Les prix du diesel augmentent, la question de la taxe carbone reste en suspens

Le 1er avril, les taxes sur le carbone fédérales ont été intégrées au prix du carburant dans quatre provinces, accompagnées d’une menace d’amende de 2 000 $ pour les transporteurs concernés qui ont omis de s’inscrire auprès de l’Agence du revenu du Canada.

Au fur et à mesure que les prix augmentent, de nombreuses questions subsistent quant à la structure redditionnelle, au programme de remboursement sous-jacent, et même à savoir si la taxe s’appliquera au carburant pour groupes frigorifiques.

«C’est un cauchemar absolu», a déclaré Terry Shaw, directeur général de la Manitoba Trucking Association. «Comment pouvons-nous utiliser cette taxe carbone pour devenir réellement plus efficaces, au lieu que ce soit un système de répartition des revenus?»

La taxe fédérale est maintenant appliquée au Manitoba, en Saskatchewan, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, qui n’ont pas toutes atteint les objectifs fédéraux en matière de tarification du carbone. D’autres provinces ont lancé leurs propres programmes, tandis que le Nunavut et le Yukon ont opté pour le mécanisme de tarification fédéral qui entrera en vigueur le 1er juillet.

L’Ontario estime que la taxe sur le carbone fera augmenter les prix du diesel dans son territoire de 5,37 cents le litre cette année, et de 13,41 cents d’ici 2022.

Lors d’un récent point de presse chez Challenger Motor Freight, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déclaré que la taxe carbone ajouterait 750 millions de dollars au prix des activités de camionnage longue distance de sa province entre 2019 et 2022. Un tracteur semi-remorque consommant 88 000 litres de carburant par année pourrait générer des coûts supplémentaires de carburant de 3 500 $ en 2019 et de 11 200 $ en 2022.

Les provinces à qui la taxe a été imposée ont lancé poursuite judiciaire contre la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui y est liée, en affirmant qu’elle est inconstitutionnelle. Signe évident que la taxe carbone sera une question électorale, le parti conservateur a envoyé un texto aux téléphones cellulaires des juridictions dans les jours qui ont précédé l’intégration de la taxe.

«Une taxe carbone ne fera aucune différence pour l’environnement», a déclaré M. Ford, un premier ministre conservateur. «Une taxe sur le carbone chassera également des emplois de l’Ontario – des emplois dans le secteur manufacturier, les petites entreprises et le camionnage.»

L’Ontario fait face à la taxe imposée par le gouvernement fédéral parce que le gouvernement Ford a donné suite à une promesse électorale de supprimer un système de plafond et d’échange préexistant.

Davantage de paperasse avec la taxe sur le carbone

Les transporteurs routiers ont dû s’inscrire auprès de l’ARC et doivent maintenant soumettre des rapports trimestriels sur leur consommation de carburant.

«En règle générale, un transporteur routier doit s’inscrire s’il mène des activités commerciales entre administrations, concernant du combustible qui est de l’essence, du mazout léger, du gaz naturel commercialisable ou du propane», peut-on lire sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada (ARC). «Un transporteur routier qui mène des activités commerciales seulement dans une province proposée comme étant assujettie n’aura pas à s’inscrire.»

«Ils ont créé ce système extrêmement complexe de type IFTA», a déclaré M. Shaw, faisant référence à l’Entente internationale concernant la taxe sur les carburants en vigueur.

Alors que l’IFTA s’applique partout, la taxe carbone laisse des «trous noirs» entre les quatre provinces et les juridictions voisines. «Cela offre des possibilités aux personnes créatives», a-t-il ajouté. Un transporteur pourrait acheter du diesel dans une province imposant la taxe fédérale sur le carbone, et percevoir un remboursement, mais rouler l’essentiel de ses kilomètres dans une juridiction ayant un programme provincial.

