Planifier un préachat

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Les normes d’émissions EPA27 récemment annoncées devraient ajouter environ 30 000 $ au coût d’un camion de classe 8, ce qui ouvre la voie à un préachat potentiellement sans précédent.

Le préachat de camions de classe 8 consiste à précipiter les commandes afin d’éviter les coûts et les incertitudes liés aux nouvelles normes d’émission, les flottes compétitionnant pour obtenir les créneaux de construction. Les flottes pourraient être plus enclines à acheter à l’avance, car elles continuent à ressentir les effets des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et de l’augmentation de la demande de camions observée lorsque l’économie a émergé de la pandémie de Covid-19.

Les flottes pourraient se retrouver à nouveau en concurrence pour les créneaux de construction à l’approche des normes d’émissions EPA27. (Photo : John G. Smith)

Les délais d’exécution pouvaient atteindre 18 mois. «Cela a amené les flottes à réfléchir à la manière dont elles achètent leurs actifs», a déclaré Brian Antonellis, vice-président principal des opérations de flotte chez Fleet Advantage, un cabinet d’analyse du cycle de vie. «Je pense que la nouvelle norme est de préparer les commandes de camions trois ans plus tôt.»

Cela signifie que les flottes devraient, et dans certains cas sont déjà, en train de planifier leurs achats de matériel pour 2027 et de déterminer s’il convient d’acheter à l’avance pour devancer les augmentations de prix, ou de retarder les achats jusqu’à ce que les nouvelles technologies de moteurs visant à réduire davantage les NOx aient fait leurs preuves.

ACT Research estime que tous les éléments sont réunis pour un préachat potentiellement important.

«Pour la plupart des transporteurs, la décision de préacheter est une équation à deux facteurs : est-ce que je veux acheter à l’avance et est-ce que je peux me permettre d’acheter à l’avance?», a émis Kenny Vieth, président d’ACT Research. «Nous pensons que pour la première fois depuis l’EPA07, ces deux conditions sont réunies avant EPA27, car le cycle de fret devrait soutenir la rentabilité des transporteurs en 2025 et 2026, avant l’entrée en vigueur de la directive.»

Étant donné qu’il s’agit de la première série de normes d’émission de l’EPA pour laquelle les coûts technologiques et les conditions de mise en œuvre justifient un achat anticipé, M. Vieth a ajouté : «Il y a de bonnes raisons de penser que l’achat anticipé sera plus important cette fois-ci.»

Le plus important depuis l’EPA07?

Mais plus important que quoi? ACT estime que le dernier préachat important, qui a précédé l’EPA07, a entraîné la vente de 100 000 camions supplémentaires. Dans ce contexte, les fabricants se préparent à un pic de la demande avant 2027. Lors d’une présentation du marché aux journalistes du secteur en février, Magnus Koeck, vice-président du marketing et de la gestion de la marque chez Volvo Trucks North America, a affirmé que le constructeur prévoyait une année record pour la demande de véhicules de classe 8 en 2026.

«Nous pensons sincèrement que les clients n’attendront pas 2026 pour acheter des unités, car ils savent que s’ils attendent aussi longtemps, l’industrie ne sera pas en mesure de fournir suffisamment de camions», a indiqué M. Koeck à l’époque. «Cela signifie que les préachats commenceront plus tôt. C’est probablement ce que nous verrons dès cette année en fin d’année, en 2025 et, bien sûr, en 2026.»

Tout le monde n’est pas convaincu. Avery Vise, vice-président du camionnage pour le prévisionniste FTR, a noté que «FTR ne prévoit pas actuellement de remplacement accéléré sur le marché de la classe 8 en raison de la réglementation sur les NOx de 2027. Cela pourrait-il être significatif? Oui, mais il n’y a pas encore de certitude que ce sera le cas.»

Il a ajouté que les commandes de mars étaient inférieures au niveau de remplacement, ce qui suggère qu’il n’y a pas d’urgence parmi les acheteurs à devancer les commandes en 2024. FTR prévoit déjà une forte demande de camions de classe 8 au cours des deux ou trois prochaines années, et M. Vise s’interroge sur la capacité des fabricants d’origine à augmenter leur capacité pour répondre à la demande supplémentaire résultant d’un préachat.

Des questions très ouvertes

En ce qui concerne les normes EPA27, M. Vise a posé la question suivante : «Cela va-t-il entraîner une accélération de l’activité en prévision d’un changement encore plus important, ou bien cela limitera-t-il l’ampleur des changements que le marché pourra supporter au cours des prochaines années? Ce sont des questions très ouvertes à ce stade.»

