Les futures normes d’émissions laissent les flottes dans le brouillard

Se préparer aux futures normes d’émissions, c’est comme essayer de conduire dans le brouillard, sans pouvoir voir ce qui nous attend. C’est le point de vue d’un gestionnaire de flotte, plus précisément celui de Paul Rosa, vice-président principal de l’approvisionnement et de la planification de la flotte chez Penske, qui s’est exprimé lors d’une table ronde à l’American Trucking Associations Management Conference & Exhibition sur le thème «Decoding Tomorrow’s Powertrain Landscape» (Décoder le paysage des groupes motopropulseurs de demain).

«En tant que flotte, nous conduisons dans le brouillard. Nous ne savons pas vraiment ce qui nous attend, ce à quoi nous devons nous préparer ou ce à quoi nous devons faire face», a-t-il déclaré. «Nous travaillons tous à l’aveuglette en tant que flottes jusqu’à ce que ces décisions soient vraiment finalisées. C’est un véritable défi.»

(Photo : iStock)

Il faisait référence aux différentes normes d’émissions en vigueur aux États-Unis, au niveau des États et au niveau fédéral. Il s’inquiète du marché californien, en particulier, où il pourrait y avoir un préachat d’ici les normes  de 2027, ce qui ferait que les flottes auraient du mal à obtenir le matériel dont elles ont besoin. Une fois que ces normes auront été mises en place telles quelles, les fabricants seront limités dans le nombre de camions qu’ils pourront vendre dans l’État, en fonction du nombre de camions à émissions nulles qu’ils auront déployés. Un pourcentage croissant de leurs ventes totales de véhicules en Californie devra être constitué de camions à émissions nulles, ce qui, bien entendu, s’accompagne de difficultés particulières telles que le manque d’infrastructures de recharge.

«Je me sens mal pour les flottes, les fabricants et les concessionnaires californiens», a souligné M. Rosa. « Il n’y aura tout simplement pas assez de camions pour la Californie. Je suis vraiment inquiet à ce sujet.»

Il a nommé le diesel, l’essence, le gaz naturel, le gaz naturel renouvelable, les véhicules électriques à batterie, les piles à combustible à hydrogène, les hybrides et les moteurs à combustion interne à hydrogène parmi les options qui seront envisagées.

«Les clients nous disent : “S’il vous plaît, aidez-nous. Nous n’arrivons pas à nous y retrouver”», a affirmé M. Rosa, ajoutant que les objectifs sont constamment modifiés. «C’est très frustrant. Nous devons être pragmatiques avec nos clients et réalistes avec nos propres dirigeants.»

L’approche de Penske consiste à tester toutes les options disponibles de manière ciblée dans le plus grand nombre d’applications possibles afin de déterminer celle qui convient le mieux. «J’espère que le brouillard se dissipera bientôt afin que des décisions plus judicieuses puissent être prises sur la base d’informations complètes et que nous puissions disposer d’un bon conducteur, capable de voir les virages et de s’y préparer», indique-t-il.

Qu’en est-il du GNR?

Cependant, Andrew Okuyiga, vice-président des affaires publiques chez UPS, craint que les législateurs négligent une option efficace pour réduire les émissions de carbone : le gaz naturel renouvelable. Cette technologie est devenue l’une des préférées d’UPS et elle a un bilan carbone négatif. Le méthane, qui est nocif pour l’environnement (80 fois plus puissant que le CO2) et qui est produit en abondance dans les fermes laitières, est converti en gaz naturel qui est non seulement moins cher que le diesel, mais aussi négatif en termes de carbone puisqu’il empêche le méthane de pénétrer dans l’environnement.

«Le GNR est notre outil le plus important pour réduire les émissions de carbone de la flotte terrestre d’UPS», a lancé M. Okuyiga. «Lorsque nous comparons le coût des véhicules au GNR à celui des véhicules électriques, nous constatons que le prix est nettement inférieur et que le coût total d’exploitation est également nettement inférieur. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour le GNR.»

Mais les nouvelles normes d’émission ne sont pas toujours compatibles avec le GNR, et M. Okuyiga aimerait que cela change. «Nous pourrions être contraints de passer de la méthode la plus efficace pour éliminer le carbone de notre réseau à des méthodes plus coûteuses et moins efficaces», mentionne-t-il.

Manque d’infrastructures

Sean Waters, vice-président de la conformité des produits et des affaires réglementaires pour Daimler Truck North America, a promis que les fabricants respecteraient les nouvelles normes d’émissions strictes qui se profilent à l’horizon, mais ce ne sera pas facile. En Californie, par exemple, dès 2024, les fabricants de camions et de moteurs devront satisfaire à des exigences de plus en plus strictes en pourcentage de leur production totale.

«Les normes sont de plus en plus strictes chaque année», a-t-il expliqué. «En Californie, nous devrons commencer par calculer le nombre de véhicules à émission zéro que nous vendons et, à rebours, le nombre de moteurs à combustion que nous pouvons vendre en vertu de la règle.»

Cela signifie qu’au moment de l’achat, il faudra fournir davantage d’informations sur le lieu d’immatriculation du camion afin que les fabricants puissent rester en conformité avec les règles californiennes. D’ici 2027, ces normes s’aligneront sur les exigences nationales de l’U.S. Environmental Protection Agency (EPA). La plus grande préoccupation de M. Waters reste l’infrastructure de recharge et de ravitaillement en carburant.

«Le succès de la règle dépend de la disponibilité d’infrastructures permettant aux clients de recharger leurs camions lorsqu’ils les achètent», s’est-il exprimé.

Matt Spears, directeur général pour les affaires réglementaires mondiales chez Cummins, a souligné un accord récent entre l’Engine Manufacturers Association (EMA) et le California Air Resources Board (CARB) qui promet que les deux groupes travailleront ensemble sur les futures normes en matière d’émissions.

«Cet accord devait apporter une stabilité et une certitude réglementaires à l’ensemble de l’industrie. Nous continuerons à collaborer avec l’EMA et le CARB pour résoudre les problèmes qui se posent», a-t-il déclaré.

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