Michelin investit dans une technologie d’ici de valorisation des déchets plastiques

Des pneus de camions faits en partie de pots de yogourt, de barquettes d’aliments ou de couvercles de gobelets de café pour emporter? L’idée n’a rien de fantaisiste et la compagnie Pyrowave, dont l’usine pilote et les activités de recherche et développement se trouvent à Valleyfield, a convaincu des fonds d’investissement parmi lesquels figure Michelin Ventures d’y participer.

Cette ronde de financement annoncée il y a quelques jours à Montréal implique également Sofinnova Partners, une société européenne de capital de risque, ainsi qu’Ecofuel, un fonds d’investissement québécois et un accélérateur d’entreprises de technologies propres.

Pyrowave a démontré sa capacité à produire du styrène monomère recyclé à partir de déchets plastiques, pour qu’il soit ensuite intégré dans la production de caoutchouc synthétique, composant des pneus avec le caoutchouc naturel.

Michelin a étudié et évalué la nature des travaux menés par Pyrowave et a aimé ce qu’elle a vu. Pour  Matthieu van der Elst, président-directeur général de Michelin Ventures, l’investissement de la multinationale française illustre sa stratégie qui vise à accompagner des entreprises innovantes et à fort potentiel de croissance. « Parallèlement à notre portefeuille actuel et à notre R&D exceptionnel, cet investissement renforce la position de Michelin comme référence pour les matériaux durables de haute technologie », a-t-il déclaré.

Le président et chef de la direction de Pyrowave, Jocelyn Doucet, estime que quant à lui que : « Cet investissement marque un tournant dans l’économie circulaire des plastiques et le soutien de Michelin envoie le signal que le marché est prêt à mettre en œuvre ces solutions. »

En entrevue à Transport Routier, M. Doucet ajoute : « Ils croient en notre technologie. L’investissement qu’ils ont fait chez nous nous permet de consolider la technologie, de l’amener sur le marché et de la commercialiser. »

M. Doucet explique que les styrènes et polystyrènes qui se retrouvent dans les centres de tri n’y trouvent que peu ou pas de débouché ou de marché. « Personne n’achète le polystyrène parce que personne ne sait vraiment quoi faire avec », résume-t-il.

Jocelyn Doucet, président de Pyrowave.

Pourtant, de nombreuses industries utilisent le styrène à titre de matière première de leurs produits. C’est le cas des fabricants de pneus, dans la composition desquels entre le caoutchouc synthétique, mais aussi des producteurs de plastiques utilisés dans l’électronique.

Ces industries sont la clientèle visée par Pyrowave et ses réacteurs. « On vise des industriels qui achètent déjà du styrène et qui désirent atteindre des cibles de contenu recyclé dans leurs produits, ce à quoi notre technologie répond. »

C’est justement le cas de Michelin qui, lors de l’édition 2018 du Sommet sur la mobilité durable Movin’On tenu à Montréal, annonçait son objectif pour 2048 d’utiliser 80% de contenu recyclé – ou matériaux durables – et d’atteindre un taux de recyclage de 100% de ses pneus à la fin de leur vie utile.

Le caoutchouc synthétique est généralement désigné sous l’acronyme SBR, qui signifie Sytrene Butadiene Rubber, ou caoutchouc polybutadiène en français. Selon la U.S. Tire Manufacturers Association, de l’ensemble du caoutchouc que l’on retrouve dans un pneu de camion lourd, près du quart est constitué de divers polymères synthétiques, dont le SBR.

Et puisque le styrène comme celui que récupère Pyrowave se retrouve en petite quantité – environ 20%, dit M. Doucet – dans le SBR et que lui-même est une faible proportion d’un pneu de camion, « Ça ne prend pas beaucoup de styrène pour avoir un impact sur beaucoup de pneus », dit-il.

« Il y a 25 millions de tonnes de polystyrène disponible, ce qui permet de faire environ 20 à 25 millions de tonnes de styrène recyclé », calcule le président de Pyrowave.

Interrogé sur la manière dont nos styrènes et polystyrènes de tous les jours se transforment en caoutchouc synthétique, M. Doucet utilise l’image d’un collier de perles dont on couperait le fil – avec une technologie à micro-ondes dans ce cas – pour ensuite en trier les perles et les agencer selon une nouvelle séquence. Et parmi ces perles, on insère des perles de butadiène, ce qui constitue la base du caoutchouc.

Il s’agit plus ou moins de décomposer la structure chimique complexe des plastiques en une forme plus simple, qui peut ensuite être utilisée dans la fabrication de plastiques vierges.

Et le monomère de styrène a ceci d’intéressant qu’il est liquide à température de la pièce, contrairement à certains gaz qu’il faut maintenir sous pression. « Le styrène est un beau cas de figure parce qu’il a un monomère et qu’il est facile à purifier par distillation ordinaire », indique M. Doucet, dont les réacteurs sont maintenant à la phase de la commercialisation.

Le styrène est liquide à température de la pièce.

Reste à voir comment Michelin compte mettre cette technologie en pratique. Joint par courriel en France, le porte-parole du service de presse de Michelin, Paul Cordle, indique qu’un communiqué sera diffusé au début du mois de juin et qu’on y trouvera plus de détails sur les applications potentielles de ces plastiques recyclés en caoutchouc synthétique.

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