ACT Research pense que les flottes privées, dont les cycles commerciaux sont généralement plus longs, sont peut-être déjà en train de préacheter. En effet, les commandes de tracteurs de classe 8 atteignent des taux record, alors même que la rentabilité des transporteurs pour compte d’autrui continue de souffrir.

M. Antonellis, de Fleet Advantage, pense également qu’un préachat est probable. Selon lui, c’est la principale question que se posent les flottes. Mais la question de savoir s’il faut ou non acheter à l’avance est complexe et la réponse varie.

«Tout commence par des données», a souligné M. Antonellis. «Comprendre où l’on se situe du point de vue du coût au kilomètre et comprendre comment on va pouvoir projeter ce coût à l’avenir.»

Fleet Advantage dispose de quelque 50 milliards de kilomètres pour prédire le coût au kilomètre au fur et à mesure que les flottes vieillissent, a-t-il ajouté. «Nous pouvons prédire où vous vous situerez du point de vue des coûts, et comment les coûts vous affecteront, soit en repoussant les achats ou les locations au-delà de 2027, soit en les effectuant avant 2027», a-t-il expliqué. «Ensuite, vous pouvez évaluer le risque que vous voulez prendre avec la nouvelle technologie. Tout commence par une bonne maîtrise des données.»

M. Vieth, d’ACT, a déclaré que les flottes devraient discuter avec leurs fabricants et leurs concessionnaires des normes d’émissions à venir et de leur impact sur les coûts. Il a noté que les conditions du camionnage deviennent plus favorables et «alors que les chiffres pour le compte d’autrui  se raffermissent en 2024, nous pensons que les files d’attente s’allongeront  rapidement  jusqu’en 2025.»

Comprendre l’allocation

Si un préachat se matérialise, les flottes feraient bien de discuter avec leurs fabricants de la manière dont elles prévoient attribuer les créneaux de construction. Le terme «attribution» est devenu une insulte pour les flottes pendant la période de restriction de l’offre pendant la Covid, lorsqu’elles se sont battues pour obtenir les unités motrices dont elles avaient besoin pour tirer parti d’un marché du fret vigoureux.

«L’allocation pendant la Covid s’appuyait sur la fabrication un pour un d’une année sur l’autre. Il est donc très important de ne pas acheter 100 camions en 2024, que vous obtiendrez en 2025, car vous n’aurez alors aucune allocation pour 2026», a expliqué M. Antonellis. «Ainsi, tout en essayant de déterminer le nombre de camions que vous souhaitez construire et la part de risque que vous voulez prendre dans la nouvelle technologie en 2027, vous devez également réfléchir à la manière de conserver votre allocation pendant les trois prochaines années afin que vous puissiez obtenir ce matériel.»

C’est le type de conversations stratégiques que Fleet Advantage a avec ses clients, dont l’un souhaitait initialement commander environ 300 camions en 2026. «Je lui ai dit : vous comprenez, si vous n’achetez pas de camions en 2025, vous n’aurez aucune allocation pour 2026, alors pourquoi ne pas répartir votre commande entre 2025 et 2026? Nous diviserons cette commande de 300 camions en deux commandes de 150 camions, ce qui nous permettra de protéger notre allocation pour 2026.»

Nous pensons que le risque en 2027 sera doublé.

Kenny Vieth, ACT Research

Si un préachat important se produit en 2026, les fabricants de poids lourds pourraient être confrontés à un marché sombre l’année suivante, ce qui pourrait également entraîner des répercussions sur les flottes.

«Ce qui se passera après 2026 est une autre histoire», a affirmé M. Koeck de Volvo. «L’année 2027 sera marquée par une forte baisse en raison de la nouvelle législation sur les émissions, ce qui entraînera une augmentation considérable du prix des camions.»

M. Vieth a ajouté : «Nous pensons que le risque en 2027 sera doublé. Non seulement beaucoup de matériel roulant  aura été ajouté, mais comme les cycles de fret fluctuent, il y a un risque que la fin du préachat se produise alors que les volumes de fret diminueront, laissant une dynamique de l’offre et de la demande à l’envers en 2027, ce qui sera néfaste pour les profits des transporteurs. Et bien sûr, comme les ventes de véhicules sont repoussées  à partir de 2027, nous nous attendons à ce que la demande de camions de poids moyen et lourd diminue à mesure que le marché commencera à se rééquilibrer.»

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