Location Brossard relève le défi d’une électrification multiple en partenariat avec cinq transporteurs

Location Brossard procède actuellement à la plus importante opération d’électrification de camions lourds à ce jour au Québec. En septembre dernier, cinq camions électriques à batterie, loués clé en main par autant de clients différents, ont pris la route, et cinq autres s’ajouteront au cours des prochains mois.

Jean-François Brossard, directeur Technologie et innovation énergétique et responsable des énergies alternatives chez Location Brossard, est à la tête de ce projet de près d’un million de dollars.

Les cinq clients qui prennent part au projet ont communiqué leur désir d’exploiter des camions propulsés par des énergies alternatives. Il s’agit de Groupe Guilbault, Emballage Carrousel, Groupe St-Hubert, Transport Gariépy et de l’une des principales sociétés canadiennes spécialisées dans les produits de santé.

«Tout cela s’est fait sans que ces clients s’en parlent entre eux. C’est parti d’un engagement corporatif de ces entreprises envers des véhicules plus verts, et nous, nous sommes là pour leur trouver des solutions», explique M. Brossard.

Pour Location Brossard, il était primordial que les clients comprennent l’esprit de partenariat nécessaire au projet. «Quand on aborde une nouvelle technologie, on est pour ainsi dire mariés et il faut trouver des solutions ensemble.

Le client doit comprendre que des problèmes peuvent survenir avec un véhicule électrique. On a choisi les cinq premiers en fonction de leur attitude de partenariat. Il faut beaucoup de communication et de partage d’informations entre les chauffeurs, la direction des entreprises et nous pour assurer que l’expérience sera bonne pour tout le monde.»

Location Brossard est «agnostique» en ce qui a trait aux marques, et l’entreprise travaillera éventuellement avec d’autres fabricants de camions électriques, mais, pour la première phase, des Freightliner – cinq tracteurs eCascadia et cinq camions porteurs eM2 – du concessionnaire Globocam sont mis à contribution.

Les étapes du projet

La première condition pour qu’un projet d’électrification fonctionne, c’est d’avoir l’engagement de la direction, tant au niveau financier qu’opérationnel. «Exploiter des camions électriques demande des investissements importants et implique des changements opérationnels majeurs. C’est le véhicule électrique qui va dicter les opérations, car il y a un élément d’attente avec la recharge», explique Jean-François Brossard.

(Photo: courtoisie)

Les camions électriques imposent des limitations d’autonomie et de poids; ils sont limités à tirer des remorques à deux essieux. Il est possible de tirer une remorque à trois essieux, mais dont le poids serait limité à celle d’une remorque à deux essieux, car sinon il peut se créer une résistance dans le moteur qui risque d’entrainer une usure prématurée.

Et si vous tractez des citernes, elles doivent contenir du vrac sec, car les moteurs électriques ne sont pas conçus pour composer avec l’effet de vague que produit du liquide.

Quelle est la principale erreur à éviter dans un projet d’électrification? «La plupart des gens pensent aux camions avant de penser aux bornes de recharge alors que, dans les faits, il faut plutôt faire le contraire. Ça prend beaucoup plus de temps de se connecter aux bornes que de recevoir un véhicule électrique», indique M. Brossard.

Lors de la première rencontre avec un client qui souhaite faire ses premiers pas avec des camions électriques, il n’est pas question de chiffres, mais il est beaucoup question d’applications. «J’explique ce que le camion est capable de faire et ce que le client doit être capable de faire avec le véhicule. Il faut tenir compte des limitations du véhicule et s’y adapter.»

Tous les camions d’une flotte ne se prêtent pas à l’électrification. Un exercice de ciblage permettra de déterminer quels camions peuvent être électrifiés. On parle des camions d’utilisation urbaine semi-régionale. Les eCascadia de Location Brossard sont pourvus d’une batterie de 438 kWh. «Ce que l’on recommande aux clients, c’est d’être capable de faire 225 km par jour, 12 mois par année.»