Pour aggraver les choses, la taxe carbone est dissimulée aux pompes à essence. Elle est facturée aux distributeurs, d’expliquer M. Shaw, ajoutant que la facturation des surtaxes sur le carburant peut poser un défi même lorsque les taxes sont transparentes et universelles.

Il n’est pas non plus un inconditionnel de la structure redditionnelle associée, soulignant que les nouveaux documents sont «encombrés de lourdeurs administratives» et exigent que des calendriers individuels soient complétés pour chaque province. Il n’y a pas non plus de réponse sur la manière dont les règles seront appliquées aux transporteurs américains qui vont et viennent dans les provinces avec la tarification fédérale.

Certains transporteurs du Nouveau-Brunswick ont déjà pris «les devants» en affichant des avis sur les surtaxes sur le carburant pour couvrir les coûts supplémentaires, selon Jean-Marc Picard, directeur exécutif de l’Atlantic Provinces Trucking Association (APTA).

Mais d’autres entreprises continuent d’appeler l’association avec des questions sur la façon dont tout cela va fonctionner, alors que l’Agence du revenu du Canada continue de planifier des webinaires sur la façon dont la taxe sera administrée. «Il y en a eu la semaine dernière. Ils étaient complètement réservés», a déclaré M. Picard, en lien avec les webinaires. «Certaines ont les ressources pour obtenir toutes les informations, mais d’autres pas…Cela crée assurément beaucoup d’anxiété dans l’industrie.»

Le président de l’Association du camionnage de l’Ontario, Stephen Laskowski, qui était aux côtés M. Ford lors de l’événement chez Challenger Motor Freight, a déclaré que la hausse des coûts du carburant constituerait un «sujet de discussion majeur» entre les transporteurs et leurs clients.

«Vous pouvez être en faveur des emplois, ou vous pouvez être en faveur d’une taxe carbone, mais vous ne pouvez pas être en faveur des deux», a déclaré M. Ford. «Le risque d’une récession causée par la taxe carbone est réel. Pensez-y un instant. Chaque fois qu’un camionneur remplit un réservoir, la taxe sur le carbone viendra alléger les poches de son employeur. C’est l’argent qui pourrait être utilisé pour embaucher de nouveaux travailleurs ou améliorer vos flottes, ou c’est un coût qui sera transmis aux clients par des prix plus élevés en magasin, car c’est ce que fait une taxe carbone.»

Les émissions des camions déjà en baisse

Le gouvernement fédéral a fait la promotion de la taxe en tant qu’outil favorisant des pratiques respectueuses de l’environnement. «Les effets du changement climatique sont partout et rappellent constamment la nécessité d’agir maintenant», a déclaré le premier ministre Justin Trudeau lors du dévoilement des détails sur la taxe. «Si le changement climatique est le plus important défi de cette génération, il offre également l’occasion de faire mieux tout en développant l’économie.»

La référence fédérale en matière de tarification du carbone commence à un minimum de 10 $ par tonne et augmente de 10 $ par année, pour atteindre 50 $ par tonne en 2022. Une estimation fédérale suggère que la tarification permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 60 millions de tonnes d’ici 2020, soit 8,3 % des émissions enregistrées en 2015.

Le ministre de l’Environnement, de la Conservation et des Parcs de l’Ontario, Rod Phillips, a cité Challenger comme un exemple de flotte qui réduit ses émissions sans pénalité associée à une taxe. «Ils ont amélioré l’économie de carburant, réduit les émissions nocives et font leur part pour un environnement propre», a-t-il déclaré, mentionnant l’utilisation de transmissions automatisées, de groupes auxiliaires de bord pour lutter contre la marche au ralenti, et le recours à une formation ciblée des chauffeurs.

M. Shaw convient que l’industrie du camionnage doit prendre des mesures pour réduire son empreinte carbone. «Mais que se passera-t-il si une famille utilise simplement son remboursement lié aux recettes tirées de la taxe carbone fédérale pour acheter un nouveau téléviseur?», a-t-il demandé. Cela nécessitera tout de même un camion de livraison.

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