L’électricien: Marc Bédard

Marc Bédard et la compagnie Lion sont branchés sur l’intérêt croissant envers les camions électriques

Il y a un peu plus de trois ans, Marc Bédard a été invité à prononcer une conférence sur la possibilité que des camions lourds soient électrifiés. La même organisation l’a invité de nouveau cette année, mais cette fois pour parler du niveau de rentabilité des camions électriques.

« Il n’y a plus de doute quant à la faisabilité des camions électriques. Tout est maintenant sur l’aspect économique », dit le président de la Compagnie Électrique Lion, qui a récemment dévoilé un prototype, puis des modèles de production d’un camion de classe 8 connu sous le nom de Lion 8.

L’intérêt à l’égard du modèle d’affaires s’est rapidement transformé en commandes fermes, provenant notamment d’organisations aussi solides que le CN. Il est désormais en concurrence directe avec d’autres constructeurs – certains émergents, d’autres plus établis – pour se tailler une part du marché relativement nouveau des camions électriques.

L’entreprise a son siège social à St-Jérôme au Québec – en plus de centres d’affaires en Californie et dans l’État de New York – et a été fondée en 2008, peu de temps après que M. Bédard ait quitté son poste de spécialiste en fusions et acquisitions chez PricewaterhouseCoopers (PwC).

Lion s’est d’abord concentrée sur la fabrication d’autobus scolaires électriques. L’idée de créer des camions électriques destinés à des applications de portée locale ou régionale est venue de gestionnaires de flottes de camions qui avaient vu les bus Lion en action.

M. Bédard dit qu’il veut offrir au marché des camions électriques efficaces, prêts pour le travail et qui ne ressemblent pas à des « soucoupes volantes ».

« Ce n’est pas parce qu’on amène des technologies qui sont nouvelles et innovatrices sur le marché qu’on est obligés de faire des folies. On appelle ça de l’innovation contrôlée », dit-il.

Le passage du diesel à la motorisation électrique est déjà un pas important à franchir pour plusieurs professionnels du transport par camion, alors rien ne sert de chambouler complètement leur conception de la manière de faire du transport routier, estime M. Bédard.

Quelque chose d’aussi simple que l’emplacement du volant dans les camions Lion est le fruit de vastes consultations, évaluant par exemple la pertinence de le placer au centre de la cabine.

« Ça fait des années qu’ils conduisent à gauche et aucun ne nous a dit vouloir conduire au centre », dit-il au sujet de l’exercice de consultation au cours duquel plus de 500 chauffeurs ont été sondés. Par ailleurs, un environnement de travail avec lequel les chauffeurs sont familiers contribue à leur rétention, estime-t-il.

M. Bédard et son équipe de 150 membres – dont 70 ingénieurs – appliquent la même logique afin de répondre aux besoins des techniciens en mécanique. Chaque fois que c’est possible, ce sont des composantes conventionnelles qui sont utilisées sur les camions électriques Lion. Au milieu de technologies émergentes telles que les blocs de batteries, des essieux Dana des et des systèmes de freinage antiblocage courants peuvent même être réconfortants jusqu’à un certain point.

Comptable agréé de formation, M. Bédard n’en est pas moins un féru de mécanique. « Quand j’étais plus jeune, je pouvais monter et démonter des motos. C’est beaucoup comme ça que je me suis fait les dents. L’ingénierie, la mécanique et les nouvelles technologies, j’ai toujours adoré ça », dit-il. « Je suis plus du type manufacturier que boutons de manchette et 35ème étage. »

Cela explique à quel point il apprécie l’interaction avec le processus de fabrication sur la chaîne de montage Lion.

La voiture qu’il conduit tous les jours illustre, elle aussi, l’intérêt de M. Bédard à l’égard des véhicules électriques. Il aime la sensation de cette expérience de conduite et l’énergie de décélération qui se fait sentir dès qu’il relâche l’accélérateur. D’autant plus qu’il sait très bien que cette même récupération d’énergie procure des avantages en matière d’entretien, une plus longue durée de vie des freins par exemple.

C’est exactement le même phénomène qui se produit dans un camion Lion.

« Les freins durent environ trois fois plus longtemps sur un véhicule électrique », dit-il. Les feux de freinage s’allument dès que la pédale d’accélération est relâchée pour éviter de se faire emboutir par l’arrière.

D’autres composantes pourraient durer plus longtemps dans un camion qui a été conçu dès le départ pour être électrique plutôt qu’une adaptation de plateforme diesel existante, estime M. Bédard. À titre d’exemple, les suspensions et les pneus pourraient bénéficier d’une répartition de poids optimisée grâce à la flexibilité des emplacements choisis pour installer moteurs et batteries.

Mais certains réflexes ont la vie dure dans l’industrie du camionnage, et M. Bédard doit souvent faire face aux mêmes défis que les constructeurs de camions conventionnels lorsque vient le temps d’établir les spécifications du groupe propulseur.

Les acheteurs qui ont tendance à opter pour un moteur diesel inutilement puissant sur un camion conventionnel sont les mêmes qui sont tentés de faire installer trop de blocs de batteries sur un véhicule électrique, alors que cela engendre des coûts supplémentaires et que ça nuit à la capacité de charge utile, souligne-t-il.

« Si tu as besoin d’un 3 ½, tu ne loues pas un 5 ½. C’est la même chose. »

Il faut également composer avec les questions qui portent sur le fonctionnement des batteries dans un climat nordique comme le nôtre. Selon le président de Lion, la chaleur extrême représente un défi plus important en matière de gestion des batteries.

« Le froid ne fait pas peur à l’électrique. En fait, le froid va sauver la durée de vie de la batterie », indique M. Bédard. Il ajoute que des blocs de batteries correctement branchés n’auront jamais de mal à faire démarrer un camion électrique bien conçu, peu importe l’intensité du froid hivernal.

Ce qui draine vraiment la puissance des batteries, c’est l’énergie servant à chauffer la cabine, dit-il. C’est pourquoi Lion suggère d’utiliser de petits réchauffeurs auxiliaires au diesel pour maintenir la cabine au chaud lors des jours froids. « C’est ce qu’on fait dans nos autobus scolaires, et leur cabine a 40
pieds de long ».

Sa réussite passera par la lutte aux fausses idées reçues et en gardant un oeil sur de nouvelles opportunités d’affaires. Selon M. Bédard, il faudra compter encore cinq ans environ avant l’arrivée de camions électriques de longue distance. Toutefois, des poids lourds d’autres types seront sur la route bien avant.

Lion compte bien s’en assurer.

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