Les camions sont loués clé en main sur cinq ans. Différents éléments expliquent cette durée, dont les subventions gouvernementales qui atteignent 100% à la quatrième année de location. «Après quatre ans, le véhicule va être encore très bon, car il n’aura pas accumulé beaucoup de kilomètres. On ne voulait pas étirer trop longtemps non plus pour ne pas avoir possiblement à vivre une sixième année difficile. On a trouvé que cinq ans, c’était la durée idéale.»

Si le choix des camions est relativement simple, celui des infrastructures requiert expertise et planification. Location Brossard a fait installer trois bornes de 180 kW comprenant deux pistolets chacune, en plus de deux bornes de 24 kW en cas de bris. Les camions ont chacun leur espace réservé aux bornes et ils sont rechargés à la fin de leur journée de travail.

Au départ, Location Brossard a voulu s’occuper des démarches pour l’installation des bornes. «Nous avons commencé à discuter avec des firmes d’ingénieriepour nous aider à faire les dessins techniques et à établir la localisation des bornes et des transformateurs. Nous avons soumis nos documents à Hydro- Québec et c’est là que la réalité nous a rattrapés : les délais entre chaque demande sont très longs», indique M. Brossard.

(Photo: courtoisie)

Et si une demande est refusée, il faut refaire les dessins techniques, resoumettre une demande et, même si c’est accepté par Hydro-Québec, ce n’est pas nécessairement terminé. «Par exemple, Hydro-Québec avait accepté nos dessins techniques, mais la Ville de Dorval les a refusés. Nous voulions avoir des transformateurs aériens, mais la Ville a invoqué que ce n’était pas esthétique, même s’ils étaient loin de la vue.»

Globocam a parlé de Cléo à Location Brossard et ce fut un coup de foudre d’affaires. «Cléo offre la même chose que nous offrons à nos clients : de la location clé en main. C’est exactement ce que l’on cherchait. L’électrification c’est tout nouveau, on ne connait rien là-dedans. Il faut faire preuve d’humilité et donner le mandat aux meilleurs», de dire M. Brossard.

«Nous aidons les exploitants de parcs de véhicules et les accompagnons pour enlever les risques inhérents à l’électrification», explique Emmanuelle Toussaint,vice-présidente Commercialisation pour Cléo. «Nous sommes là à toutes les étapes du projet, de l’identification des besoins jusqu’à la maintenance, en passant par l’installation et le déploiement des infrastructures de recharge. Nous offrons une solution de location-rachat. Location Brossard fait la même chose que nous avec ses clients : il les aide à s’électrifier.»

«Il faut prévoir les besoins futurs et voir comment les infrastructures vont évoluer dans 2, 3 ou 5 ans. Il est vraiment important de penser à toutes les étapes», poursuit Mme Toussaint.

Là où Cléo a le plus aidé, c’est avec les délais de raccordement à Hydro-Québec. «Nous avions une échéance qui était le 1er juillet 2023, date à laquelle on livrait les véhicules à nos clients. On a signé le contrat avec Cléo en décembre 2022 et nous avons eu nos bornes fonctionnelles en juillet 2023. Lorsqu’on parlait aux gens d’Hydro-Québec, l’échéance était plutôt en novembre 2023. Ils savent quelles portes ouvrir, ils savent à qui parler. Cléo, c’est un accélérateur», dit M. Brossard.

«On connait les délais de raccordement, on sait à qui s’adresser, qu’elles sont les équipes responsables. On connait les rouages pour faire qu’un projet avance correctement», poursuit Emmanuelle Toussaint, insistant aussi sur l’importance de travailler main dans la main. «L’électrification, c’est un écosystème qui regroupe plusieurs parties prenantes. Il faut travailler ensemble dans l’atteinte des objectifs.»

