Luc Cormier: coeur de camionneur
D’aussi loin qu’il se rappelle, Luc Cormier a toujours eu du diesel dans les veines. «C’est littéralement une passion», dit-il. Quand on lui demande ce qu’il aime de son métier qu’il exerce depuis 40 ans, il répond : «tout!».
«Un de mes oncles, son handle c’est Cognac, conduisait pour Frito-Lay (Dulac à l’époque). Il m’amenait avec lui en camion l’été, quand j’avais 6-7 ans. On allait en Abitibi. Quand j’étais sur la route, j’étais dans mon monde. J’allais à l’école parce que j’étais obligé. J’attendais juste le bon moment de lâcher pour m’en aller sur un camion», lance-t-il.
Il a appris à conduire de lui-même, dans le camion step van de livraison de pain de son père. «Ça avait une transmission à trois vitesses au plancher. Le temps que mon père plaçait les commandes, je picossais avec ça. Je lâchais la clutch lentement et le camion avançait sur le gaz. Je tournais en rond dans la cour.» Il avait 12 ou 13 ans.
Ensuite, son père s’est acheté un camion pour la livraison de lait, un GMC 5 tonnes avec une transmission 5 vitesses Roxel et une boîte de 16 pieds. Luc avait 14 ans. «Le samedi, je partais de Terrebonne seul avec un 5 tonnes, pas de permis. Je montais à Saint-Jérôme avec un oreiller dans le dos pour pouvoir rejoindre les pédales.»
Évidemment, il a appris à shifter au son. «J’écoutais tellement que je savais, juste au son, que c’était le temps de changer de vitesse.»
Le camionneur de 58 ans, résident de Terrebonne, a une mémoire phénoménale des spécifications des camions qu’il a conduits au cours des ans. Ou même qu’il n’a pas conduits!
«Le premier camion dans lequel j’ai embarqué, c’est celui à mon oncle, un White 4000 à six roues avec une 8LL et un 300 Cummins.»
«Quand je suis allé chercher ma classe 5, je conduisais déjà un 10 roues avec 25 pieds de boîte. Un Inter série S avec une 13 directe», dit-il, le plus simplement du monde.
Le premier «vrai camion» qu’il a conduit, c’est un Kenworth K100 (avec un 400 Cummins et une 15 vitesses!). «Je n’avais jamais conduit ça. J’ai appris avec le schéma de Fuller sur le garde-soleil.» Le propriétaire du camion, un certain Denis, lui avait dit qu’avec un Cummins, il n’avait qu’à compter 1, 2, 3 entre les changements de vitesse. Après quelques grincements d’embrayage, tout est bien allé ensuite jusqu’à Toronto.
L’entendre parler de son expérience sur une «gratte» est particulièrement drôle. «Je ne m’étais jamais assis là-dedans. Il y avait un 350 Cummins avec une 10. Mais, un one-way, quand tu mets ça à terre, c’est 25 pieds. Je suis parti avec ça, et les boîtes à malle revolaient!»
Luc travaille pour Express Mondor depuis 21 ans. Son territoire, c’est les États-Unis au grand complet. Et il conduit un Kenworth W900L attitré. «Je suis gâté, mes boss ils prennent soin de moi. Quand je pars en vacances, le camion est dans le garage et personne ne lui touche», dit-il.
Ce qu’il fait aujourd’hui, c’est l’aboutissement de son rêve d’enfance. «C’est comme quelqu’un qui étudie pendant des années pour devenir médecin. Moi, je n’ai pas été à l’école pendant 30 ans, mais je fais ce que je voulais faire.»
La retraite n’arrivera pas demain matin. Il pourrait diminuer ses heures un peu, ou moins s’éloigner de la maison, selon ce que la vie lui réservera. Mais la route lui restera toujours dans le sang. Le meilleur conseil qu’il donnerait à un jeune camionneur?
«Fais ton affaire et laisse faire les autres. Si tu as un problème, va le régler avec ton patron. Tu ne règleras rien sur la 401 dans un truck stop, dans un CB ou sur Facebook.»
À ses fils Maxime, Dannick et Zachary, il a toujours dit de faire un métier dans lequel ils se plairaient. «C’est le plus important. Depuis 40 ans, j’ai fait ce que j’ai voulu. J’ai fait ce que j’ai aimé, et je le fais encore.»
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