un grand nombre de véhicules, dont plusieurs sont des modèles récents : un Volvo VNL 860 2023, un Kenworth T680 2023 ou bien un Freightliner Cascadia 2023.

«Je vois beaucoup de compagnies qui “raccrochent la roue”, confirme Michael Deschambault, spécialiste de l’affacturage chez Affacturage JD. «On en voit beaucoup qui décident de fermer leur business parce qu’il y a moins de voyages et qu’ils sont moins rentables. C’est plus ça que l’on voit, plus que des faillites.»

(Photo : MTQ)

Une grande ampleur

Éric Corriveau, vice-président des services financiers pour Globocam, constate une petite hausse du phénomène pour le Québec, surtout comparé à l’Ontario où c’est très fréquent. Il précise néanmoins que, puisque les gens utilisent plusieurs institutions financières, toutes les informations ne sont pas disponibles.

Cependant, pour Michael Lussier, directeur des ventes pour Camions Lussicam et directeur des opérations pour Remorquage Lussicam, ainsi que pour Pascal Langlois, directeur des ventes pour Groupe Gamache, l’augmentation est flagrante.

«Depuis la dernière année, on remarque une bonne augmentation, de 30 à 40 %, dans les reprises de finance», a indiqué Pascal Langlois.

Michael Lussier nous a fait part du même pourcentage. «Il y a même des flottes de taille moyenne», indique-t-il. «Ce n’est pas juste un camion à la fois. Je remarque des reprises de 5 à 10 camions et 15 à 20 remorques. C’est quelque chose que l’on ne voyait pas beaucoup avant.»

Il ajoute que l’augmentation  devrait se stabiliser vers mars-avril. «On souhaite que ça se replace. Il y a certains indicateurs qui montrent que ce sera le cas, mais pas tout de suite.»

Trop d’offre, pas assez de demande

La principale cause de cette dure situation, c’est qu’il y a trop de camions pour la quantité de marchandises à transporter sur le territoire. En gros, beaucoup trop d’offre, pas assez de demande. Cela mène donc à une baisse des tarifs de transport, ce qui n’est pas aidé par l’augmentation du prix du diesel, bien qu’il soit en baisse depuis quelques semaines.

«L’industrie du camionnage ne suit pas les courbes normales de l’offre et de la demande», explique Éric Corriveau. «C’est donc très difficile de diminuer les camions de la flotte quand la demande baisse. Dans ce cas-là, tout le monde a tendance à baisser ses prix pour essayer de garder les camions sur la route. Ça devient difficile pour tout le monde.»

Michael Lussier nous a confié que même la remise et la vente des camions ne sont pas profitables pour les indépendants, car «il y a eu une bulle de la valeur des camions pendant la Covid-19; les gens ont acheté des camions surévalués pendant deux ans. S’ils essaient de vendre leurs camions, il peuvent arriver 20% en bas de ce qu’ils doivent dessus.»

À cette tempête parfaite, ajoutons les primes d’assurances que certaines indépendants ne peuvent plus absorber.

Les répercussions sur l’industrie

Pour Michael Lussier, cette situation est un cercle vicieux pour les petits transporteurs. «Ca remet beaucoup d’unités sur le marché, en plus du cycle naturel de ventes et reventes de camions neufs et usagés, alors que ce n’est pas nécessaire.»

Michael Deschambault croit que ce phénomène risque de créer un manque de transporteurs. Cela mettra certes une plus grande pression à la hausse sur les taux, mais pourrait être profitable en termes d’acquisitions. «Ça va créer une consolidation de différentes compagnies de transport, ce qui veut dire que l’on pourrait voir des moyennes entreprises acheter des plus petites, ou des plus grosses acheter des moyennes.»

Mais si l’augmentation des reprises de finance est encore bien présente, il est possible de voir une stabilisation en mars ou avril. «Ça va encore s’aggraver dans les quelques mois à venir, puis ça va se stabiliser», confie Pascal Langlois.

Conseils et solutions

Nos spécialistes nous ont fait part de plusieurs conseils afin que les voituriers remorqueurs et les petites flottes n’en viennent pas à remettre leurs camions et à perdre leur emploi, à commencer par avoir une bonne gestion et organisation de leurs affaires.

«En réalité, il est important de vérifier la rentabilité des voyages et de s’assurer qu’en bout de ligne, le camion ne fait pas que simplement rouler», illustre Michael Deschambault.

«Il faut être sûr d’avoir une rentabilité,  si on n’est pas en mesure de se créer un coussin, quand il arrive un imprévu, ça devient difficile. Il ne faut pas non plus accepter n’importe quel voyage.»

Pascal Langlois pense qu’il faut laisser le temps au marché de se reprendre. «Une reprise économique va aider, car ça va apporter une plus grande demande de transport, ce qui va faire en sorte que les prix vont redevenir viables.»

Michael Lussier est du même avis et croit qu’un ménage va se faire avec les compagnies qui ne pourront pas survivre ou seront acquises. «Cela permettra d’égaliser l’offre et la demande et, ainsi, de stabiliser les taux pour créer un environnement favorable aux transporteurs.»

Éric Corriveau conseille quant à lui de demander de l’aide aux institutions financières. «Elles sont ouvertes à refinancer le prêt, à remettre des paiements à la fin, à baisser temporairement des paiements. Elles tentent de garder leurs clients en affaires au lieu de les laisser tomber.»

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