Sylvain Cabanetos chargé de compte chez Cléo, a immédiatement saisi l’envergure du projet de Location Brossard. «Il y a une différence entre tester un camion lourd avec une borne et vouloir mettre en place une infrastructure. S’électrifier, ça comporte beaucoup de risques. Que fait-on en matière de dimensionnement, qu’est-ce que je choisis comme type de borne, comment est-ce que je me raccorde au réseau? Comment vais-je exploiter mon infrastructure, comment vais-je gérer correctement mon énergie?»

Le principal défi pour Cléo dans le projet de Location Brossard, c’était l’échéancier, constate M. Cabanetos. «Lors de la première rencontre, des démarches avaient été entreprises. On est arrivés dans le projet un peu plus tard, mais les délais restaient les mêmes.»







Un mot sur les subventions : les tracteurs eCascadia avec les batteries 438 kW sont admissibles à une subvention de 175 000$ au provincial et de 150 000$ au fédéral. Le camion vaut autour de 700 000$. Les subventions sont offertes que le camion soit acheté ou loué. Location Brossard les applique dans les versements mensuels de location. Le client n’a pas à s’en occuper.

Les camions électriques sont sur la route depuis le mois de septembre et n’ont pas subi de bris notables. Il n’y a pas eu non plus de problèmes avec les batteries et les bornes de recharge. Location Brossard a constaté que les chauffeurs, qui ont suivi une formation de conduite avec les camions électriques, auraient intérêt à davantage utiliser la position de récupération au freinage la plus agressive, celle qui est recommandée pour augmenter l’autonomie.

Un premier pas

«Nous étions vraiment partants pour ce projet», affirme Alain Desmarais de Transport Gariépy. Un des clients de l’entreprise, Emballages Mitchell-Lincoln, cadrait parfaitement. «Nous savions quel client avait l’application parfaite pour un camion électrique. Nous avons ciblé Emballages Mitchell-Lincoln et avons parlé à Patrick Carrier, directeur Expédition et Ressources matérielles, qui a tout de suite été emballé par l’idée».

Il y avait bien quelques appréhensions quant à l’autonomie et la fiabilité du camion, mais, jusqu’à maintenant, il a toujours fait ses journées de travail sur une charge, et les seuls petits problèmes relevés sont les mêmes que ceux qui surviennentavec les camions au diésel.

Guillaume Desmarais indique que les conducteurs apprécient la douceur de conduite et la maniabilité du camion électrique, l’absence de bruit et l’accélération vive. Ce camion se veut en quelque sorte un banc d’essai pour Transport Gariépy, un premier pas pour l’entrepriseen matière de transport durable. «On est très conscientisés face à l’environnement. Nous aussi, nous avons des enfants et des petits-enfants et nous voulons réduire nos GES» dit Alain Desmarais.

Steve Bouchard écrit sur le camionnage depuis près de 30 ans, ce qui en fait de loin le journaliste le plus expérimenté dans le domaine au Québec. Steve est le rédacteur en chef de l’influent magazine Transport Routier, publié par Newcom Média Québec, depuis sa création en 2000. Il est aussi le rédacteur en chef du site web transportroutier.ca et il contribue aux magazines Today’s Trucking et Truck News.

Steve rédige aussi le bulletin électronique de Transport Routier, Les nouveautés du routier, et il participe à l’élaboration des stratégies de communication pour le salon ExpoCam de Montréal, propriété de Newcom.

Steve est détenteur d’un permis de conduire de classe 1 depuis 2004 et il est le seul journaliste de camionnage au Québec à avoir gagné des prix Kenneth R. Wilson de la Presse spécialisée du Canada, l’or et l’argent deux fois chacun.

Steve a occupé la présidence et la présidence du Conseil du Club des professionnels du transport du Québec et il représente les médias au comité des fournisseurs de l’Association du camionnage du Québec. En 2011, il a reçu le prestigieux prix «Amélioration de l’image de l’industrie» remis par l’Association du camionnage du Québec.

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